Saisissant l’opportunité de la visite au Burkina Faso de Emmanuel Macron, l’un des conseils de Djibrill Bassolé, adresse cette lettre ouverte aux deux chefs d’Etat burkinabè et français. Pour l’avocat français qui se base sur une deuxième condamnation, par l’Onu, de la détention de son client, et compte sur l’attachement de Roch Marc Christian Kaboré et de son homologue de la France, cette «pressante invitation» de l’organisation mondiale» ne peut laisser «indifférents» les deux présidents.
«Messieurs les Présidents,
Au moment même où vous vous rencontrez à Ouagadougou, je reçois de l’ONU une nouvelle condamnation de la détention arbitraire de M. Djibrill Bassolé.
Cette lettre du 24 novembre 2017 expose notamment: «M. Bassolé a été placé en résidence surveillée dans les conditions précisées par l’arrêté ministériel du 13 octobre 2017. Selon le Groupe de Travail, il s’agit d’une continuation de la détention qui avait déjà été considérée comme arbitraire, même si les conditions de cette détention ont changé.»
Vous êtes, Messieurs les Présidents, l’un comme l’autre attachés au respect de la légalité internationale, cette pressante invitation de l’ONU à libérer effectivement M. Djibrill Bassolé ne peut vous laisser indifférents.
Comme avocat de M. Djibrill Bassolé, je vous ai écrit à l’un et à l’autre pour attirer votre attention sur une détention qui offense les principes communs et essentiels de nos deux pays.
Vous m’avez répondu M. Kabore que la justice agirait en toute indépendance. Vous ne m’avez pas répondu M. Emmanuel Macron.
Nous avons cru en effet que la justice pouvait agir quand elle a ordonné le 10 octobre contre l’avis du procureur militaire la mise en liberté immédiate de M. Bassolé pour lui permettre notamment d’être soigné.
Hélas, cette mise en liberté ne fut pas effective et dans les heures qui ont suivi, le procureur militaire demandait l’assignation à résidence de mon client, sous la pression, la chambre de contrôle prenait le 11 octobre une décision contradictoire avec celle qu’elle avait rendue la veille et plaçait M. Bassolé en liberté sous un régime de résidence surveillée.
Alors que M. Djibrill Bassolé s’apprêtait à se rendre à son domicile en quittant l’audience, les gendarmes se sont saisis de lui et l’ont emmené dans un lieu qu’ils contrôlent.
Le 13 octobre, le Ministre de la défense substituant son autorité à celle de la justice prenait un arrêté organisant les conditions très restrictives de cette résidence surveillée.
Comme le souligne l’ONU, M. Bassolé n’a en réalité fait que changer de lieu de détention, malgré la décision rendue à Genève, malgré la décision de remise en liberté, malgré son état de santé alarmant parfaitement connu de tous.
Le Burkina Faso est entré il y a quelques mois dans un processus de révision constitutionnelle qui veut établir un Etat de droit irréprochable.
Il n’y a pas d’Etat de droit là où les opposants politiques sont en prison, là où le Ministre de la défense se substitue au juge.
L’accusation contre M. Bassolé d’avoir porté les armes contre l’Etat et entretenu des intelligences avec une puissance étrangère n’est rien d’autre qu’une arme d’élimination politique.
Si ces charges étaient maintenues, M. Bassolé affrontera ce procès pour rétablir son honneur. Pour cela, il faut qu’il puisse se soigner avant de travailler avec ses avocats sans être de manière permanente surveillé et écouté.
Ce sont ces libertés essentielles que nous vous demandons de garantir.
Je vous prie de croire, Messieurs les Présidents, à l’expression de ma respectueuse considération.»