Les liens entre la France et l’Afrique, c’est le «collé cimenté» du jeune et talentueux artiste malien Sidiki Diabaté. Dans les faits, cette relation entre le continent noir et nos ancêtres les Gaulois est sur le point de vivre une nouvelle ère sous la houlette d’un autre jeune, le non moins talentueux Emmanuel Macron. Même si sa côte de popularité s’est bien effritée 100 jours après son élection euphorique à l’Elysée, le chef de l’Etat français n’en tient pas moins solidement le gouvernail du bateau battant pavillon Bleu blanc rouge. Mieux, le successeur de François Hollande a choisi de tenir un langage de vérité à «ses partenaires» africains, un peu comme pour tourner définitivement le dos à la Françafrique. Tout en le traitant de «continent de l’avenir» devant ceux qui défendent les intérêts de la France dans le monde, Emmanuel Macron n’a pas manqué de recadrer les rapports entre l’Afrique et son pays. La nouvelle politique française dévoilée aux 170 ambassadeurs de la France venus des quatre coins de la planète, a pour piliers essentiels la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine. C’est dire combien l’Afrique se retrouve dans les priorités du président français convaincu que les Africains peuvent trouver gîte et couvert en France, mais dans un cadre bien plus ordonné, tout comme ils pourraient demeurer chez eux et s’épanouir dans un environnement assaini du terrorisme et ouvert au développement.
Initiatives louables mais peu convaincantes. La lutte contre le terrorisme, qu’il soit qualifié d’«islamiste» ne saurait s’accommoder de cette obsession maladive contre une religion dont les vertus premières sont la paix et l’amour. Il faut plutôt chercher les motivations des terroristes ailleurs, car ces semeurs de la mort à tout vent s’en prennent même à leurs coreligionnaires. Ce fut le cas, le 13 août dernier, à Ouagadougou, où est attendu Emmanuel Macron. C’était au café Aziz Istanbul où, soit disant au nom de Allah, deux assaillants ont froidement abattu 19 personnes de huit nationalités différentes, dont des hommes de Dieu kowetiens et burkinabè. N’est-ce pas du reste cette boucherie sur des «frères» musulmans qui empêche ces djihadistes, d’habitude très prompts à exhiber leurs tueries sauvages, de revendiquer les deuxièmes attentats sanglants de Kwamé Nkrumah, après l’attaque terroriste de Cappucino en janvier 2016? Ainsi, pour se donner des chances d’anéantir les terroristes, qu’ils soient en Syrie, en Irak, en France, en Angleterre ou qu’ils se terrent dans les dunes chaudes du Sahel ou aux confins du désert libyen, il est plus qu’important, d’éviter de verser dans l’amalgame qui voue aux gémonies l’Islam.
De même que le développement et une offre de vie meilleure à une jeunesse africaine engluée dans la misère et sans vue sur un avenir meilleur peuvent constituer des armes efficaces contre le terrorisme, dans la même logique, cela peut réduire considérablement l’ampleur de l’immigration clandestine. Le flux hallucinant de candidats à l’exil vers l’Occident qui fait désormais de la Méditerranée un cimetière à ciel ouvert pour des migrants à la merci de passeurs sans foi ni loi ne chutera que si des conditions sont créées pour que l’eldorado ne soit plus que de l’autre côté de la mer. Et ce serait illusoire de penser à l’efficacité des hotspots de Macron, si les rejets réguliers, du reste non motivés, de demandes de visa dans les consulats français en Afrique, n’ont jamais découragé ceux qui sont prêts à braver mille et un dangers pour prendre d’assaut la citadelle occidentale de plus en plus imprenable. Des plans voués à l’échec, tout comme les nominations d’envoyé spécial chargé de la sécurité et du développement du Sahel ou d’ambassadeur chargé de coordonner les négociations liées aux migrations entre la France, l’Union européenne et l’Union africaine. Le fameux conseil présidentiel, une « structure inédite tournée vers les attentes de nos jeunesses » connaîtra-t-il un meilleur sort? Rien n’est moins sûr car il est temps que les Africains prennent eux-mêmes leur destin en main, avec un continent délesté de toutes ces chaînes comme la monnaie et autres partenariats et accords secrets ou officiels de défense qui le lient et le maintiennent dans la servitude d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom. Et ça ce n’est pas le devoir ni le rôle de la France de venir libérer l’Afrique. «On ne développe pas. On se développe», a dit Feu Joseph Ki-Zerbo, le sage, l’historien et homme politique burkinabè.
Par Wakat Séra