Ouf! C’est le premier sentiment qui se dégage au soir des élections générales que le Kenya vient de vivre dans le calme. Plus de peur que de mal, pourrait-on soupirer, alors que cette journée électorale annoncée comme celle de tous les dangers a plutôt permis aux Kényans d’accomplir en masse, mais en toute tranquillité leur devoir citoyen. Ils étaient sortis nombreux pour jouir de ce droit de vote et certains qui s’en servaient pour la première fois en étaient tout fiers comme ceux qui sont coutumiers du fait avaient une seule hantise: les violences de 2007-2008 et la mauvaise organisation des élections de 2013. Au finish, ils ont tous exprimé leur satisfaction, affirmant que le système de vote a été efficace. La commission électorale à pied d’œuvre pour tenir cette performance jusqu’au bout, annonce déjà les premiers chiffres de ces joutes électorales dont le taux de participation est estimé à 77%. Les premiers chiffres sont déjà disponibles et donnent gagnant, en ce qui concerne la présidentielle, le chef de l’Etat sortant, Uhuru Kenyatta, le fils du premier président du Kenya, Jomo Kenyatta. Mais comme il fallait s’y attendre, les contestations inhérentes à toutes les élections, sous tous les cieux, n’ont pas non plus tardé à monter du camp d’en face, celui de l’opposant historique, Raïla Amolo Odinga, dernier premier ministre de son pays et dont le père n’est autre que Feu Oginga Odinga, premier vice-président de la République.
Si les partisans de Uhuru Kenyatta manifestent déjà leur joie, à l’annonce des premiers résultats qui donnent une bonne longueur d’avance à leur champion, ceux de son challenger, l’inusable Raïla Odinga, n’ont pas mis du temps pour crier leur rejet de ces premiers chiffres. Le jeu est classique et nul ne saurait nier le droit aux perdants de contester le verdict des urnes. Il faut simplement espérer que tout se passe dans les créneaux prévus par la loi. Les élections ce n’est pas la guerre. Et après l’enfer des scrutins de 2007 qui ont engendré des violences ayant fait plus d’un millier de morts et faire fuir nombre d’entre eux de leur pays, dont plus de 75 000 sont toujours en exil, les Kényans doivent chercher à tourner cette page noire de leur histoire. Certes, la vie politique kényane est dominée, depuis un certain temps, par deux familles qui ont tenu les rênes du pays, mais il est temps de faire taire ces querelles dont les seuls résultats ont été d’endeuiller le Kenya et d’en retarder l’essor économique malgré ses innombrables atouts touristiques. Faut-il tuer l’avenir de toute une nation au nom d’intérêts égoïstes et très personnels? La question doit interpeller les Kényans, notamment les deux chefs de blocs que sont Uhuru Kenyatta et Raïla Odinga.
Certes, Raïla Odinga livre son dernier combat dans l’arène où il est descendu pour la quatrième, et sans doute la dernière fois. Il aimerait donc conclure cette aventure par une victoire qui lui a toujours échappée. Mais toute sortie autre que celle opérée dans le fair-play pour épargner à son pays le chaos serait sa plus grande défaite. Et c’est dans la même logique que son adversaire a le devoir d’encourager la transparence dans la suite de ces scrutins qui doivent amener le Kenya à rompre définitivement avec la violence électorale. Uhuru Kenyatta n’a d’autre choix, pour s’offrir un mandat paisible, débarrassé de toute menace d’être une fois de plus dans le viseur de la Cour pénale internationale, que de sortir vainqueur d’élections propres.
Par Wakat Séra