En Afrique du Sud, comme dans de nombreux pays d’Afrique, l’éducation est chaotique et le pays se retrouve dans les plus mauvais des classements mondiaux. Et pourtant, le gouvernement consacre un budget important, en hausse, à l’éducation. Dans son article publié en collaboration avec Libre Afrique, Sindile Vabaza est un économiste, écrivain passionné (version très élaguée), propose de mettre en place des chèques éducation de manière à libérer les plus pauvres des écoles à enseignement médiocre. Cette possibilité de choix devrait en plus créer une compétition favorable à l’amélioration de l’environnement éducatif.
Selon le Rapport sur la compétitivité mondiale, publié par le Forum économique mondial 2016-2017, le système d’enseignement primaire sud-africain est en souffrance avec une 126ème place sur 138 pays. Pourtant, les dépenses publiques en faveur de l’éducation continuent d’augmenter (6,8% prévue pour les exercices 2018/20). Comment expliquer cette situation ?
Un système éducatif en échec
D’évidence, le système éducatif public est en échec, surtout en dehors des zones riches. Autrement dit, l’échec du système affecte principalement les enfants des ménages à faible revenu et perpétue la pauvreté générationnelle. Cela plaide en faveur de la création de chèques-éducation, ou du moins des comptes d’épargne-études qui profiteront aux ménages à faible revenu.
La dépense par élève de 16 435 rands par an est ce qu’un parent paierait pour envoyer son enfant dans une école intermédiaire peu coûteuse, telle que les très performantes écoles Spark, qui, en 2019, facturera un tarif moins cher (tout compris) de 21 300 rands par an. Des frais qui seraient accessibles non seulement parce qu’on pourrait soutenir que les économies d’échelle (plus d’inscrits) contribuerait à les réduire, mais aussi parce que le gouvernement pourrait définir un cadre qui pondère les coupons en fonction d’un certain nombre de facteurs, notamment, les besoins sociaux, ou la résidence dans des zones particulières (zones rurales, à faible indice de développement humain ou encore dans des régions avec un revenu médian faible). Ce cadre établirait un moyen cohérent d’évaluer financièrement les besoins des élèves dans certains domaines, de sorte qu’un niveau d’enseignement «minimal» plus élevé puisse être acquis. Des outils et des systèmes pourraient être développés pour que la société civile, le grand public et même les parents puissent demander des comptes aux écoles.
La liberté de choix pour la dignité des plus pauvres
Le choix de l’école pour la classe ouvrière et les parents pauvres serait une bonne chose car cela les impliquerait davantage dans l’éducation de leurs enfants. Leur donner la liberté d’envoyer leur enfant dans une autre école s’ils le souhaitent est essentiel, non seulement pour renforcer l’esprit de responsabilité (les parents savent ce dont leurs enfants ont besoin), mais aussi pour également donner aux Sud-Africains à faible revenu un sentiment de liberté et de dignité. Il y aura bien sûr des détracteurs qui, d’un point de vue idéologique, diront que le gouvernement leur confie le mandat constitutionnel de s’acquitter de leur obligation de fournir une éducation de base à laquelle nous répondrons par l’affirmative, en ajoutant toutefois qu’en avril 2013, la Cour constitutionnelle a constaté que le droit à l’éducation de base s’applique à tous les enfants, que ce soit dans des écoles publiques ou indépendantes. En d’autres termes, le gouvernement remplirait toujours son mandat constitutionnel consistant à donner accès à tous les enfants (via des coupons), mais la production serait laissée au marché, dans des écoles indépendantes.
L’intérêt du chèque éducation
Les chèques éducation permettront d’inciter les prestataires privés à s’installer à proximité de zones à faibles revenus ou à prendre le relais des écoles publiques défaillantes. Les bonnes écoles font les bons quartiers. Nous avons déjà des exemples d’écoles indépendantes dans les quartiers en difficulté qui ont bien fonctionné.
Mais que sont les chèques éducation exactement ? Ce sont des allocations de financement gouvernemental accordées à un élève d’une école choisie par l’élève ou ses parents. En d’autres termes, ces chèques ou coupons fonctionnent comme une bourse gouvernementale, fondée sur le droit constitutionnel de chaque enfant à avoir accès à un enseignement primaire de qualité. Cela diffère légèrement des écoles à charte qui sont des écoles financées par le gouvernement mais gérées par des intérêts privés et qui, comme le montrent les exemples précédents, existent sous une forme ou une autre et laissent entrevoir la possibilité d’ouvrir le système éducatif aux acteurs du marché intéressés.
Comme Milton Friedman l’a clairement expliqué, les écoles à coupons se disputent les étudiants avec des écoles sans coupons. La concurrence qui en résulte incite les écoles sans coupons à améliorer la qualité de l’enseignement qu’elles offrent afin de ne pas perdre leurs élèves. D’où une vague générale d’amélioration des services d’éducation à tous les niveaux.
Le « Leadership College » à Manenberg, une école indépendante gratuite financée à 60% par le département provincial de Western Cape et à 40% par des dons d’entreprises locales, a obtenu un taux de réussite de 92% en 2016 et de 67% au Baccalauréat. Par ailleurs, 68 des 71 distinctions ont été gagnées par cette école. Celle-ci est sélective, recrutant dans 14 écoles secondaires de la région, mais cela ne remet pas en cause le fait que tout cela a été fait avec un budget restreint (en 2017, l’école risquait d’être expulsée après la flambée des loyers) et grâce à des enseignants locaux engagés, fatigués du système public. Molo Mhlaba à Khayelitsha est un autre exemple prometteur. Il s’agit d’une école panafricaine pour filles, inspirée du modèle Montessori, qui met l’accent sur les sciences et les mathématiques, en particulier en robotique et en codage. L’école facture 400 rands par mois et compte 38 filles âgées de 3 à 6 ans et, plus impressionnant encore, elle a une liste d’attente de 13 jeunes filles. Les fondateurs, Athabile Masola et Rethabile Sonibare, prévoient d’introduire une nouvelle promotion de filles âgées de 6 à 9 en 2019. Imaginez l’impact si davantage de parents à faible revenu pouvaient choisir, grâce au système de coupons, d’y envoyer leurs enfants. À en juger par la liste d’attente, il est clair que l’école fournit un service de qualité.
Enfin, il est important de noter que, dans le Gauteng, une école sur quatre est déjà une école à faible coût qui éduque environ 10% des élèves de la province, dont beaucoup sont des enfants de parents noirs issus de la classe moyenne (65 % de la classe moyenne noire envoie leurs enfants dans d’anciennes écoles ou dans des écoles indépendantes peu coûteuses).
Si les écoles indépendantes peu coûteuses, sont assez bonnes pour les riches et surtout les classes moyennes qui font des sacrifices financiers, ne conviendraient-elles pas aux familles à faible revenu?