Incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) pendant plus de deux ans, soit depuis le 29 septembre 2015, l’ancien ministre burkinabè des Affaires étrangères Djibrill Y. Bassolé, après avoir essuyé plusieurs refus, a obtenu une liberté provisoire, le 10 octobre dernier. Placé en résidence surveillée, contre la logique de la décision du juge, il continue de demander à être évacué vers un plateau de soins adéquat pour soigner ses soucis cardiaques.
En attendant le procès du putsch manqué de septembre 2015, dans lequel il est accusé de trahison, la seule charge retenue contre lui, dans la myriade de chefs d’accusation initialement portées contre lui, celui dont le groupe de travail de l’Onu sur la détention arbitraire, avait demandé la libération immédiate, a simplement été transféré de la prison à la…prison. C’est, du reste, l’avis des militants de la Nouvelle alliance du Faso (Nafa), parti d’opposition, proche de Djibrill Bassolé, qui a crié à la «séquestration» de l’ancien ministre, dès le 10 octobre dernier, jour où accord a été donné par le président de la chambre de contrôle du tribunal militaire de mettre en liberté provisoire, le premier général de la gendarmerie nationale. Pendant que certains s’élevaient contre cette décision judiciaire, ce qui a indigné des partis politiques d’opposition, des militants d’organisation de défense des droits de l’homme et des citoyens lambda, c’est ce qu’ils qualifient d’ «immixtion grossière» de l’exécutif dans le judiciaire.
Qu’est-ce qui a bien pu motiver le gouvernement à aller à l’encontre de la décision du juge pour mettre Djibrill Bassolé en résidence surveillée, dans une villa isolée où son premier visiteur fut un serpent, mécontent sans doute d’avoir été dérangé par un locataire inattendu? Fort heureusement le reptile, avant d’avoir eu le temps de s’en prendre au «libéré provisoirement sous haute surveillance» a été délogé par les «anges gardiens» super armés de Djibrill Bassolé. Mais l’ancien ministre des Affaires étrangères n’aura pas ce droit lui d’aller voir ailleurs, lui qui a demandé en vain à rejoindre son domicile d’avant Maca, comme l’ont fait tous ceux qui avant lui ont bénéficié de la liberté provisoire dans la même affaire de putsch manqué. Pire il aura même la chance de suivre en live l’installation de barbelés flambant neufs sur le mur de clôture de sa nouvelle prison. Car c’est bien une «nouvelle prison» qu’il a intégré, même si lui-même affirme le contraire, notant que c’est un dispositif sans doute mis en place pour sa protection.
Les mesures drastiques prises par le ministre de la Défense dans un arrêté du 13 octobre 2017, qui ressemblent plus à des règlements d’une prison que d’un «domicile de libéré provisoire» font-elles partie de l’arsenal de cette protection qu’évoque l’ancien ministre des affaires étrangères? Si oui, tel ne semble pas être l’avis des avocats de celui qui est considéré de plus en plus comme un prisonnier politique. En effet, de sources généralement bien informées, les conseils de Djibrill Bassolé pourraient bientôt introduire un recours contre cet arrêté ministériel qui vient renforcer une «résidence surveillée» vue par certains comme en déphasage avec la constitution de notre pays. Dans la même logique, comment seront appréciées les nouvelles mesures du pouvoir en place par le groupe de travail de l’Onu sur la détention arbitraire qui travaille en étroite intelligence avec l’Etat burkinabè sur le cas Djibrill Bassolé? En attendant, les problèmes coronariens dont il souffre et qui ont nécessité ces multiples demandes de liberté provisoire pour aller se soigner sur un plateau adéquat continuent de hanter le quotidien de Djibrill Bassolé et de ses proches.
Par Wakat Séra