Muhammadu Buhari vers la sortie, après deux mandats à la tête du pays africain le plus peuplé avec au moins 214 millions d’habitants. En tout cas, des élections présidentielle et législatives de ce samedi 25 février doivent assurer la succession du président sortant qui présente un bilan peu reluisant, vu l’état du Nigeria actuel. La carte de Buhari est même jugée catastrophique par ses détracteurs et même des analystes qui parlent, adossés aux chiffres. Florilège: sur les huit ans d’exercice de Muhammadu Buhari, le PIB annuel, en moyenne, est en baisse, soit 1,4% pour une croissance de la population de 2,5%. Entre 80 et 90 millions de personnes vivent avec moins de 2 dollars au quotidien. 33% du brut produit par le Nigeria se perd ou se volatilise du fait de voleurs. Ainsi, le Nigeria reste ce géant au pied d’argile, miné par une insécurité chronique entretenue par les assauts meurtriers constants de la nébuleuse Boko Haram, une économie qui peine à prendre ses marques compte tenu de la corruption décrétée sport national dans ce pays et une gestion opaque de la manne pétrolière qui, du reste, s’amenuise considérablement.
Le Nigeria des paradoxes
Bien que pouvant afficher une fierté certaine d’abriter de richissimes hommes d’affaires dont certains, comme Aliko Dangote et Tony Elumelu pour ne citer qu’eux, figurent dans le cercle restreint des plus grosses fortunes du continent, le Nigeria demeure aussi ce pays de paradoxes, constamment plongé dans la crise énergétique et la pénurie de carburant alors qu’il est producteur de l’or noir. Mais le Nigeria c’est surtout le pays des violences électorales où les populations retiennent leur souffle à l’approche de chaque vote. Et les élections présidentielle et législatives de ce samedi ne feront visiblement pas exception à la règle. Déjà, le jus manque au niveau des stations-services, contraignant les usagers à s’aligner sur des kilomètres pour espérer remplir le réservoir de leurs voitures ou de leurs motos pour aller glisser leurs bulletins dans l’une des urnes des 175 000 bureaux de vote érigés à cet effet.
Pas de carburant, pas de billets de banque
Certes, les 94 millions de potentiels électeurs ne sont pas tous logés à la même enseigne, mais une grande majorité éprouvera des difficultés pour accomplir ce devoir, et jouir de ce droit, de vote. A commencer par la commission électorale qui aura besoin de carburant pour faire fonctionner ses véhicules mais aussi et surtout du nerf de la guerre pour désintéresser ses prestataires de services, alors que le pays du Naira est englué dans une pénurie de billets de banque dont l’issue est loin de se dessiner.
Il ne reste plus qu’à souhaiter bonne chance aux électeurs et candidats, notamment les principaux challengers, notamment, Atiku Abubakar du PDP, Bola Tinubu de l’APC, Rabiu Kwankwaso du NNPP et Peter Obi du Parti travailliste. Et que les démons de la violence s’éloignent du pays où les champions des différents partis viennent de signer le pacte de la paix, afin de garantir des élections apaisées. C’est à cette condition que le Nigeria pourra servir de locomotive démocratique et économique pour une Afrique où les putschs militaires refleurissent tout comme les troisièmes mandats séduisent de plus en plus des dirigeants en quête de présidence à vie.
La Côte d’Ivoire ouvre la porte de la CEI au PPA-CI
Autre pays, presque les mêmes réalités où les élections ont régulièrement rimé avec guerre, c’est la Côte d’Ivoire. Le pays d’Alassane Ouattara qui vit dans l’attente de plusieurs votes dont les premiers, les municipales et régionales, sont prévus pour octobre et novembre de cette année et la présidentielle pour 2025, ne dort plus que d’un seul œil. La campagne électorale, avant son ouverture officielle, est présente en sourdine et les grandes manœuvres électorales battent leur plein. Ne dit-on pas que demain se prépare aujourd’hui? En tout cas, embarquée dans une dynamique de réconciliation et de retour de la cohésion nationale, la grosse machine du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), tout en ratissant large, politiquement parlant, compte faire de la paix en général, et singulièrement celle électorale, son bréviaire.
Plus jamais de sang versé pour une élection!
Le pouvoir cherche donc les voies et moyens pour donner des chances d’élections pacifistes à une Côte d’Ivoire, dont les populations en ont marre de voir du sang innocent, chaque fois, versé pour les intérêts égoïstes et très personnels des politiciens. Certes le président ivoirien est accusé par ses détracteurs de se servir de l’appareil judiciaire pour mettre hors-jeu ses adversaires les plus coriaces, en leur faisant coller des peines d’emprisonnement qui les privent de leurs droits civiques, ou les maintiennent en exil, loin de son fauteuil de chef.
Mais, il favorise également des retours au bercail de certains, comme l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ancien «général de la rue» Charles Blé Goudé. De même, Abidjan met en place des préalables pour rendre, plus ou moins, ouvertes des élections qui… ne le sont jamais en Afrique! C’est dans cette logique de transparence qu’un décret présidentiel vient de donner l’accès de la Commission électorale indépendante (CEI), au Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire, le PPA-CI de Laurent Gbagbo. Ce n’est pas rien, quand on sait que c’est l’institution en charge, de bout en bout, des élections.
Pourvu que les élections nigérianes de samedi et celles ivoiriennes en vue, redonnent de l’espoir aux Africains qui sont de plus en plus désabusés par cette démocratie venue de derrière les océans et qui est mangée à toutes les sauces sous les tropiques!
Par Wakat Séra