Après une tempête socio-politico-judiciaire de plusieurs mois, ils ont fini par exercer leur droit de vote dans le calme, ce dimanche. Ils avaient à choisir le successeur de Macky Sall, entre 17 candidats. Mais dans la réalité, c’était une un face-à-face entre Bassirou Diomaye Faye, le cheval du Pastef, parti dissous par le pouvoir sortant et de la Coalition «Diomaye président» et, de l’autre côté, Amadou Ba, le pion de l’APR (pouvoir) et de la Coalition Benno Bokk Yakaar. Mais, c’était, surtout, un duel à distance entre Macky Sall et son opposant et poil à gratter, Ousmane Sonko.
Y’aura-t-il ou pas un second tour? Selon les premiers chiffres d’après dépouillement qui ont été affichés aux portes des bureaux de vote, les tendances, et ce ne sont que des tendances à l’étape actuelle du processus, donnent la victoire de ce vote mêlant sanction et émotion, à Bassirou Diomaye Faye et son leader tutélaire, Ousmane Sonko, avec 56,13%. Amadou Ba, toujours selon les mêmes tendances, suit, avec seulement 31,4%. Khalifa Ababacar Sall, Aliou Mamadou Dia et Idrissa Seck, complètent le tableau, avec des scores anecdotiques de, respectivement, 4,0%, 3,13% et 1,6%.
En dehors de ces premières tendances qui peuvent être confirmées ou inversées, le vote s’est déroulé dans un climat général apaisé, et une fois de plus, le Sénégal, comme avant chaque élection présidentielle, a joué à se faire peur. Mais, plus que toutes les crises précédentes, celle née de la décision sage de Macky Sall et de sa ruse indécente de vouloir prolonger son mandat au-dela du 2 avril, en décidant du report du scrutin présidentiel, ressemblait à un volcan dont le feu emporterait tout sur son passage. Sauf que le pays de la Teranga a toujours pu compter sur des ressorts sociaux, religieux et juridiques, adéquats et salvateurs.
Cette fois-ci, ce sont les Sept Sages du Conseil constitutionnel qui ont redressé la barque alors qu’elle tanguait et chavirait dangereusement, comme voulant réécrire, autrement, l’histoire dramatique du Joola, le ferry sénégalais dont le naufrage, le 26 septembre 2002, a fait environ 1900 victimes, dont les familles n’arrivent toujours pas à faire le deuil. S’il faut regretter tous ces morts provoqués par les manifestations anti-prolongation de mandat, il faut saluer l’esprit d’apaisement qui a fini pas régner sur le Sénégal, les différentes parties en conflit, sous contraintes en ce qui concerne le président sortant, ayant fini par mettre beaucoup d’eau dans leur bissap.
Et comme dans toute bataille électorale, grâce au jeu des alliances et ralliements, au gré des intérêts et des rancunes politiques tenaces, l’élection présidentielle s’est tenue. Chaque camp crie déjà victoire, mais un seul candidat sera définitivement déclaré vainqueur au finish. C’est dans l’ordre normal de cette compétition qui était tant attendue. Pourvu que la dynamique de fair-play qui est enclenchée depuis la courte campagne de deux semaines, dans la chaleur, les sacrifices et le partage du jeûne du Ramandan, aille jusqu’au bout, afin que le vainqueur, qu’il s’appelle Bassirou Diomaye Faye ou Amadou Ba, soit félicité par le vaincu, qu’il se nomme Amadou Ba ou Bassirou Diomaye Faye. En tout cas, une fois de plus, le Sénégal est le seul véritable gagnant de cette élection et, confirme ainsi, son titre de phare de la démocratie, même si les Lions d’Aliou Cissé ont, eux, perdu leur couronne de champions d’Afrique de football sur les bords de la Lagune Ebrié!
Comment se présentera le Sénégal de l’après Macky Sall, si Bassirou Diomaye Faye est vainqueur? Le fauteuil présidentiel ne s’accommodant que d’un postérieur, car n’étant pas un banc, qui aura la réalité du pouvoir entre le président élu et celui dont il a été le plan «B», Ousmane Sonko pour ne pas le citer? Ça c’est une autre paire de manches! Mais, c’est certain que ce changement, qui est d’ailleurs un produit de la démocratie, d’une manière ou d’une autre, aura forcément un impact sur le cours des événements politiques dans la sous-région !
Par Wakat Séra