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Du franc CFA à l’éco: les réactions à l’annonce de la réforme

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Photo d'illustration

Après l’annonce «historique», terme employé par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, les réactions des Africains, de l’ouest, du centre, anonymes, économistes ou anciens leaders politiques, à cette réforme ne tarissent pas. Florilège.

Pour Mamadou Koulibaly, candidat du parti Lider à l’élection présidentielle ivoirienne de 2020, il s’agit de la fin d’un tabou autour du franc CFA. Cependant, l’éco dont il avait rêvé pour la zone Cédéao ne ressemble pas à celui qui est en train de se mettre en place. Il voit dans l’annonce d’Abidjan une décision très politique, qui n’a pas été assez préparée.

« Déclarer que le CFA est mort, c’est vraiment politique, alors qu’il s’agit d’une question sérieuse, financière, monétaire. Le CFA n’est pas mort, puisque ce matin, à Dakar, à Ouaga, à Lomé, les gens continuent d’utiliser le CFA et pourront l’utiliser encore pendant longtemps. Vous vous souvenez que quand le franc français, le deutsche mark et autres sont passés à l’euro, il y a eu le traité de Maastricht, il y a eu la confection des billets, la mise en place de la Banque centrale, enfin tout un processus que l’on ne fait pas et on proclame simplement que le franc CFA est mort. C’est ce qui est décevant. On a l’impression que pour calmer les pressions des opérateurs économiques, des hommes d’affaires qui s’inquiètent des difficultés de la zone CFA, les chefs d’État se disent « bon on va leur balancer quelque chose, ils vont s’amuser avec et puis pendant ce temps on continue ». Personne n’est dupe », a affirmé l’opposant Mamadou Koulibaly.

Autre réaction, au Burkina Faso cette fois, celle d’Ablassé Ouedraogo, ex-ministre des Affaires étrangères, économiste et ancien directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce. Pour lui, il s’agit d’une décision politique certes, mais qui a été prise au moment opportun. L’accompagnement par la France de la transition vers l’éco, selon lui, est une bonne chose pour les économies africaines.

« Je pense qu’il faut être honnête et reconnaître que c’est une évolution positive, attendue depuis longtemps. Que va-t-il se passer ? Les Africains prennent un peu plus d’indépendance dans la gestion de leur économie. Mais ce qui est important dans cette opération, c’est que toute monnaie ne vaut que ce que vaut l’économie. C’est une question de confiance et de crédibilité. [Avec] la parité avec l’euro, la stabilité est maintenue, la possibilité de faire des prévisions est maintenue et ça c’est très bien pour les investisseurs qui viennent de l’extérieur. C’est très positif », a avancé Ablassé Ouedraogo.

Au Sénégal, l’économiste Felwine Sarr estime qu’il y a encore beaucoup chemin à faire avant le véritable changement espéré. « La variable qui nous intéresse n’a pas changé. Là où on voulait qu’il y ait une vraie évolution pour que la politique moderne soit plus souple et flexible, qu’on puisse avoir l’instrument du taux de change pour ajuster nos chocs, nos balances commerciales sont déficitaires. Rien ne change de ce point de vue-là. Donc ce qui a changé, ce sont les aspects les plus symboliques et les plus controversés. Mais les principaux fondamentaux de politique monétaire n’ont pas changé ».

Pour l’économiste sénégalais, « c’est une étape, mais ce n’est pas la rupture qui est annoncée et ce n’est pas non plus la révolution, et il faut que les gens continuent à travailler pour avoir une autonomie monétaire absolue, fondamentale et surtout sur des questions qui sont stratégiques d’un point de vue économique : quel régime de change, quel type de parité, sur quel type de devise on le fixe, que l’on puisse aller dans le sens de ce que nous estimons mieux pour les économies de la zone ».

Son compatriote économiste, Demba Moussa Dembélé, animateur au sein du Forum social africain, pense qu’il n’y a rien d’historique. « Pour nous, ce n’est pas un jour historique parce que tout simplement, il n’y a pas de rupture. (…) La Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest va continuer à conduire les mêmes politiques monétaires en donnant la priorité à la lutte contre l’inflation, en calquant cette politique monétaire sur celle de la Banque centrale européenne pour garder cette parité fixe. Pour nous, c’est une façon de torpiller le projet de la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest] parce que, aussi longtemps que ces liens existent avec la France, le Nigeria et d’autres pays n’accepteront jamais de rejoindre cette monnaie. »

Pressions et pragmatisme

Par ailleurs, au Bénin, Albin Feliho le président de la Confédération national des employeurs du Bénin (Coneb) pense que l’annonce faite par les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara obéit à des pressions du moment. Selon lui, elle ne prend pas totalement en compte les exigences des grands pays anglophones de la Cédéao comme le Ghana et le Nigeria, les pays hors de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine).

« S’il était utopique de satisfaire aux conditions du courant de pensée porté par le Nigeria et le Ghana », nuance Albin Feliho qui continue que « compte tenu des délais trop courts, nous notons que cette annonce fait quand même preuve de réalisme et de pragmatisme ». Le président de la Coneb, souligne « un regret de taille, c’est sur la convertibilité. Il n’est pas possible de changer l’éco en yuan chinois ou encore en dinar koweïtien, et pourquoi pas en livre sterling, sans passer par l’euro ».

Source: RFI