Au Burkina Faso, plusieurs localités ont été touchées par les attaques armées, obligeant des milliers de personnes à prendre la poudre d’escampette laissant derrière elles leurs biens. Au nombre de ces personnes, figurent ces mères qui peinent à nourrir convenablement leurs bébés, provoquant des cas de malnutrition dont des formes sévères. Au cours d’une sortie de presse avec l’Organisation non gouvernementale Save the Children, nous avons rencontré, les 1er et 2 décembre 2022, quelques-unes d’elles, sur le site de Tangsèga Wayalghin (Centre-Nord burkinabè), à qui nous attribuerons des noms d’emprunt. C’est donc la peur au ventre que nous foulons cette zone à fort défis sécuritaires, en parcourant des kilomètres de voie non bitumée.
La situation sécuritaire doublée du changement climatique et la flambée des prix des denrées alimentaires entrainent une crise alimentaire qui fait augmenter le nombre d’enfants malnutris avec des cas sévères. Au Burkina Faso, la malnutrition constitue un problème de santé publique. Elle est la cause sous-jacente de 35% des décès des enfants de moins de 5 ans, selon l’enquête nutritionnelle nationale, réalisée du 27 septembre au 22 octobre 2021.
Cette enquête nutritionnelle nationale, réalisée par le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et du Bien-être, montre que les prévalences de la malnutrition aiguë, de la malnutrition chronique et de l’insuffisance pondérale au plan national, sont respectivement de 9,7 % (dont 0,8 % de forme sévère); 21,6 % et 17,5% des enfants.
Alima, sept mois, souffre d’une malnutrition aiguë modérée. Détectée par les animateurs de l’ONG Save the Children dans le cadre du Projet Alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d’urgence deuxième phase (ANJE-U2), cet enfant sur le site de déplacés internes de Tangsèga Wayalghin dans le Centre-Nord, a été référé à l’infirmerie et est actuellement en suivi.
«Mon enfant souffre de la malnutrition mais je ne le savais pas. Grâce à la sensibilisation de Save the Tchildren, je l’ai su. On m’a dit d’aller à l’infirmerie», nous confie en langue mooré, la mère de Alima, qui se rappelle de l’état chétif dans lequel se trouvait son enfant il y a quelques mois.
Depuis que Alima a été prise en charge, et qu’elle consomme la bouillie enrichie à base de denrées alimentaires locales que les animateurs recommandent aux femmes allaitantes, elle commence à être bien portante et à prendre de la forme. «Avec les animations qu’on fait chaque mois, j’ai eu des connaissances sur la nutrition et sur comment prendre soin de mon enfant et sur beaucoup d’autres choses comme l’hygiène», se réjouit la génitrice de cet enfant en situation de malnutrition, précisant qu’elle a appris à préparer la bouillie enrichie avec du petit mil, le haricot et l’arachide.
Alima et sa mère sont venues de Pensa, une commune rurale de la province du Sanmatenga, dans la région du Centre-Nord. Elles et leur famille ont été forcées à quitter leur localité à cause de l’insécurité, en parcourant plus de 70 km pour trouver refuge sur le site des déplacés de Tangsèga Wayalghin à environ 4 km du Centre-ville de Kaya.
Vu la situation précaire dans laquelle vivent ces femmes et leurs enfants déplacés, plusieurs Organisations non gouvernementales travaillent à trouver des réponses à cette question de malnutrition. C’est ainsi que Save the Children a lancé le projet ANJE-U2 dans le but d’améliorer les connaissances et usages favorables aux pratiques optimales de l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d’urgence (ANJE) des femmes enceintes et mères d’enfants de 0 à 23 mois dans les districts sanitaires de Kaya, Barsalogho et Kongoussi.
Cette organisation, grâce à ses animations sur les thèmes développés en fonction des Groupes d’apprentissage et de suivi des pratiques alimentaires du nourrisson et du jeune enfant (GASPA), permet aux bénéficiaires de dépister précocement la malnutrition des enfants, d’être hygiénique et éviter les maladies et de prendre en charge leurs enfants en cas de diarrhée. Dans le cadre de la mise en œuvre du projet, ce sont 200 GASPA de 15 femmes chacun qui ont été mis en place par Save the Children. Sur le site de Tangsèga Wayalghin, ce sont 3 100 de femmes qui bénéficient du projet.
«S’il s’agit des femmes allaitantes de 0 à 6 mois, nous animons des thèmes comme l’allaitement maternel exclusif, l’hygiène des mains, l’hygiène des mamelons et la prise en charge de la diarrhée», affirme Oumarou Birba, animateur dans le cadre du projet ANJE-U2. Pour les femmes allaitantes de 6-23 mois, il leur est montré ce qu’est la bouillie enrichie et comment la préparer. Il y a aussi des animations sur l’hygiène et la prise en charge de la diarrhée.
Les femmes enceintes ne sont pas mises de côté dans ce projet. Elles sont préparées, à travers les animations, à affronter l’accouchement. Les thèmes abordés avec elles sont les soins prénataux, les consultations, les risques liés à la grossesse, les pesées, la malnutrition et la planification familiale.
Selon la superviseure Santé-Nutrition de ANJE-U2 à Save the Children, Maïmouna Ouédraogo/Sawadogo, les femmes ont massivement adhéré au projet qui prend en charge plus de 34 000 enfants dans les trois districts cibles.
«Je suis très contente d’être bénéficiaire du projet», s’est exprimée Poko enceinte de cinq mois, pour qui cela est bénéfique pour elle et les autres femmes membres des GASPA.
«On ne savait pas qu’une femme enceinte doit faire cinq pesées, mais avec la sensibilisation, on a su que si elle arrive à le faire, elle et son enfant dans le ventre se porteront bien», poursuit-elle, déclarant que Save the Children les «aide beaucoup avec des conseils».
Egalement l’ONG distribue aux femmes allaitantes, des poudres de micro nutriment. «Ce sont des vitamines qu’on ajoute à l’alimentation de l’enfant à partir de six mois pour l’enrichir afin de lui permettre d’avoir un statut nutritionnel satisfaisant», fait savoir Mme Ouédraogo qui précise que ces produits sont destinés aux enfants non-malnutris et ce, à partir de l’âge de 6 mois.
Ces actions de Save the Children sont bien appréciées par ces femmes qui tentent de joindre les deux bouts dans leur situation de déplacées internes. N’ayant pas pu apporter grand-chose dans leur fuite, elles se retrouvent presque sans rien et mènent une vie dont elles n’avaient pas rêvé.
«Ce qui nous manque, c’est le savon. Nous n’avons pas de savon. C’est la cendre que nous utilisons pour laver nos mains avant de préparer la bouillie de nos enfants», raconte Assita, une autre femme allaitante. Elle soutient que le manque de moyens fait qu’elles souffrent quand elles veulent préparer la bouillie. «On n’a pas de bois, on n’a pas d’ustensile de cuisine», lâche-t-elle.
Selon l’animateur Oumarou Birba, son ONG souhaite faire plus pour ces femmes et enfants, mais les moyens dont elle dispose, limitent ses interventions, malgré l’arrivée massive des populations déplacées sur les sites d’accueil.
La malnutrition, considérée comme un problème de santé publique, se caractérise par un manque de nutriments dans le corps et les causes possibles sont un régime déséquilibré, des troubles de la digestion ou une maladie. Pour la superviseure santé nutrition Maïmouna Ouédraogo, «contrairement à ce que les gens croient, on peut avoir assez de moyens mais il faut savoir combiner les différentes denrées pour avoir une alimentation équilibrée». «Même si on a les moyens, il faudrait savoir comment se nourrir» pour ne pas se retrouver dans une situation de malnutrition.
Par Daouda ZONGO