Enfin! Heureux qui comme les Guinéens attendaient des élections municipales qu’ils ont accomplies depuis 13 ans et qui ont pu enfin exaucer ce vœu longtemps exprimé et même défendu avec acharnement par l’opposition à Alpha Condé. Ce 4 février 2018, le signe indien a été enfin vaincu, lançant près de 30 000 candidats à l’assaut des sièges de conseillers municipaux libres depuis plus d’une dizaine d’années dans les 342 mairies du pays. Certes, les six millions d’électeurs appelés aux urnes ont été loin de se bousculer devant les bureaux de vote, ce qui présage d’un taux de participation sans doute peu élevé, mais, en dehors de quelques échauffourées sans grande ampleur, les votes ont été tenus dans le calme. Il faut déjà se féliciter de leur tenue dans cette sérénité relative, car les tensions étaient bien palpables avant ce jour tant attendu. Et s’il faut ajouter à cette donne que la Guinée est reconnue comme une terre fertile aux violences électorales, un satisfecit peut être décerné aux acteurs politiques et aux électeurs qui ont accompli leur devoir de citoyen dans une tranquillité relative. De plus, ces élections qui doivent remettre les collectivités locales sur le tremplin du développement sont les plus ouvertes, après le raz de marée du parti au pouvoir en 2005, sous l’ère Lansana Conté.
Le premier défi de l’organisation tenu, celui des résultats sera le challenge le plus difficile à relever. Le parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) du professeur Alpha Condé et les figures de proue de l’opposition l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et l’Union des forces républicaines (UFR), n’entendent se faire aucun cadeau, même si, pour ces compétitions locales, mais d’une importance capitale dans la gestion du pouvoir, les électeurs n’ont pas marqué un enthousiasme particulier, lassés par ce temps trop long et surtout la crise de confiance aiguë avec les politiques. En effet, les nombreux reports, motivés ou non, ont fini par enlever toute saveur à ces élections locales mais les leaders politiques ne perdent pas de vue, la pertinence de rester maître de la base pour espérer tenir le pouvoir au sommet dans la sérénité. Dans cette logique, il faut s’attendre à ce que les contestations commencent à fuser de toutes parts, notamment des rangs de l’opposition dont les principaux chefs, Cellou Dalein Diallo de l’UFDG et Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR) sont déjà sur le sentier de guerre. Les deux opposants dénoncent en effet des irrégularités liées au défaut de matériels et des fraudes. Sidya Touré est même allé plus loin, signifiant clairement que lui et ses militants, étant certains de gagner dans les circonscriptions où l’UFR a présenté des candidats, n’accepterons pas les résultats s’ils sont faussés.
Mauvaise foi de perdants potentiels, contestations habituelles d’opposants, ou réalités du terrain? En tout cas, ces dénonciations sonnent comme des menaces sérieuses qui pèsent sur des élections locales longtemps désirées mais surtout sur une paix qui a toujours été une denrée rarement acquise pour de bon en Guinée. Surtout en période électorale où les nerfs sont à vif et les militants chauffés en blanc, le tout sur fond de relents ethnicistes. Dans l’intérêt supérieur de la nation, il importe donc que les voies juridiques habilitées à connaître ces genres de problèmes soient privilégiées au détriment de la rue incontrôlée et ouverte à toutes les violences qui endeuillent régulièrement les familles guinéennes. Il est surtout urgent que les politiciens guinéens et africains dans leur ensemble, sachent enfin raison garder afin que les élections ne riment plus avec violences, morts et blessés.
Par Wakat Séra