C’est ce 27 avril que le Togo commémore son indépendance acquise à la même date en 1960. Tout porte à croire que cette célébration ne restera pas dans l’histoire, en tout cas pas dans les bonnes pages. Car les Togolais sont loin d’avoir l’esprit à la fête, le dialogue politique qui devrait régler la grande crise qui secoue le pays étant au point mort. Pire, à défaut de se retrouver sous l’arbre à palabre, certains sont pris en chasse par des forces de l’ordre fermement résolues à les empêcher de manifester pour continuer à réclamer le départ de Faure Gnassingbé. Comme ils l’ont fait sans discontinuer depuis août 2017, des Togolais réunis sous la bannière de la coalition de 14 partis politiques de l’opposition sont désormais contraints presque au silence. Devenus des cibles favorites des hommes de tenue, les manifestants, qu’ils soient leaders ou simples militants de rang, sont pourchassés, arrosés de gaz lacrymogènes ou attrapés comme de vulgaires voleurs quand leurs jambes ne leur permettent pas de prendre le large. Aujourd’hui, pour crier son ras-le-bol du pouvoir cinquantenaire des Gnassingbé, il faut d’abord s’entraîner autant que le Jamaïcain Usain Bolt qui a fait les beaux jours des pistes d’athlétisme mondial.
Comment réunir des positions aussi inconciliables que celles de l’opposition et du pouvoir togolais, lancés dans une guerre sans fin? Nana Akoufo-Addo s’y essaie mais sans succès pour le moment. Tout semble diviser pour de bon les deux parties, notamment cette fameuse constitution de 1992 qui empêche quiconque de briguer plus de deux mandats présidentiels. Les Gnassingbé, père et fils, qui, à eux deux totalisent plus de 50 ans de règne, ne l’entendent pas eux de cette oreille. Pourtant, comme pour faire preuve de sa volonté de prendre le cap de la démocratie et plus spécifiquement celui de l’alternance, Faure Gnassigbé a opéré des réformes constitutionnelles pour limiter effectivement ce fameux mandat présidentiel à deux, avec une élection à deux tours. Malheureusement, il traîne le péché originel de successeur de Feu son père, et ces changements qui auraient dû être considérés comme des avancées démocratiques sont combattus avec la dernière énergie par l’opposition. La raison est toute simple, cette nouvelle loi fondamentale que le pouvoir entend soumettre à l’appréciation du peuple, est un pont en or pour le chef de l’Etat togolais de prétendre encore à deux quinquennats, le sacro-saint principe de la non rétroactivité de la loi jouant en sa faveur.
L’indépendance ne rimera donc pas avec harmonie et paix au Togo. Pourtant, l’opportunité aurait bien pu être saisie par pouvoir et opposition pour se rapprocher au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Le peuple togolais, qui, à l’instar de plusieurs pays africains, vit son indépendance dans la dépendance, est donc confronté en plus à une crise socio-politique qui ne fait que l’enfoncer dans la boue du sous-développement. Il est temps que les politiciens togolais se débarrassent de cette mauvaise foi dont pouvoir et opposition s’accusent réciproquement pour permettre au train de la démocratie, la vraie, de quitter la gare pour tirer les wagons du développement économique de ce Togo qui a fait la fierté de la sous-région sous le qualificatif pompeux de « Suisse de l’Afrique de l’ouest».
Par Wakat Séra