C’est ce lundi 30 septembre qu’auront lieu les obsèques de l’ancien président français, Jacques Chirac, décédé le jeudi dernier. Des Burkinabè réagissant à la disparition de celui qui était surnommé « Chirac l’Africain », trouvent pour certains, qu’il a travaillé pour les intérêts de la France. Pour d’autres, c’est un président qui a marqué son temps.
Anonyme: «Je ne pense pas que sa mort doit constituer un grand événement pour l’Afrique»
«Jacques Chirac je ne le connais pas trop en profondeur mis à part qu’il a été président de la France et il a vraiment joué un grand rôle sur la scène politique. Mais aller jusqu’à dire qu’il a été un ami de l’Afrique comme certains le disent je ne crois pas, parce qu’il ne va jamais aller à l’encontre des intérêts de la France. Il ne faut pas croire qu’il se battait pour l’Afrique. Ca c’est mon point de vue même si ça ne relève pas d’un objectivisme absolu. Donc que son âme repose en paix et que la terre lui soit légère. Mais je ne pense pas que sa mort doit constituer un grand évènement pour l’Afrique, parce que rien qu’au Burkina, il y a des sujets plus sérieux notamment la situation sécuritaire que ce décès. Mais comme en Afrique on a du respect pour les morts, que son âme repose en paix».
Adama Ouédraogo, cadre au ministère de l’Education (MENA): «Il s’est intéressé à l’Afrique d’une manière ou d’une autre»
«Le décès de Jacques Chirac pour moi est une perte parce que dans tous les cas, c’est un homme d’Etat qui est décédé. Et un homme d’Etat, c’est un niveau de vie auquel tout le monde ne peut pas parvenir. Et ça veut dire en d’autres termes que c’est une expérience qui est partie. Donc de mon point de vue, on doit reconnaître au moins cette perte-là pour dire que c’est un grand homme qui est parti. Je ne veux m’attarder sur ce qu’il a fait pour l’Afrique ou le Burkina qui est positif ou négatif parce que je ne serai pas exhaustif, mais je sais seulement qu’il s’est intéressé à l’Afrique d’une manière ou d’une autre».
Elie Siboné, agent dans un projet de développement, le projet d’appui au secteur de l’élevage: «Il a œuvré en maintenant les réseaux de la Françafrique»
«C’est vrai que des avis des uns et des autres on entend que c’était un ami de l’Afrique mais moi je retiens de lui quelqu’un qui a œuvré en maintenant les réseaux de la Françafrique. On pourrait même dire en lieu et place de Jacques Chirac, Jacques Faucard. Son action se basait en Afrique toujours sur la Françafrique, et d’une part on a vu des valises de billets qui ont continué à partir en France. Deuxièmement je le qualifierai de l’ami des dictateurs africains. Il a même dit que Gnassingbé Eyadema était son ami personnel. En plus de cela si on essaie de voir en Afrique, il était l’ami de presque tous les dictateurs. Il a aidé Dénis Sassou Nguesso à reprendre le pouvoir au Congo. Au Gabon c’était un ami intime à l’ex-dictateur Omar Bongo. Je retiens de l’homme quelqu’un qui a bien travaillé pour son peuple mais sa mort pour moi en tant que Burkinabè n’est pas un grand évènement parce qu’il n’a pas œuvré sincèrement à développer d’une manière particulière l’Afrique et notamment le Burkina. Au contraire il a maintenu les mêmes réseaux de la Françafrique du général De Gaulle pour continuer à piller les pays africains tels que le nôtre. Maintenant qu’il est décédé, nous prions que son âme repose en paix et que le seigneur l’accueille auprès des siens».
Georges Kaboré, logisticien des managements des systèmes d’informations, un secteur de l’intelligence économique: «La politique de Chirac n’était pas liée à lui-même mais c’est la politique globale de la France»
«Je disais que je n’ai pas très bien connu Chirac dans ses agissements sur le plan de la politique africaine mais je sais qu’il a protégé les intérêts de la France à son passage à la tête de la République. Il a maintenu les pays africains dans la misère tout en faisant semblant de nous aider. Sinon comment comprendre que malgré la politique d’aide au développement depuis 60 ans on n’arrive même pas à régler le problème de l’autosuffisance alimentaire. Et pire on continue de s’enfoncer dans la pauvreté. Ca se constate surtout quand vous voyez les alliances qui se font avec les anciens présidents qui ont contribué d’une manière ou d’une autre à ce que l’Afrique ne sorte pas de la pauvreté. Tous ceux qui ont œuvré pour que l’Afrique émerge ont disparu de cette terre. La politique de Chirac n’était pas liée à lui-même mais c’est la politique globale de la France qui est de protéger les intérêts français et je trouve que c’est normal car tout président doit protéger les intérêts de son peuple et l’intégrité de son territoire».
Dieudonné Ilboudo, conseiller technique du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation: «Il était soucieux du devenir de l’Afrique»
«Moi j’étais étudiant au moment où il était maire de Paris et on le savait chef de parti qui voulait briguer la présidence. Une anecdote, un jour en passant dans un quartier où vivaient essentiellement des noirs et des maghrébins, le même soir lors d’une de ses interviews, il a parlé du bruit et de l’odeur de ce lieu et tout de suite nous l’avons taxé de fasciste. Et on se disait qu’il ne faudrait pas que celui-là soit un jour président parce qu’il est vraiment aux antipodes de la démocratie surtout qu’il représentait la droite française.
Mais une fois qu’il a été président, on a vu qu’il était plus pondéré que beaucoup. Il était soucieux du devenir de l’Afrique. Il disait des choses par rapport au développement de l’Afrique et il était prêt à nous appuyer. Et c’est l’un des premiers présidents français à reconnaître que les richesses françaises viennent d’Afrique. C’est l’un des présidents comme De Gaulle qui ne suivait pas platement les Etats-Unis dans leur politique comme pour aller bombarder l’Irak en son temps. Comme De Gaulle, il est un nationaliste mais il a reconnu que l’Afrique a un apport considérable dans la grandeur de la France. C’est cette honnêteté de l’homme qu’on peut saluer car c’est ce qui manque aujourd’hui chez beaucoup de dirigeants. De nos jours, les gens n’aimant pas la vérité se cachent derrière le secret d’Etat pour commettre de plus grands crimes. Je retiens aussi qu’il a lutté longtemps sur le terrain politique avec François Mitterrand pour chercher à être président. Il faut aussi saluer cette patience qui manque à beaucoup d’hommes politiques de chez nous. Il n’a pas été un président va-t’en guerre comme certains présidents français que j’ai du mal à classer aujourd’hui s’ils sont de la Gauche ou de la Droite, s’ils sont Nationalistes ou Internationalistes».
Lianhoué Imhotep Bayala, secrétaire permanent du Comité international Mémorial Thomas Sankara: «On retient son opposition courageuse et farouche à l’intervention militaire américaine en Irak»
C’est un président qui a résolument travaillé pour son pays, pour les intérêts supérieurs du peuple et de la Nation française en sa qualité de chef d’État et comme le recommande d’ailleurs tout mandat de chef d’État. On retient au plan international son opposition courageuse et farouche à l’intervention militaire américaine en Iraq. Au plan africain nous avons des souvenirs amers et encore frais et choquant de djembés remplis de billets de banque, déportés de nos pays dits »pauvres » et drainé vers la très »riche » et si »opulente » France pour soutenir sa démocratie. Comme il le disait lui-même et à juste titre: la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts » et comme tous ses prédécesseurs il est resté fidèle à la politique de la France impériale et coloniale en matière de relations françafricaines, et pour renchérir Sankara qui disait à son tour lors d’une interview que la politique française est très française. On se rappelle une de ses dernières apparitions médiatiques où il confessait avec un courage remarquable toute l’exploitation éhontée imposée par la France à ses anciennes colonies d’Afrique. Ce fut un moment de lucidité rare de la scène politique française que nous autres, militants panafricains, avons reçu et supporté à sa juste valeur. Puissent »nos ancêtres » dits gaulois l’accueillir et lui réserver un bon repos! »
René Sanou, promoteur de Global Sport Management: «Je retiens de lui un homme d’Etat qui a su marquer son temps»
Je retiens de lui un homme d’Etat qui a su marquer son temps, d’une élégance et d’un charisme fort, il a défendu grandement les intérêts de son pays. Chirac l’Africain a aussi apporté beaucoup à l’Afrique.
Célestin Pouya, chargé de politiques à WaterAid Burkina: « La mort de Chirac inspire des réflexions sur une politique françafricaine qui a ligoté la souveraineté de nombreux pays africains au service de la France »
« Comme la mort d’un patriarche en Afrique, celle de Jacques Chirac inspire respect, admiration pour l’homme mais aussi des réflexions sur une politique françafricaine qui a ligoté la souveraineté de nombreux pays africains au service de la France. Jacques Chirac fut le président qui a réussi à concilier le Cœur et la Raison en politique extérieure, le premier devant être au service du second par l’amitié et la protection des intérêts égoïstes des dirigeants africains. Et l’hypothèse se trouve vérifiée : la France n’a pas d’amis mais des intérêts. On gardera l’image d’un homme très affable, séducteur comme tout très bon orateur, l’homme aux déclarations fracassantes mais combien interrogatrices comme celle de 1990 « L’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie «
Propos recueillis par Boureima DEMBELE et Bernard BOUGOUM