Le Réseau national de Lutte anti-corruption (Ren-Lac) a organisé un déjeuner de presse ce jeudi 11 février 2021 à Ouagadougou pour faire la restitution de ses observations lors de l’élection couplée présidentielle-législatives du 22 novembre 2020. La cellule de lutte anti-corruption dit avoir recensé au total « 439 pratiques de corruption » durant la précampagne, la période de la campagne et lors des élections au Burkina Faso.
Au Burkina Faso, la fraude et la corruption électorale sont chaque fois déplorées par des responsables de structures politiques ou des organisations de la société civile dont le Ren-Lac. Selon la structure de lutte anti-corruption, lors des votes de novembre dans le pays des « Hommes intègres », certains acteurs politiques ont usé de la fraude et la corruption, pour parvenir à leur fin. En effet, avec un total de 24 observateurs, le Ren-Lac a supervisé les 13 chefs-lieux de régions du pays, soit deux observateurs par région durant trois mois.
« C’est l’argent qui décide des élections » au Burkina, a déclaré le secrétaire exécutif du Ren-Lac, Sagado Nacanabo. « Nous n’avons pas pour ambition de créditer ou pas ces élections », a été clair M. Nacanabo qui a estimé que même si sa structure le voulait, vu le nombre d’observateurs qu’elle a déployés, « cela allait être prétentieux de (leur) part ».
Pour lui, le plus important est que leur message soit entendu par les populations. « Si elles sont d’accord que les élections se passent comme ça ou pas, c’est à elles d’aviser », a-t-il martelé, avant d’inviter les journalistes à méditer le message phare de leur banderole où il est dit clairement : « Des élections basées sur la corruption ne peuvent garantir le choix de gouvernants intègres pour présider à la destinée d’un pays et aspirer au développement. Oui à la démocratie ! Non à la ploutocratie ! ».
L’équipe de la structure de lutte anti-corruption dit avoir énuméré comme faits de fraude et corruption, « des achats de conscience, des manipulations des listes électorales, l’utilisation des moyens de l’Etat à des fins de campagne, des détournements de votes, etc. ». Les agents ont fait deux sortes d’observation à savoir celle directe et celle indirecte qui a consisté aux collectes et traitement des témoignages des faits de corruption.
Ainsi, l’équipe du Ren-Lac a noté « 439 pratiques de corruption » dont « 314 observations directes et 125 cas de témoignages ». La structure a signalé aussi que la distribution d’argent aux potentiels électeurs occupe « 43%, suivis de 16% pour la distribution du carburant, 14% pour la distribution des tee-shirts avec ou sans effigie du parti, 14% pour les dons en nature et 5% pour l’utilisation des biens de l’Etat à des fins de campagne électorale ». Egalement, le Ren-Lac considère « les cadeaux aux leaders d’opinion, le transfert et le transport des électeurs pour s’inscrire sur une liste électorale ou pour voter ; l’intimidation des électeurs » comme autres actes de corruption.
En ce qui concerne les faits de corruption directement observés, « la distribution d’argent représente 35% ; la distribution de carburant 19% et la distribution de tee-shirts avec ou sans l’effigie du parti 18% ». Et les faits de corruption selon les témoins, « la distribution d’argent représente 60% ; des dons en nature 21% ; la distribution de carburant 9% et la distribution de tee-shirts avec ou sans l’effigie du parti 5% ».
Pour le Ren-Lac, la corruption et la fraude ont donc joué un rôle majeur dans l’issue des élections du 22 novembre 2020. Six partis politiques impliqués dans les pratiques de corruption ont le plus utilisé de mauvaises pratiques au cours de la pré-campagne et la campagne et ce sont eux qui ont eu plus de voix lors du scrutin. Il s’agit du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) avec 46,9% ; le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) avec 10,3% ; l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) avec 7,3% ; le Rassemblement Patriotique pour l’Intégrité (RPI) avec 5,5% ; Agir ensemble 5,5% et le Nouveau Temps pour la Démocratie (NTD) avec 3,2%.
Comme difficultés, le Ren-Lac note à son niveau un faible maillage du territoire pour des raisons budgétaires, la non disponibilité et surtout le non-respect des chronogrammes de campagne.
Par Bernard BOUGOUM