Pur hasard de calendrier ou coïncidence bien programmée? Seuls ceux quoi sont dans le secret des palais de l’Elysée et de Dakar, pourront décrypter, sans risque de se tromper, la date de la première visite hors de l’Afrique, du jeune président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye. En effet, c’est sur les bords de la Seine que le successeur de Macky Sall a déposé ses valises, non pas pour flâner aux pieds de la Tour Eiffel, mais pour prendre part au Forum mondial sur la souveraineté vaccinale organisé par Gavi, l’Alliance du Vaccin. L’occasion étant trop belle pour ne pas être saisie, à moins que l’opportunité ait été subtilement créée, Diomaye Faye sera, ce jeudi, à la table de son hôte, Emmanuel Macron, le premier président occidental qu’il rencontre après son arrivée au pouvoir. Objet de toutes les supputations, compte tenu des relations séculaires, et plus ou moins singulières, entre la France et le Sénégal, cette rencontre ne restera probablement pas longtemps, celle des civilités obséquieuses.
Les dossiers brûlants, dont certains fâchent, qui devraient épicer davantage le menu du jour ne manquent pas. Entre deux bouchées de foie gras et deux gorgées de Perrier pétillant, se glisseront certainement plusieurs préoccupations sur l’avenir du franc CFA, la présence militaire française en Afrique et plus particulièrement au Sénégal, et l’essai de rabibochage entre la CEDEAO et l’AES, l’Alliance des Etats du Sahel. Car, le Sénégal des prédécesseurs de Diomaye Faye, notamment de Léopold Sédar Senghor à Macky Sall en passant par Abdoulaye Wade, a toujours tenu une place de choix dans la coopération extérieure française. Et même bien plus au cours de la période coloniale, et plus encore dans les années sombres de l’esclavage, l’Ile de Gorée étant le vestige le plus triste pour le rappeler aux deux chefs de l’Etat. Sans oublier l’implication «patriotique» des tirailleurs sénégalais pour sauver la France et l’épisode sanglant du massacre de Thiaroye. En tout cas, les sujets pour agrémenter ce déjeuner à l’Elysée, ne manquent pas.
Mais, sans doute que l’Alliance des Etats du Sahel formée par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ravira la vedette à l’Alliance Vaccin, à la table présidentielle. L’objectif de ramener à la maison, les pays qui ont claqué la porte de la CEDEAO, semble être bien partagé par Bassirou Diomaye Faye qui a déjà rendu visite aux présidents malien et burkinabè, et Emmanuel Macron dont la France est devenue cette sauterelle qui empeste ces pays du Sahel, devenus très jaloux de la souveraineté nationale et soucieux de diversifier davantage leurs partenariats militaro-économico-diplomatiques.
Qu’attendent désormais les membres de l’AES, et plus généralement, les pays africains de la France? Le changement de paradigme amorcé par la France, et qui se matérialise déjà par le moins de présence militaire, est-il suffisant pour les dirigeants de l’AES, désormais sous le charme de Vladimir Poutine et de la Russie? Que faire pour que l’arrogance et le paternalisme très prononcés des dirigeant de l’Hexagone, fassent place à des relations de véritables partenaires et non de «maître» à «vassal»? Quel sera l’avenir du franc CFA considéré comme la monnaie de la colonisation et qui soulève beaucoup de débats passionnés, menés, la plupart du temps, par des personnes qui s’érigent en experts de la monnaie et des finances?
C’est certain, Bassirou Diomaye Faye et Emmanuel Macron, en attendant d’autres cadres, se serviront de ce déjeuner qui tombe à pic, pour débroussailler le champ des nouvelles relations entre la France et le Sénégal et entre la France et l’AES. Il est temps de passer à autre chose, dans la sérénité et l’intelligence.
Par Wakat Séra