Accueil A la une DG Air Burkina: «Nous avons des difficultés, mais nous restons positifs»

DG Air Burkina: «Nous avons des difficultés, mais nous restons positifs»

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Maxime Toé: "Nous avons toujours mis en priorité les moyens sur la sécurité de nos vols"

Le Directeur général d’Air Burkina, Maxime Toé, a accordé, un entretien à Wakat Séra ce vendredi 25 août 2023. Au cours de cette interview, c’est un homme confiant et surtout déterminé à redonner toutes ses lettres de noblesse à la compagnie nationale aérienne, a évoqué l’engagement de ces hommes et de ces femmes qui se battent au quotidien pour faire briller les couleurs du Burkina Faso dans un ciel africain toujours plus compétitif. Il y a, certes, beaucoup de difficultés, «mais nous restons positifs et nous travaillons avec abnégation pour pouvoir relancer la compagnie et la ramener à sa place de leader dans la sous-région», foi de M. Toé. C’est un commandant de bord débordé mais pas submergé, prêt à affronter n’importe quelle zone de turbulences, qui a salué les efforts «incommensurables» consentis par les autorités burkinabè pour rendre à la compagnie son lustre d’antan.

Wakat Séra: Quel est l’état actuel de la flotte Air Burkina?

Notre compagnie nationale Air Burkina, j’en parle toujours avec fierté, a une flotte très peu fournie, composée de trois avions dont deux Embraer de 104 sièges et un autre de 72 sièges. Ces trois avions ont été introduits en 2018 dans le parc pour cinq ans. En prévision de leur sortie en fin de contrat en 2023, nous avons obtenu, pour une période provisoire de cinq à six mois, un Boeing 737-500. Aujourd’hui donc, en état de navigabilité, nous avons ce Boeing et l’Embraer 175 qui volent encore mais qui est en prévision de sortie, normalement au cours de ce mois d’août 2023. Nous allons évoluer sur une période courte, avec un seul avion, pour assurer le réseau pendant que nous travaillons avec les autorités et tous les partenaires sur les scénarios de relance de la compagnie.

A l’heure actuelle quelles sont les destinations que vous desservez?

A l’heure actuelle comme vous le dites, Air Burkina dessert neuf destinations, notamment Bamako, Cotonou, Lomé, Accra, Abidjan, Niamey, Dakar et bien sûr Bobo-Dioulasso. C’est avec regret que nous avons fermé certaines destinations du fait principalement de la réduction de notre flotte, mais je puis vous assurer que notre ambition c’est de repartir à la conquête de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique centrale et de l’Europe, notamment, la France et l’Italie. Je vous rappelle qu’il y a quelques années, Air Burkina avait des vols directs sur Paris, puis via Marseille.

La flotte s’étant réduite au fil des années, cela induit certainement des difficultés pour la compagnie. De quel ordre sont ces difficultés qu’Air Burkina rencontre?

La compagnie traverse en effet une crise depuis quelques années, probablement la plus grave de son existence. Elle fait face à de lourdes dettes que son exploitation ne peut pas couvrir.  Mais la principale difficulté, c’est l’état de la flotte. Sans l’outil de production que sont les avions, il est difficile d’assurer une exploitation normale et optimale. Il y a aussi le manque de ressources humaines à certains niveaux, puisqu’avec les difficultés traversées, nous faisons face à des départs massifs vers la concurrence qui absorbe les compétences que nous avons formées.

Le DG de Air Burkina Maxime Toé

Ce qu’il faut souligner, c’est qu’il y a eu, ces dernières années, des choix qui sont critiquables sur les contrats de location d’avion. D’autres facteurs, non moins importants, ont très vite plongé la compagnie dans un état de léthargie, comme la pandémie de la Covid-19. Il faut ajouter à cela le fait que toutes nos transactions, à plus de 80%, sont généralement faites en dollar, sans compter le coût très élevé du carburant.  Enfin, par manque de capitaux, nous avons eu du mal à faire des investissements là où il faut, pour pouvoir assurer un certain niveau de qualité dans les prestations.

Pouvez-vous parler davantage des lourdes dettes qui pèsent sur la compagnie?

Nous avons hérité d’une dette relativement élevée lors de la rétrocession de la compagnie par le groupe AKFED de l’AGA KHAN à l’Etat.  Entre 2018 et 2022, l’immobilisation de deux Embraers 195, a réduit le niveau d’exploitation et enfoncé la compagnie dans une dette colossale. Heureusement pour nous, l’Etat nous vient en aide pour absorber au mieux cette dette afin d’empêcher la paralysie de la compagnie. Air Burkina a ensuite été obligée de s’endetter auprès des institutions financières à des taux très élevés pour faire face à la situation.

Comment expliquez-vous les départs massifs du personnel de Air Burkina vers la concurrence?

Il faut savoir que la concurrence propose beaucoup mieux en termes de rémunération. Les départs sont surtout enregistrés au niveau des pilotes et des mécaniciens, qui gagnent vraiment mieux ailleurs.

Si des pilotes et des techniciens d’Air Burkina sont allés voir ailleurs, quelles garanties pouvez-vous donner à vos clients en matière de sécurité et de sureté de vos vols?

Nous avons toujours mis en priorité les moyens sur la sécurité de nos vols. Et depuis les 56 ans d’existence de la compagnie, nos taux d’incidents sont les plus faibles sur le continent africain. Air Burkina doit à cette rigueur son titre de première compagnie ouest africaine à obtenir, en 2010, au label IOSA. C’est le premier label de sécurité dans le monde de l’aviation civile. C’est un certificat que nous renouvelons chaque deux ans et qui passe par une batterie d’audits, pour certifier que nous sommes une compagnie sûre en matière de sécurité. L’Organisation de l’Aviation civile internationale (OACI) veille au grain. Elle organise l’aviation civile de chaque pays, conformément à ses règlementations et recommandations. Nous pouvons vraiment garantir à nos clients que leur sécurité est notre priorité, malgré la modicité de nos moyens.

Quel critère a guidé votre choix sur le Boeing 737-500?

Les trois avions qui sont inscrits sur notre PEA (Permis d’exploitation aérienne), délivré par l’aviation civile, sont en passe de sortir de la flotte. Il fallait donc trouver une solution de rechange pour ne pas arrêter l’exploitation. Et l’avion qui répond le mieux aux exigences de notre réseau et qui respecte les critères de sélection en matière de sécurité, c’est celui-là que nous avons choisi. Donc c’est une conjugaison de facteurs financiers, économiques et conjoncturels qui font que le choix s’est porté sur cet avion pour une période que j’espère courte, parce qu’il est là pour assurer le réseau pendant que nous mettons en place, un plan définitif de relance avec une nouvelle flotte.

Je peux rassurer nos fidèles clients qu’au-delà de la couleur ou de certains aspects commerciaux, notre 737-500 est un avion parfaitement adapté qui peut assurer les vols sur notre réseau dans la sécurité. En outre l’autorité de l’aviation civile est la seule qui octroie les autorisations pour l’exploitation d’aéronefs dans son espace; Il n’y a aucun problème particulier.

Quels sont, justement, aujourd’hui vos rapports avec l’autorité de l’aviation civile qui est l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC)?

Nous avons de très bonnes relations avec l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC). Nous travaillons conformément à la règlementation et aux normes de l’OACI. Nos rapports sont corrects, ce qui nous permet de nous améliorer là où il le faut. Il y a ce filtre qui est là pour s’assurer que la sécurité des vols n’est jamais entachée dans l’espace aérien du Burkina Faso.

Si vos rapports avec l’autorité de l’aviation civile du Burkina sont bons, certains de vos clients se plaignent, eux, notamment de vos équipages qui ne parleraient presque pas français!

Je comprends parfaitement. Nous regrettons cela. Mais, à travers le monde la langue que les équipages utilisent communément, c’est l’anglais qui est la langue officielle de l’aviation civile. Nous aurions souhaité avoir toujours des équipages parfaitement bilingues, qui parlent donc français. Ce n’est pas toujours évident. Je peux vous rassurer que nous travaillons à réintroduire le plus rapidement nos équipages sur les vols Air Burkina, pour pouvoir nous occuper nous-mêmes de nos passagers et pouvoir faire les annonces en français, et pourquoi pas en langues nationales … Mais nous rappelons que les annonces de sécurité dans un avion sont orales et visuelles. Il existe des cartes, des schémas pour expliquer de la manière la plus compréhensible possible, les principales mesures de sécurité.

Vos zones de desserte sont essentiellement les capitales voisines du Burkina, dont les pays de l’Afrique de l’Ouest. Actualité oblige et connaissant le contexte géopolitique actuel, est-ce que tout va bien pour Air Burkina sur ces différentes zones de desserte?

Tout se passe bien. Nous volons sur toutes les destinations qui sont les nôtres. Je parle de la Côte d’Ivoire, du Bénin, du Togo, du Sénégal, du Mali du Ghana et nous avons des autorisations spéciales pour desservir le Niger. Depuis la fermeture de son espace aérien, nous avons pu opérer six vols pour aider nos compatriotes à rejoindre le pays. C’est une belle preuve de solidarité et de proximité avec nos clients.

Quel est l’impact de cette situation, sur votre clientèle sur les différentes destinations de votre réseau?

La crise sécuritaire que nous traversons n’aide pas le transport aérien, mais les clients continuent de voyager et de mener leurs activités. La plus grosse crise que les compagnies ont vécue, c’est celle de la Covid-19 qui avait complètement mis à l’arrêt l’exploitation. Mais selon les projections, le niveau du trafic devrait atteindre le niveau d’avant COVID 19 en 2024. Nous travaillons à améliorer la qualité de nos services, et la sécurité de nos vols.

Un autre fait de l’actualité, c’est aussi la suspension des vols d’Air France, notamment au Burkina. Cette suspension a-t-elle un impact, qu’il soit négatif ou positif, sur Air Burkina?

Nous avons des relations commerciales avec la compagnie Air France qui datent de longtemps. Après sa décision d’arrêter ses vols sur Ouagadougou, il n’y a pas eu d’impact particulier sur notre situation. J’espère que la situation va vite se normaliser, pour le bien des clients auxquels nous offrons nos services. Dans ces circonstances, j’aurais voulu qu’Air Burkina fasse des vols comme on l’a fait par le passé, vers la France. Le choc de cette suspension aurait été amoindrie. La réouverture de cette ligne est au centre de nos ambitions.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour la compagnie?

Air Burkina a le mérite d’avoir vécu 56 ans sans discontinuer. Cet exploit est unique en Afrique de l’ouest. A l’instar du pays, nous traversons l’une des crises les plus difficiles de notre histoire en tant que compagnie. Une chose est sûre, nous avons le soutien de nos premières autorités qui ont décidé de tout mettre en œuvre pour garder cette compagnie en activité, et mieux, de la relancer pour qu’elle reprenne sa position de leader. Nous avons un plan de relance avec une nouvelle flotte, des pilotes et techniciens et tout le staff qui sont déterminés à poursuivre cette exaltante aventure. Nous travaillons ardemment là-dessus, surtout parce que nous avons l’accompagnement et le soutien de nos plus hautes autorités que je remercie pour la compréhension, sachant que la priorité de notre Etat aujourd’hui, c’est la reconquête du territoire national et la prise en charge des personnes déplacées internes.

« Notre compagnie nationale Air Burkina, j’en parle toujours avec fierté »

Les perspectives, je les espère très bonnes. Dès le début de l’année 2024, nous devrions avoir réglé les gros problèmes qui entravent le développement de la compagnie.

Les attentes de votre clientèle ne manquent pas!

Je voudrais une fois de plus rassurer nos passagers. A Air Burkina, la sécurité est au centre de toute notre activité. Nous les remercions pour leur confiance et leur engagement qui nous permettent de continuer l’exploitation, malgré la zone de turbulences que nous traversons. Mes remerciements s’adressent également aux plus hautes autorités de notre pays, qui ont décidé de garder la compagnie en activité malgré toutes les raisons qui pourraient pousser à la laisser mourir. Je remercie particulièrement le premier responsable du département en charge des Transports, Monsieur le Ministre Roland SOMDA, qui sans cesse, est à nos côtés, pour s’assurer que tout se passe bien. Je salue aussi la bravoure et l’engagement de mes collaborateurs qui ont résisté depuis longtemps et qui espèrent maintenant pouvoir démontrer leur savoir-faire. En tant que directeur général de notre compagnie nationale, je puis vous assurer que nous donnons le meilleur de nous-mêmes, afin de faire briller les couleurs du Burkina Faso dans les airs et ce, le plus rapidement possible.

Par Siaka CISSE