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Emmanuel Macron: «La France n’a pas (…) la volonté de rester engagée éternellement au Sahel»

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Le président français Emmanuel Macron, était déjà présent en visio-conférence lors du dernier sommet du G5 Sahel, le 16 février 2021. AP - Francois Mori

Le président français, Emmanuel Macron a affirmé, ce vendredi 9 juillet 2021, à l’issue du sommet du G5 Sahel, que son pays «n’a pas vocation, encore moins la volonté, de rester engagée éternellement au Sahel».

CONFÉRENCE DE PRESSE À L’ISSUE DU SOMMET DU G5 SAHEL

Paris, le vendredi 09 juillet 2021

Emmanuel MACRON

Mesdames, messieurs, bonjour. Et je salue l’ensemble de nos interlocuteurs qui se trouvent de l’autre côté des caméras qu’ils soient en France ou au Niger ou dans la région du Sahel.

Je suis heureux aujourd’hui d’avoir à mes côtés le Président BAZOUM, Président, partenaire et ami. Et il s’agit de sa première visite en France depuis son élection qui a été saluée pour son caractère exemplaire, mais c’est loin d’être évidemment la première fois où nous avons l’occasion de nous retrouver et d’échanger, et ces derniers mois ont été actifs à cet égard pour ce qui nous concerne. Mais je veux profiter de cette occasion officielle pour rendre hommage à son prédécesseur, le Président ISSOUFOU, dont je salue à nouveau le courage et la fidélité à ses engagements, rendre hommage à la vitalité et la force de la démocratie nigérienne, car vous avez réussi ensemble la première transition démocratique et véritable, véritablement libre et démocratique. Et je veux vraiment remercier le Président BAZOUM d’avoir accepté cette invitation qui coïncidait avec la tenue d’un sommet virtuel du G5 Sahel et vraiment le féliciter pour son action tous ces derniers mois. Je crois qu’elle est, elle est perceptible pour nous, pour les partenaires de la région et pour les Nigériens.

Une réunion s’est donc tenue à distance à laquelle j’ai pu être conviée il y a quelques instants qui a permis entre les partenaires du G5 Sahel et la France d’échanger justement sur nos priorités et l’évolution de la situation. Je laisserai le Président BAZOUM revenir sur les résultats et décisions de ce sommet auquel la France était conviée sur les modalités de transformation de notre présence militaire au Sahel. Comme vous le savez, j’avais eu l’occasion de m’exprimer au lendemain du sommet de N’Djaména et plus récemment à la veille du G7 sur la logique et les objectifs qui sont à l’origine de cette évolution. Depuis cette date, un intense travail de coordination et de concertation a été mené avec nos partenaires africains, évidemment sahéliens au premier chef, mais plus largement toute la région, avec nos partenaires européens engagés aux côtés du Sahel, également à travers des missions de formation EUTM, des coopérations en termes de logistique ou leur participation à la MINUSMA et concertation aussi avec tous nos partenaires internationaux.

Je constate que ce travail de consultation et d’explication a permis non seulement de rassurer nos partenaires sahéliens et internationaux, mais aussi de consolider leur choix de s’engager au Sahel. A ce titre, les conclusions du Conseil européen du 24 juin ont en effet renouvelé l’engagement des Etats membres à contribuer à l’opération EUTM et à la Task Force Takuba. De nouveaux États se sont même joints à Takuba. Je vais citer ici la Roumanie, qui a décidé ces derniers jours de rejoindre donc Takuba. Dans le même temps, le Conseil de sécurité des Nations unies vient de renouveler à l’unanimité le mandat de la Force des Nations unies, la MINUSMA, au sein de laquelle plusieurs partenaires européens sont également engagés. C’était le 29 juin dernier. La combinaison de ces décisions démontre clairement la continuité de l’engagement international au Sahel.

En parallèle, et même en amont de ces concertations avec nos partenaires internationaux, nous avons mené depuis plusieurs mois un dialogue approfondi avec nos partenaires sahéliens, qui sont évidemment parties prenantes de ces évolutions. Ces échanges ont débuté dès le début de cette année dans le cadre des échanges que nous avons tenus en préparation du Sommet de N’Djamena. Ils se sont poursuivis sans relâche jusqu’à ce jour et la réunion que nous venons d’avoir dans le cadre de ce sommet du G5 Sahel. Je laisserai le Président BAZOUM confirmer ce constat, mais je crois pouvoir dire que ces échanges ont permis de converger à la fois sur le sens, l’opportunité et les modalités des évolutions de notre présence militaire au Sahel.

Le sens de ces évolutions, de la reconfiguration de notre présence, c’est d’abord le maintien de notre engagement au Sahel. Je veux ici le dire clairement. Nous restons engagés au Sahel parce que cela nous est demandé par les Etats de la région. C’est une évidence qui tend à être perdue de vue et qu’il faut sans cesse rappeler. La France n’a pas vocation, encore moins la volonté, de rester engagée éternellement au Sahel. Nous sommes là parce qu’on nous le demande et pour une durée qui n’excédera jamais ce qu’on nous demande. Cette sollicitation d’appui de la France a été réitérée lors des sommets de Pau et de N’Djaména. Elle est également ressortie sans ambiguïté de l’échange que nous avons eu ce matin. Le sens de notre présence, je l’avais déjà dit dans mon discours à Ouagadougou n’a plus aucun rapport avec les interventions militaires que la France a pu mener par le passé sur le continent africain. Nous avons changé de monde comme de logiciels et notre action militaire est la réponse à une menace globale qui dépasse le continent africain, mais dont les principales cibles et victimes sont aujourd’hui les populations africaines, particulièrement les populations du Sahel.

Nous devons ici toujours rappeler que cette menace a un nom, celui des deux grandes organisations terroristes, Al-Qaïda et Daesh, et leurs ramifications en Afrique et au Sahel, qui font qu’aujourd’hui, l’Afrique est devenue leur principal terrain d’offensive et de croissance. Nous connaissons ces organisations. Elles ont frappé plusieurs continents, dont le nôtre et jusqu’à notre sol français. Nous n’ignorons rien de leur agenda, mais si elles le dissimulent sous une rhétorique convoquant la moralité et la bonne gouvernance, elles ne trompent personne. Nous savons en réalité que cet agenda ne fait aucun cas du sort et de la dignité des populations africaines et qu’il ne se limite pas à l’horizon d’occuper un territoire ou une capitale. Notre ennemi, ces groupes terroristes aujourd’hui en Afrique, c’est un projet expansionniste, idéologique dont la prise de contrôle d’un territoire sahélien n’est qu’une étape. Et sa réalité au quotidien, ce sont des écoles fermées, des femmes privées de tout droit, des instituteurs assassinés, des préfets chassés, des services publics empêchés, de la misère entretenue, des centaines de milliers de populations déplacées et l’instauration d’un ordre social dégradant les droits humains. Et qu’il s’agisse du rôle de Boko Haram dans la région du lac Tchad et de l’action que vous avez conduite ces dernières semaines, pour contrecarrer ces effets que je viens de citer, comme de la présence de Daesh ou d’Al-Qaïda dans tout le Sahel, c’est bien de cela dont nous parlons. Nos partenaires sahéliens ne veulent pas de ce projet et perdent tous les jours des vies dans cet affrontement. Ce combat n’est pas seulement le leur. L’histoire, les drames, les attaques que nous avons vécus sur notre territoire nous enseignent que ce combat est aussi le nôtre, nous, Français et Européens. C’est pour cette raison que nous le menons à vos côtés et que nous continuerons de le mener à vos côtés jusqu’au sacrifice ultime de la vie de nos propres soldats. C’est aussi pour cette raison que nous restons engagés.

Mais rester engagés, c’est aussi nous adapter. Depuis la décision d’intervenir au Mali, en janvier 2013, les formes et les modalités de notre appui aux pays du Sahel ont connu plusieurs évolutions. Nous avons régionalisé notre approche, recentré notre action sur la zone des trois frontières, renforcé le pilier civil de notre engagement, créé le cadre aussi d’une coalition pour faciliter l’engagement d’autres partenaires. Notre action s’est ainsi progressivement inscrite dans un cadre de plus en plus internationalisé et de plus en plus partenarial avec les pays de la région. Sahélisation, internationalisation, telles furent les évolutions des trois dernières années sur ce théâtre d’opérations. À titre d’illustration, la part de nos opérations menées conjointement avec nos partenaires sahéliens est aujourd’hui très largement supérieure à la part des opérations que nous menons de manière autonome.

Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle évolution profonde de notre engagement au Sahel. Pourquoi ce mouvement ? Tout d’abord, parce que les succès que nous avons enregistrés nous le permettent. Et c’est le premier fait générateur de cette transformation. Dans les derniers mois de l’année 2019, les deux organisations terroristes que j’ai citées ont tenté de reproduire ce qu’elles avaient tenté au début de la décennie 2010, à savoir instaurer un territoire sous leur contrôle entier, pouvant ensuite servir de plateforme de projection. Ce projet d’enracinement territorial a été entravé, empêché par la concentration des efforts et des forces que nous avions décidée lors du sommet de Pau. Grâce à ce sursaut militaire, un réengagement supplémentaire des armées françaises à une meilleure organisation de notre coordination avec nos partenaires sahéliens, nous avons pu tous ensemble reprendre le contrôle de ces territoires. Le défi est désormais d’amener progressivement dans ces zones un maximum de services aux populations. C’est le sens du sursaut civil que nous avons décidé lors du sommet de N’Djaména et dans lequel le Niger, je dois le souligner, est particulièrement investi. C’est le sens même des actions menées dans plusieurs zones par le Président nigérien.

Le second fait générateur de cette évolution, c’est l’évolution même de la nature de la menace. Tirant les leçons de leurs échecs, nos adversaires ont aujourd’hui délaissé une ambition territoriale au profit d’un projet de dissémination de la menace. Plus seulement du Sahel mais à l’échelle de l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. L’illustration la plus pressante de ce changement de paradigme est la pression versée par les groupes terroristes dans les zones se situant à la frontière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Cette offensive présage malheureusement d’une pression renforcée sur l’ensemble des pays du golfe de Guinée qui est d’ores et déjà une réalité. Face à ce pivot vers des organisations terroristes, l’erreur aurait été de nous garder dans un schéma qui ne correspond plus ni à la géographie, ni de dissémination de la menace.

La stabilisation de la zone frontière et le reflux de l’emprise terroriste sur cette région nous ouvre aujourd’hui la possibilité de mettre en œuvre, sans plus attendre, la reconfiguration de notre présence, selon des modalités concertées avec nos partenaires et alliés sahéliens. Cette reconfiguration débutera dès les prochaines semaines. Une carte va ici être diffusée qui va vous permettre de visualiser clairement ce vers quoi nous allons nous orienter. En effet, en cohérence avec l’impératif d’endiguer une diffusion de la menace au sud, elle se traduira par une réduction de nos empreintes militaires les plus au nord. Ces fermetures s’étaleront sur le second semestre de l’année 2020 et seront achevés d’ici le début de l’année 2022. Kidal, Tessalit, Tombouctou seront ainsi progressivement dégraffés.

Notre présence militaire au Sahel s’articulera autour de deux missions. La première consistera à poursuivre la neutralisation et la désorganisation du haut commandement des deux organisations ennemies. La deuxième mission se concentrera sur l’appui à la montée en puissance des armées de la région, largement entamée à travers plusieurs missions historiques mais nous entendons encore densifier. Ces deux missions, nous les tiendrons autour de plusieurs axes d’organisation.

D’abord d’une dimension terrorisme avec, comme vous pouvez le voir sur ces cartes, la poursuite de l’action de la Task Force Sabre. Ensuite, elle sera renforcée par une dimension partenariale de combat pour justement s’attaquer et renforcer la lutte contre le terrorisme en accompagnant justement l’action de nos partenaires africains avec des opérations communes. La lutte contre le terrorisme se poursuivra donc autour de la Task Force Takuba dont la reconnaissance dans les conclusions du dernier Conseil européen et dans le nouveau mandat de la MINUSMA illustre la dimension profondément européenne et multilatérale.

La Task Force Takuba aura donc une mission de lutte contre le terrorisme. Elle s’inscrira dans un partenariat étroit et elle sera coordonnée depuis le poste de commandement de Niamey avec les armées du G5 Sahel. Elle aura une nation cadre, un Etat cadre, la France, et elle agrégera plusieurs nations partenaires. Nous avons d’ores et déjà, aux côtés de la France, neuf partenaires européens. Nous avons sollicité plusieurs autres partenaires non-européens et nous sollicitons sur des missions d’appui des partenaires africains. La carte ici rend compte du champ de la mission actuelle de la Task Force Takuba. Mais les discussions que nous avons eues aujourd’hui avec le Président BAZOUM nous permettent justement d’élargir celles-ci et d’avoir une feuille de route qui – nous allons y travailler dans une semaine – permettrait évidemment d’avoir un rôle accru ensemble et ce partenariat de combat et de lutte contre le terrorisme également, au Niger. La France maintiendra en son sein une contribution significative en étant accompagnée des Italiens, des Danois, des Portugais, etc.

A côté de cette lutte contre le terrorisme, il y a la mission, je le disais, de montée en puissance des armées de la région. A cet égard, nous concentrerons notre appui à travers deux dimensions : une dimension coopération pour former, entraîner, équiper, conseiller les armées partenaires. La deuxième mission, c’est la montée en puissance des armées de la région.

La dimension coopération, je le disais, sera renforcée et s’appuiera notamment sur le dispositif de partenariat militaire opérationnel existant à l’échelle régionale de l’Afrique de l’Ouest. Elle se mettra en place en synergie avec nos partenaires et avec les missions internationales, en particulier l’EUTM. Outre la préparation à l’engagement opérationnel, il s’agit de construire des outils de défense capables de former, d’entraîner et de gérer dans la durée les soldats, d’entretenir les matériels, d’acquérir aussi des compétences. Et donc nous aurons dans cette dimension coopération à continuer à monter en puissance au travers de EUTM et à le compléter par des coopérations bilatérales que nous ferons à l’égard de l’ensemble des nations du G5 Sahel. Nous accompagnerons cette transformation des outils de défense par du conseil et de l’appui au commandement, et donc des partenariats et des coopérations humaines dans la durée.

Il y aura aussi une dimension réassurance que vous voyez figurer sur cette carte pour demeurer en permanence en mesure d’intervenir rapidement au profit des forces alliées ou partenaires grâce à nos capacités aériennes déployées à partir du Niger. Nos partenaires bénéficieront aussi du maintien de certaines capacités essentielles au Mali — santé, aéromobilité, force de réaction rapide — et le Tchad restera enfin un élément clé de notre dispositif avec le maintien d’une présence aérienne et terrestre significative et orientée également vers la coopération avec les forces armées tchadiennes. Et donc vous le voyez, ce soutien aux armées de la région aura une composante coopération et formation et une composante réassurance avec Niamey qui sera très fortement musclé, si je puis dire, des forces aériennes qui seront placées là, le commandement central de la Task Force Takuba et le commandement de la coordination entre Takuba et les dispositifs des forces conjointes du G5 Sahel. Cette transformation, cette évolution de notre dispositif, nous la mettrons en œuvre donc dans les prochains mois. Et elle est celle qui nous paraît le mieux répondre, évidemment, à l’évolution de la menace. Avec l’accord du président BAZOUM que je remercie, ce nouveau dispositif, comme je le disais, sera coordonné et commandé depuis nos éléments présents au Niger.

En temps voulu, donc, une fois ce cheminement fait, l’opération Barkhane sera fermée. Ce transfert de commandement se fera tout en maintenant notre présence militaire existante, comme je l’évoquais, au Tchad. En parallèle, comme vous le voyez aussi figurer sur cette carte, nous aurons un effort régional de coopération puisque pourront être mobilisées, comme nous l’avons fait d’ailleurs au début des années 2020, les forces françaises en Côte d’Ivoire et toutes les forces françaises qui appuient dans la région, ce qui est cohérent avec l’élargissement de la menace, comme je l’évoquais tout à l’heure. Je vous rappelle que lors du sommet de Pau, nous avions décidé, lors du sursaut militaire, de mobiliser plusieurs centaines d’effectifs qui étaient présents à Abidjan pour rejoindre Barkhane. C’est dans ce même esprit que nous continuerons d’avoir un appui régional et une sécurisation en appui de ce dispositif que je viens d’évoquer.

Au final, cette transformation répond à la nécessité de s’adapter à la nouvelle posture des groupes terroristes, d’accompagner la prise de responsabilité de la région et de reformuler ainsi le cadre et les objectifs de notre engagement au Sahel. Il s’agit, bien sûr, d’empêcher deux organisations terroristes de faire du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest leur nouveau terrain d’expansion et d’enracinement, mais il ne s’agit en revanche en aucun cas de nous substituer à la responsabilité et à la souveraineté des États de la zone pour remplir leurs missions de sécurité et de services apportés aux populations. Voilà les quelques éléments à l’issue de ces concertations et après la présentation que le chef d’état-major de nos armées et moi-même avons pu faire ce matin devant nos partenaires, ce dont je souhaitais vous rendre compte. Je vais maintenant céder la parole au président BAZOUM en le remerciant à nouveau de sa confiance, de son engagement et de sa présence aujourd’hui à Paris.

Mohamed BAZOUM

Merci. Merci beaucoup, Monsieur le Président MACRON. Je suis très heureux d’être aujourd’hui ici à Paris, à vos côtés, à l’occasion de cette conférence de presse, après nos entretiens de ce matin. Je voudrais vous remercier très sincèrement de m’avoir adressé cette invitation et de m’avoir donné l’occasion des échanges que nous avons eus. Il se trouve qu’ayant arrêté cette date de ma visite depuis quelques semaines déjà, le président en exercice du G5 Sahel, le président du Tchad, Mahamat Idriss DÉBY, a retenu la même date pour notre visioconférence de la réunion au sommet des chefs d’État des pays du G5. Je voudrais vous remercier d’avoir mis à ma disposition les commodités qui m’ont permis de prendre part à cette visioconférence, qui était une visioconférence des présidents des pays du G5 Sahel dans sa première séquence, et qui a par la suite été suivie d’une séquence ouverte au Président MACRON. Et à cette occasion, en effet, le Président MACRON a eu à présenter, à travers notamment un exposé le chef d’état-major des armées françaises, des perspectives en rapport avec la reconfiguration du dispositif militaire français dans le Sahel. Nous avons eu des entretiens en bilatéral, le Président MACRON et moi, qui ont concerné la vie du Niger, la vie de nos deux pays et notre relation bilatérale. J’ai, à cette occasion, dit au Président MACRON l’évolution de la situation militaire au Niger et dans la zone sahélienne de façon générale. Je veux parler ici en ma qualité de président du Niger, pas en tant que le représentant du G5 Sahel, dont je ne suis pas le président en exercice, par conséquent. Tout ce que j’aurai à dire, je le dirai en tant que président du Niger et s’il y a des réponses que je dois apporter relativement à notre rencontre de ce matin, de la réunion des chefs d’État du G5 Sahel, je le dirai là également en tant que président du Niger.

S’agissant de notre situation sécuritaire, ces dernières semaines, ces derniers mois, je dois dire qu’elle s’est considérablement améliorée sur l’ensemble des fronts ou notre armée a été engagée. Elle a été engagée sur au moins trois fronts, le front du combat que nous menons contre Boko Haram dans la région du lac Tchad, le front notre combat que nous menons à la frontière avec le Burkina. Ici, nous avons, au cours du mois de juin passé, mené une opération conjointe transfrontalière, c’est quelque chose de tout à fait inédit, entre nous et l’armée du Burkina Faso. Cette coopération a débouché sur des résultats comme nous n’avons jamais pu en avoir. C’est la preuve, en effet, que si nous pouvions nous organiser et coordonner notre action et mener des patrouilles communes, même avec nos moyens propres, nous sommes en mesure d’avoir des résultats bien supérieurs que nous ne pourrions avoir si nous restons isolés, comme cela a toujours été le cas malgré tout ce que nous disons sur la nécessité de la coordination dont les principes sont définis par ailleurs dans le cadre du G5 Sahel, mais qui n’ont jamais été opérationnalisés pour ainsi dire. Du côté de notre frontière avec le Mali dans la région de Ménaka plus précisément, nous avons mené une opération conjointe avec Barkhane qui, elle également, a débouché sur des résultats conséquents qui ont consisté dans l’arrestation de cadres importants de l’EIGS – de l’État Islamique dans le Grand Sahara – qui est notre ennemi dans cet espace-là et qui ont aussi débouché sur la mort de cadres importants de cette organisation. Tout cela a créé une situation favorable à la mise en œuvre de l’une de nos décisions majeures du sommet de N’Djamena qui consiste, dans le sursaut civil du côté de la région du lac Tchad. J’ai pu me déplacer personnellement du 1er au 30 juin dans la région d’Ivoire et j’ai donné le coup d’envoi, le point de départ, j’ai engagé le retour des populations déplacées de leurs villages depuis l’année 2015 dans cette région. Nous avons un peu près de 110 à 130 000 personnes déplacées au cours des années 2015-2016-2017. Plus de 100 000 personnes réfugiées à partir de l’État de Borno, du Nigéria, dans la région de Diffa. Nous avons décidé de ramener ces populations dans leurs villages. Le 20 juin, nous avons engagé cette opération qui a consisté à ramener le premier village qui est au point le plus extrême à l’est à la frontière du Lac Tchad, dans la zone qui était, il n’y a pas encore très longtemps, la zone la plus dangereuse. Nous avons ramené toute la population du village de Baroua, pas moins de 6 000 personnes, nous avons ramené d’autres populations, nous avons l’intention les prochaines semaines, les toutes prochaines semaines de ramener presque 30 000 personnes dans 19 villages et cette opération nous la continuerons pour qu’à l’horizon novembre-décembre de cette année nous ramenions toutes les populations qui se sont déplacées en créant toutes les conditions nécessaires à leur accueil : une assistance d’urgence humanitaire à leur profit, mais aussi la mise en œuvre d’un programme de reconstruction de tous les services de base nécessaires à la vie commode de ces populations dans leurs villages, tout en leur assurant la sécurité de façon qu’elles ne se retrouvent plus dans une situation à devoir quitter leur village pour chercher la sécurité ailleurs.

Nous allons leur assurer cette sécurité et je profite de l’occasion que j’ai aujourd’hui, j’ai eu à le faire pour ce qui concerne la France, à lancer donc un appel à l’ensemble de la communauté internationale pour qu’elle nous vienne en soutien à cette opération importante qui donne tout son sens aux combats que nous avons menés jusqu’à présent et qui ne devraient pas se réduire uniquement à son aspect militaire de résistance aux organisations terroristes. Il s’agit en effet d’envisager un autre avenir pour les populations en faisant en sorte qu’elles retournent chez elles et qu’elles s’adonnent à leurs activités économiques et que la communauté internationale, et nous-mêmes, nous nous mobilisions pour des opérations de relèvement et d’investissements nécessaires à créer les conditions d’une vie normale dans cette zone parce que notre conviction, c’est que la meilleure façon de lutter contre les organisations terroristes, c’est de ne pas leur permettre de trouver des sanctuaires dans les zones d’où elles chassent les populations et leur donner également l’occasion de créer les conditions d’une économie criminelle qui leur permet de vivre à leur aise. Nous avons chassé ces terroristes de ces villages-là Nous allons les réoccuper et nous allons faire en sorte que ce soit les populations qui vivent de leurs économies plutôt que ce soient les terroristes qui en vivent. C’est une zone particulièrement riche parce qu’il y a deux cours d’eau importants, la rivière Komadougou, le lac Tchad lui-même. On peut faire beaucoup de pêche, beaucoup d’agriculture irriguée, un élevage comme on ne le fait pas ailleurs et ainsi de suite. C’est notre pari. Nous sommes en train de le réussir et nous irons jusqu’au bout de notre volonté. Nous lançons un appel pour que nous soyons soutenus. J’ai dit aux organisations humanitaires que si ces populations étaient déplacées parce qu’elles étaient en proie à une pression de Boko Haram, nous aurions eu beaucoup de personnes qui auraient manifesté leur solidarité, en considérant que ce sont des personnes à secourir. Mais lorsque nous, de propos délibéré, nous décidons de les ramener chez elles, qu’elles sont enthousiastes pour retourner, on ne s’intéresse pas trop à ce qui peut se passer et nous n’avons pas l’assistance attendue. Donc, j’ai dit qu’il faut considérer que ces populations sont dans les mêmes conditions de besoin d’une assistance d’abord humanitaire d’urgence et ensuite toute la communauté internationale doit se mobiliser pour soutenir une opération qui fait les choses à rebours de tout ce qui s’est passé jusqu’à présent, parce que c’est la seule façon pour nous d’affirmer notre autorité et de faire en sorte que nous réoccupions notre espace et que nous normalisions la situation de nos populations.

J’ai demandé au gouverneur de l’Etat de Borno de venir, et avec lui, nous nous sommes entendus pour que les populations du Nigeria, qui sont tout aussi pressées que les nôtres de retourner chez elles puissent avoir cette possibilité. Il a pris des engagements dans ce sens. C’est une personnalité d’un grand caractère, très sérieux et avec qui nous allons faire ce travail-là. Nous nous sommes fixés comme échéance le mois de novembre, décembre pour que tous les réfugiés du Nigeria qui sont sur le territoire de la région de Diffa retournent chez eux. C’est plus de 130 000 personnes, peut-être, dans plusieurs camps dans la région de Diffa, qui ont vécu jusqu’à présent du soutien de la communauté humanitaire. Voilà, monsieur le Président, une façon pour nous de mettre en œuvre, ce grand engagement que nous avons pris avec les autres pays du G5 Sahel à N’Djamena, de créer les conditions d’un sursaut civil qui ramène les populations chez elles. C’est ce que nous avons fait dans la région de Tillabéri, tant du côté de la frontière avec Menaka, au Mali, et qui concerne les populations du Zarmaganda, ainsi que les populations de Tillabéri, dans l’Anzourou et des populations à la frontière avec le Burkina, de Téra que nous avons ramenées, les dernières personnes déplacées dans cette zone, nous les avons ramenées hier. Il nous reste des populations qui ont quitté la zone de Inates qui sont vers Ayorou. Nous n’avons pas encore les conditions d’un rapport de force militaire favorable pour que nous les y ramenions. Le jour où nous en aurons créé les conditions, nous allons également les ramener et toutes ces populations sont enthousiastes pour retourner chez elles. Nous sommes désormais dans la perspective d’un autre paradigme tout à fait à l’opposé de la situation qui nous a été imposée jusqu’à présent.

S’agissant des perspectives de reconfiguration de l’opération Barkhane, telle qu’elle a été exposée par le chef d’état-major des armées françaises, évidemment que nous ne nous pouvons que souscrire à ce que la France est en train de faire parce que d’une certaine façon, nous, avec le recul de notre expérience, c’est aussi à peu près les leçons que nous avons tirées de l’expérience de Barkhane. Si nous y avons vu des défauts, c’est des défauts dans ce qui est sa voilure. Nous concevons en effet que cette voilure soit réduite parce que, tout simplement, il s’agit de comprendre à qui nous avons affaire comme ennemis sur le terrain et est-ce que nous avons besoin de tous les moyens qui sont caractéristiques de l’opération Barkhane aujourd’hui pour y faire face. Nous, nous pensons que, et je l’ai dit à l’occasion d’une interview que j’ai donnée avant que je sois investi comme président de la République, juste au lendemain de mon élection, j’ai dit que la nature de notre ennemi commande une autre coopération que celle déjà que nous pouvons mener aujourd’hui avec Barkhane. Et cette opération qui est en train d’être réalisée par la France nous paraît procéder d’une rationalisation de cet engagement et nous sommes absolument d’accord avec ce qui est en train d’être fait. L’essentiel étant que la France maintienne le principe de son appui, de sa coopération et de son soutien aux forces armées de nos différents pays. Nous avons besoin de la France dans ce qu’elle peut nous donner et que nous n’avons pas. Nous n’avons pas besoin de la France, de ce que nous nous possédons déjà. La France a des capacités de renseignement électronique qui ne sont pas en notre possession. La nouvelle configuration ne nous prive pas de cette possibilité. C’est donc quelque chose d’important. La France a des moyens aériens que nous nous n’avons pas et que complète notre action à nous que nous menons à terre. Et donc, par conséquent, cette dimension devant rester, nous considérons que ce sont les aspects de la coopération militaire française dont nous avons le plus besoin et qui sont maintenues. Le reste doit procéder de notre effort, de nous-mêmes et l’armée du Niger est organisée de façon à faire face à cette nouvelle situation. Et voilà donc, monsieur le Président, nous sommes totalement d’accord avec les perspectives telles que vous nous les avez expliquées et vous pouvez compter sur notre soutien à tous égards de ce point de vue, et merci beaucoup, monsieur le Président.

Emmanuel MACRON

Merci Président. On va maintenant prendre quelques questions.

Anne-Sophie BRADELLE

Merci monsieur. On va prendre des questions tout d’abord en salle, puis on partira en visio. Donc je vous propose d’en prendre 2 successives.

Journaliste

Merci. Ma question s’adresse au Président Emmanuel MACRON. Monsieur le Président, nous avons suivi avec intérêt l’exposé que vous avez présenté sur la reconfiguration de la force Barkhane, ce qui est intéressant, comme l’a dit le président Mohamed BAZOUM. Mais toujours est-il que jusqu’ici, le G5 Sahel, qui a un volet certes militaire, mais un volet développement, n’arrive toujours pas à financer ce côté développement. Je me souviens qu’en 2018, février 2018, précisément à Bruxelles, lors d’une réunion de mobilisation de partenaires, il a été mobilisé plus que ce qui est escompté en termes de promesse. Mais jusque-là, rien n’est arrivé à ces pays. Qu’est-ce qui bloque cela ? Et deuxième question, monsieur le Président : qu’est-ce que la France et l’Union européenne peuvent apporter comme appui au sursaut civil dont a parlé monsieur le président Mohamed BAZOUM ? Merci.

Anne-Sophie BRADELLE

Je vous propose de prendre une autre question en salle.

Journaliste

Bonjour. Est-ce que vous pourriez donner quelques précisions sur le plan, le nouveau dispositif ? C’est-à-dire combien de soldats français seront toujours présents au Sahel à la fin de l’année ? Quelles bases vont-elles fermer en premier ? Est-ce que les moyens aériens vont être augmentés ? Et une autre question à vous deux : est-ce que le format G5 est toujours le bon si la menace s’étend à l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest ?  Est-ce qu’il ne faudrait pas y ajouter d’autres pays comme la Côte d’Ivoire ?

Emmanuel MACRON

Sur le premier sujet qui a été évoqué, il y a le cadre et les financements. Le cadre, je vous rappelle en juillet 2017 à Bamako, nous créons l’Alliance pour le Sahel sur la politique de développement, à côté des forces conjointes G5 Sahel et nous y mettons l’effort de développement français, allemand de la Banque mondiale et nous associons le maximum de partenaires progressivement. A ce titre, je veux ici dire que dans toute la zone, l’Agence française de développement apporte ses projets et ses financements au-delà même de ceux des engagements qui avaient été pris et avec de vrais succès de projets, qu’il s’agisse du Mali, du Burkina ou du Niger. Simplement, ces projets ne peuvent se substituer au retour de l’Etat et des services de l’Etat. C’est la discussion qu’on a eue avec, par exemple, le président de transition GOÏTA et que j’ai vu avec celui-ci moi-même au téléphone la semaine dernière avec son prédécesseur. Vous pouvez faire tous les projets de développement que vous voulez. Si les services de l’Etat, si la justice ne revient pas, l’école et les services de base de l’Etat, vos projets ne durent pas longtemps, d’où l’importance d’actions comme celles que le président BAZOUM a détaillées à Diffa et qui sont essentielles. Donc ça, c’est le premier point sur lequel je veux attirer votre attention.

Ensuite, la conférence de Bruxelles en février 2018 dont vous avez parlé avait permis de mobiliser 414 millions d’euros, dont 100 millions de l’Union européenne et 76 millions d’euros des Etats membres, 100 millions de l’Arabie saoudite, 60 millions des Etats-Unis, 30 millions des Emirats Arabes Unis, 50 millions des pays membres du G5 Sahel. Plusieurs partenaires ont déjà consenti des efforts plus importants que ceux qui avaient été annoncés. Les Etats-Unis, par exemple, ont livré du matériel aux forces armées du G5 Sahel pour plus de 100 millions de dollars. La France a apporté un soutien multiforme : appui opérationnel permanent de Barkhane, le renseignement, l’accompagnement au combat, l’appui aérien, l’appui logistique, des cessions de matériels, des formations, mais aussi le déploiement de tous les projets, et même au-delà de ce qui avait été prévu par l’Agence française de développement. Sur la période 2017-2023, l’Union européenne a décidé d’appuyer le G5 Sahel à hauteur de 250 millions d’euros via la facilité de paix pour l’Afrique, auxquels viennent s’ajouter 16,5 millions d’euros de contributions volontaires des Etats membres. Nous en avons discuté, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite devraient concrétiser prochainement leurs engagements, plutôt sur la partie militaire, et l’Europe va continuer de mobiliser les facilités qui sont prévues pour accompagner le développement de ces projets. Certains partenaires, vous avez raison, ont mis du temps à faire de ces financements une réalité. Beaucoup de financements et d’accompagnements sont des réalités et on a même été au-delà, la France et plusieurs autres, de nos engagements initiaux. Mais qu’il s’agisse du volet militaire ou du volet développement, nous sommes au rendez-vous de ces engagements. On pourra en faire encore plus à mesure qu’il y a la partie politique qui est reprise en main par les Etats de la région, comme c’est fait aujourd’hui au Niger.

Sur la deuxième question qui est posée, nous ferons par étapes. Les six prochains mois seront consacrés justement à une organisation du passage, si on revoit la carte, de l’emprise Barkhane vers l’emprise Takuba et les partenariats. Je ne vous donnerai pas ici un calendrier précis pour des raisons simples de sécurité. Mais de manière très claire, c’est cette opération que nous allons conduire. Pendant tous les mois qui viennent, le nombre militaire français sur le terrain ne décroîtra pas pour des raisons simples qui sont des raisons de sécurité, d’acheminement. Ils feront simplement des missions qui sont différentes par rapport à aujourd’hui. Par contre, à terme, nous aurons sur le dispositif qui est ici décrit entre 2 500 et 3 000 hommes. En plus de cela, nous aurons les dispositifs sédentaires, par exemple en Côte d’Ivoire, les forces françaises en Côte d’Ivoire qui seront également en appui.

Mohamed BAZOUM

Oui, il y a une question qui nous est adressée à nous deux à laquelle je vais essayer de répondre. Le journaliste nous demande si on ne doit pas envisager le changement du format G5 parce que ce fléau est en train de s’étendre et de contaminer d’autres pays comme la Côte d’Ivoire. Très clairement, est-ce que le G5 ne pourrait pas être élargi à la Côte d’Ivoire et certainement à d’autres pays ? Vous savez, c’est quelque chose de tout à fait concevable parce que, après tout, le G5 Sahel est une coordination dans le cadre d’une espèce de pacte militaire entre des pays confrontés à une même menace. Sauf que dans la réalité, le terrorisme dont nous nous occupons, qui est parti du Mali à partir de mai 2012, pour le moment ne concerne que trois pays vraiment, à savoir le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Le Tchad, lui, il est affecté par le phénomène de Boko Haram, et en cela avec le Cameroun, le Nigeria et le Niger. La Mauritanie, elle, grâce à Dieu pour le moment, est épargnée de tout cela. Lorsque, évidemment, le phénomène s’élargit, comme c’est le cas, on pourrait un jour envisager, en effet, que cette organisation de la solidarité et de la coordination entre des pays qui font face à une même menace s’élargisse à d’autres pays. Pour le moment, nous n’en avons jamais parlé, nulle part, même au sein de la Cédéao. Il y a une structure qui a été créée entre un certain nombre de pays que sont la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin, me semble-t-il, avec laquelle nous avons une certaine relation qui n’est pas tout à fait organique pour le moment, mais oui, le principe ne doit pas être exclu. Sauf qu’il faut faire en sorte que le G5 soit déjà viable. Il faut faire en sorte que nous puissions faire un peu ce que nous venons de faire avec le Burkina Faso. C’est la première fois que ça se fait. Si le Mali était dans un état où on aurait pu envisager ce genre de choses, je suis sûr que nous les aurions faites depuis très longtemps. Ce serait ça, plutôt, le sens du travail à faire dans le cadre du G5 Sahel qu’autre chose. Par conséquent, je déduis que s’il doit y avoir un élargissement, ce que je conçois tout à fait, il doit être précédé par une rationalisation de notre action dans le cadre de la coordination de ce que nous faisons ensemble pour qu’un élargissement ait vraiment tout son sens. Voilà un peu la réponse que j’aimerais apporter à la question.

Anne-Sophie BRADELLE

Nous allons prendre maintenant deux questions de Ouagadougou, puis Bamako.

Journaliste

Monsieur le Président, j’ai une question à deux volets, un volet sécuritaire et un volet politique. Le premier volet, six ans après la création du G5 Sahel, Monsieur le Président, il y a eu certes des victoires, comme vous l’avez souligné, mais désormais, on assiste à un enlisement de la situation au Sahel avec des territoires qui sont occupés par des groupes terroristes qui dictent leur loi. À l’heure où je vous parle, Monsieur le Président, des milliers d’éleveurs ont perdu leur bétail, des milliers de paysans ne pourront pas aller cultiver. Vous avez parlé des écoles qui ont fermées, vous avez parlé des centres de santé, mais les éleveurs et les agriculteurs, soit ils mourront de faim ou ils rejoindront les groupes terroristes. Je vous pose une question, Monsieur le Président, que le citoyen lambda se pose au Sahel sans être un anti-français, c’est des gens qui vous aiment très bien pour vos actions. Comment, malgré aujourd’hui un déploiement militaire sans précédent au Sahel, avec des équipements de pointe, des drones, des avions de chasse, des hélicoptères, le terrorisme, au lieu de reculer, avance au contraire ? On voit des colonnes de terroristes, des centaines de terroristes se déplacer dans le Sahel et attaquer des cibles militaires et civiles. Inates au Niger, Boulikessi au Mali et Solhan au Burkina sont les cas les plus emblématiques. Qu’est-ce qu’il se passe, Monsieur le Président ? La coopération entre l’armée française et leurs partenaires du Sahel est-elle sincère véritablement sur le terrain ? Le volet politique de ma question, Monsieur le Président : vous avez salué l’élection du président Mohamed BAZOUM, un fin connaisseur des questions sécuritaires, vous avez salué donc la vitalité de la démocratie, qui est une très bonne chose. La gouvernance démocratique, c’est l’un des axes majeurs au G5 Sahel, sauf que désormais, à la crise sécuritaire est venue se greffer une crise politique et institutionnelle au Sahel. On a vu le coup d’État au Tchad et un coup d’État au Mali, mais sauf que vous n’avez pas eu la même réaction sur ces deux cas. Vous avez condamné le coup d’État au Mali et vous avez dit que c’est un coup d’État dans un coup d’État, qu’il était inadmissible et le Mali a été victime de sanctions injustes par la Cédéao parce qu’aucun texte, ce texte ne prévoyait pas ces sanctions. Pourquoi y a-t-il eu du deux poids, deux mesures, Monsieur le Président, pour le Tchad et le Mali ? Est-ce que votre position sur le Tchad n’était pas un précédent dangereux pour l’ensemble des pays du Sahel ? Merci, Monsieur le Président.

Journaliste

Alors, ma question s’adresse au président Emmanuel MACRON. Nous avons deux questions. La première, c’est qu’en sept ans d’existence, nous avons assisté à une dégradation de la situation sécuritaire au Mali. Vous dites qu’il va y avoir une évolution de l’emprise de la force Barkhane plutôt vers la force Takuba. Ne pensez-vous pas que la situation va aller plutôt vers une dégradation, particulièrement parce que ces forces étrangères qui viennent d’arriver, qui ne sont pas la force Barkhane, sont moins imprégnées des défis sur le terrain que la force Barkhane ? La deuxième question, ça concerne… À ce jour, avez-vous ​​une connaissance, une convergence de vues avec le président Assimi GOITA ? Merci.

Emmanuel MACRON

Sur quel sujet ?

Journaliste

Sécuritaire.

Emmanuel MACRON

Très bien.

Emmanuel MACRON

Oui.  Alors, sur les questions de Ouagadougou posées depuis Ouagadougou et qui rejoint pour partie celle de Bamako, me permettrais-je d’abord de vous faire remarquer qu’il n’y a pas de présence de Barkhane à proprement parler sur votre sol. Je pense que c’est un point qu’il est toujours bon de rappeler et les dégradations que vous observez sur le plan sécuritaire ne sont imputables ni à la présence ou à l’action de Barkhane, puisque nous n’y sommes pas. Cela montre quoi ? Un terrorisme qui descend vers le sud et depuis plusieurs années sur le sol burkinabé. La difficulté de mener plusieurs opérations complexes, mais surtout des groupes terroristes qui prennent une autre forme. Parce que, soyons clairs, les phénomènes que nous voyons de plus en plus sur le sol burkinabé sont des phénomènes où les terroristes vont convaincre des gens qui sont dans la grande pauvreté sur une base, je dirais, ethnique et/ou économique. L’absence de perspectives économiques crée en quelque sorte du potentiel de recrutement pour les terroristes et les tensions ethniques qui ont pu exister, créer du potentiel de recrutement. C’est ce qui se passe et donc ce qui a donné en quelque sorte aux groupes terroristes les plus structurés, les plus militarisés, la possibilité d’avoir des proxys qui sont des populations civiles armées. Ceci s’accroît avec la diffusion des armes de guerre dans toute la région. Mais est-ce qu’on parle là de groupes terroristes entraînés, endoctrinés et surarmés ? Non. On a différentes strates aujourd’hui d’actions qui sont dans la région. Je considère que ce phénomène est un problème, mais qui ne se règle pas que par le militaire. Il doit se régler par le militaire et c’est avant toute chose un problème du Burkina Faso puisque le Burkina a fait le choix de le régler avec ses armées propres et d’ailleurs, y compris dans les discussions qu’il y a pu avoir au sein des forces conjointes du G5 Sahel et de la régulation, le choix a été fait à plusieurs reprises par le Burkina de limiter les opérations conjointes et de garder des opérations propres sur son sol. Et donc c’est une question que vous avez à poser à vos dirigeants, mais dont je n’ai pas à répondre.

La deuxième chose, votre exemple, a parfaitement démontré qu’on ne répond à ce phénomène du terrorisme que par une armée qui est bien entraînée et qui sait contrecarrer ces phénomènes, d’où notre volet coopération, par des actions ciblées de lutte contre le terrorisme, d’où notre volet lutte contre le terrorisme sur les cibles les plus hautes, mais surtout par un retour de l’État et des services. Parce que dans toutes les régions que vous avez évoquées, c’est un drame aujourd’hui pour le Burkina, ce sont les perspectives éducatives ou économiques qui permettent d’éviter le recrutement des terroristes. Et ce n’est pas plus ou moins de Barkhane ou de que sais-je. Quand un éleveur n’a plus de ressources, en effet, il peut être tenté d’aller vers le terrorisme. Quand, à cause du terrorisme, il n’a plus de perspectives économiques, c’est un cercle sans fin. Quand on a des milliers d’écoles qui ferment à cause des terroristes, on se prépare une génération dans un état dramatique. Et ça, c’est par le retour de l’État et des services de l’État. Comme je le disais, nous avons, durant les deux dernières années par l’action conjointe de Barkhane et de la force conjointe G5 Sahel, évité qu’un califat territorial ne se constitue, ce qui était l’objectif initial. On a réussi cela. Mais on ne peut pas demander aux forces armées, qu’elles soient d’ailleurs régionales ou internationales, de faire le travail d’une politique de retour de l’État ou d’une politique de développement. On se trompe. Si le président nigérien ne fait pas ce qu’il est en train de faire à Diffa ou ailleurs, immanquablement les terroristes reviendront sur son sol. Dans la zone des trois frontières, c’est exactement ce que nous voyons aujourd’hui. Donc je partage votre diagnostic, mais je ne partage pas votre analyse parce que d’abord, les troupes françaises, à l’exception de nos forces antiterroristes de lutte contre le terrorisme ciblé, ne sont pas sur le sol burkinabé. Ensuite, parce que la problématique est celle que je décrivais tout à l’heure, en quelque sorte d’une présence terroriste qui existe sur des modes dégradés et d’un travail qui est le militaire à faire par chaque État, le militaire à faire par les sahéliens, le militaire que nous devons faire et qui doit être beaucoup plus concentré sur la lutte contre le terrorisme et la part qui revient au retour de l’État et aux politiques de développement. Au-delà de cela, la coopération qui est la nôtre est une coopération sincère. Nous travaillons étroitement avec tous les Etats qui demandent notre partenariat, mais je pense qu’elle doit à chaque fois savoir évoluer comme nous sommes en train de le faire. Sur le Tchad et le Mali, je veux vous confirmer que les situations sont profondément différentes. Au Tchad, nous avons assisté à une armée rebelle qui a abattu un dirigeant quelques mois après son élection et une transition qui s’est faite avec le président de l’Assemblée nationale qui a rendu le pouvoir à un comité militaire de transition. Il n’a pas été emprisonné. Il n’a pas subi de pression militaire. Il a, en tant que président de l’Assemblée nationale, dépositaire de ce pouvoir par la Constitution tchadienne, remis son pouvoir à une transition. Nous étions d’ailleurs présents avec l’ensemble des dirigeants du G5 Sahel, avec l’Union africaine le matin même des funérailles officielles du feu président Idriss DÉBY Qu’est-ce que nous avons dit ? Un, évidemment, c’est un drame parce qu’un dirigeant élu a été tué. Il y a une transition. Elle n’est pas dans son lit constitutionnel de par la volonté des parties tchadiennes. Nous le constatons, ce qui nous met mal à l’aise, mais nous le constatons. Trois, cela doit être une transition. Elle doit être limitée dans le temps, répondre à une charte, faire l’objet d’une surveillance de l’Union africaine et être inclusive politiquement. Quand, une semaine plus tard, des émeutes ont été réprimées à N’Djaména, je me suis exprimé avec la plus grande clarté aux côtés du président TSHISEKEDI pour dire que nous condamnions ces émeutes et j’ai même eu cette formule : une transition n’est pas une succession. Je constate qu’ensuite, la transition tchadienne, en nommant un premier ministre et surtout un gouvernement et en mettant en place un processus politique, a commencé à élargir. J’ai reçu en début de semaine le président de transition, et la volonté est bien d’avoir un dialogue inclusif et de se tenir, il me l’a réaffirmé, à la durée de temps qui lui a été donnée par l’Union africaine et à laquelle il s’est engagé lui-même et de respecter la charte selon laquelle il ne serait pas candidat à une élection. Nous restons très vigilants. C’est surtout le travail de l’Union africaine de le faire. Mais la France, en tant que partenaire, à proprement parler aussi partenaire militaire, sera vigilante pour que tous les principes que j’ai à chaque fois réaffirmés, soient tenus.

Pour ce qui est du Mali, cela n’a rien à voir puisqu’il s’agit d’un coup d’État militaire mené à l’été dernier, se déroulant par l’emprisonnement, je vous le rappelle, du président élu, de sa famille, d’une bonne partie du gouvernement. Suite à quoi un cadre a été donné par la Cédéao. S’en est suivi un coup d’État dans le coup d’Etat ne respectant pas les préconisations de la Cédéao. Pour ma part, je considère que l’on est dans une situation profondément différente. J’ai eu l’occasion de le dire. Je regrette la décision de la Cédéao. S’il y a un précédent qui est créé, il est par la décision de la Cédéao, qui a reconnu au deuxième coup de boutoir le putsch d’un colonel. C’est cela la difficulté à laquelle on est aujourd’hui confronté. Je respecte cette décision. Je ne suis pas membre de la Cédéao, mais j’ai suspendu, tant que je n’avais pas les garanties, les opérations conjointes. Ayant eu les garanties de la part de la transition malienne, nous avons repris des opérations conjointes, mais nous avons une approche extrêmement prudente, car la situation me préoccupe sur le plan politique et je considère que c’est aujourd’hui la responsabilité de la Cédéao et de l’Union africaine de s’assurer que, justement, la transition respecte bien tous les principes qui ont été fixés. Au vu de l’expérience des 10 derniers mois, j’ai plutôt de la défiance. Néanmoins, la situation sécuritaire pour les Maliennes et les Maliens et les conséquences que cela peut avoir sur l’ensemble des partenaires de la région me conduisent à l’esprit de responsabilité et à continuer à nous engager dans la lutte contre le terrorisme. Et même si j’ai condamné ces deux putschs, ce putsch puis ce coup d’Etat, et même si je vous parle avec franchise sur l’analyse que je fais de la situation, nous sommes néanmoins engagés militairement parce que nous considérons que la lutte contre le terrorisme est importante vis-à-vis du peuple malien et elle est importante pour tous les partenaires de la région.

Ensuite sur l’évolution des forces, je veux ici vous rassurer, les forces qui sont associées seront intégrées à des unités de forces conjointes et de forces spéciales. Et donc ça n’est pas du tout le même travail que les forces Barkhane aujourd’hui. Ce qui est important, c’est qu’on ait en effet une connaissance du terrain dans toutes les actions de coopération et de réassurance, qui était la deuxième catégorie que j’évoquais. Là, il faut des militaires qui restent, qui connaissent et qui savent travailler de manière partenariale avec les armées africaines et en particulier sahéliennes, qu’il s’agisse des actions de formation, d’accompagnement ou autre. C’est différent pour des actions de forces spéciales. Mais je veux ici aussi le redire, la France restera la nation cadre de cette Task force TAKUBA avec plusieurs centaines dans le contingent ainsi conduit.

Sur le colonel GOÏTA, je crois que j’ai pu assez clairement exprimer des désaccords au dissensus que je pouvais avoir puisque vous m’interrogez sur des convergences de vues en matière sécuritaire. Écoutez, nous avons en tout cas défini le cadre de la coopération entre nous, lutter contre les terroristes sans ambiguïté, qu’un travail politique puisse se conduire avec des groupes qui sont non terroristes, mais qui sont aujourd’hui des groupes guerriers à côté de l’Etat pour les réinclure dans un dialogue qui soit politique et militaire, c’est une très bonne chose. Assurer le retour de l’Etat dans toutes les régions où il est absent, comme Kidal et ailleurs, c’est une très bonne chose. Avoir de la vigilance sur le plan sécuritaire, c’est une préoccupation partagée. Et donc, je peux dire que sur ce point, nous avons des éléments, les premiers éléments de convergences, il nous appartient maintenant de les mettre en œuvre.

Journaliste

Je vais aussi compléter le Président MACRON sur deux des questions qui lui ont été adressées. Pardonnez-moi de répondre à des questions que vous ne m’avez pas posées. Non, franchement, j’entends souvent les Africains se plaindre de ce que le Sahel fait l’objet de grands débats et puis de forces importantes extérieures qui opèrent, mais sans que cela ne donne de résultats. Cela ne donne pas de résultats. Et je suis chef d’État. Je veux vous le dire, cela ne donne pas de résultats parce que pour le moment, ce sont nos armées qui n’ont pas été à la hauteur de la situation. Je ne conçois pas que c’est la vocation de la France ou de son armée ou la vocation de l’armée de quelques autres pays de venir faire la guerre à notre place.

Nous avons à faire en sorte que nos forces soient efficaces, qu’elles soient bien entraînées, qu’elles soient bien équipées. C’est leur tâche à elles. Elles l’accomplissent avec beaucoup de courage, mais elles sont en train d’apprendre et elles sont en train d’améliorer leur niveau. Et à mesure que le temps va passer, vous verrez, elles seront aguerries et leur réponse sera à la hauteur du défi que leur pose le terrorisme. Entre nos résultats, il y a de cela 3 ans, 4 ans, en tout cas au Niger, et ce doit être pareil ailleurs et nos résultats aujourd’hui, les choses ont considérablement changé.

Je voudrais que les Africains comptent sur leurs armées d’abord, et les autres peuvent seulement venir en complément et je l’ai dit tout à l’heure, ce que nous nous n’avons pas, tout simplement, c’est une question de moyens financiers. Et quand nous nous adressons à nos partenaires, nous leur demandons davantage des équipements et des financements de notre guerre par nos propres forces, mais pas qu’ils se substituent à nous. Donc, 5 000 soldats français sur le territoire du Mali ne vont pas régler le problème du Niger, du Burkina, de Côte d’Ivoire et d’ailleurs, c’est très clair. Il faut que nous le sachions.

Deuxièmement, je suis aussi interpellé quand même par la question posée au Président MACRON relative aux situations du Tchad et au Mali. Le Niger, membre du G5 Sahel, a validé la situation de fait qui a résulté de l’assassinat du maréchal d’Idriss DEBY ITNO. Nous aurions pu nous dire, dans le cadre de l’Union africaine, qu’il s’agit d’un coup d’Etat, mais ce serait simplifier les choses que de réagir comme ça parce que si lorsque le maréchal avait été tué, que les débats avaient consisté à dire : il faut mettre en place une transition de 90 jours, appliquer la Constitution et faire en sorte qu’on ait un président élu dans les 90 jours prévus par la Constitution alors que le pays était agressé de l’extérieur, on le sait, et n’étant pas sûr de la cohésion de l’armée, de l’état de son moral, de ses capacités à faire face à cette situation. Si c’est la Constitution dans sa lettre qui devait être appliquée, il y avait des risques que ce pays, qui constitue un pôle de stabilité dans notre zone, bascule aussi dans l’instabilité même si nous devrions considérer qu’il s’agit d’un coup d’Etat, la raison commune est que nous fassions le pari qu’à la faveur de cette transition pour laquelle nous avons exprimé notre point de vue et demandé de faire les choses conformément à certain nombre d’objectifs qui nous ont été promis et sur lesquels nous sommes en train de marcher, qu’on envisage donc une transition qui permette un dialogue et qui fasse en sorte que le Tchad ait peut-être un nouveau départ.

C’est le pari que nous avons fait pour la stabilité de notre région. Nous aurions pu être très à l’aise pour dire que “C’est un coup d’Etat, nous le condamnons.” Et après ? Qui va faire face aux colonnes de rebelles ? Et si elles prenaient jusqu’à N’Djamena et qu’il y a une guerre civile, quels vont en être les résultats, qui va appliquer la constitution à ce moment ? Quelle est la modalité de l’application de la constitution ? C’est autant de questions complexes que nous nous sommes posées et qui ont présidé à notre décision de dire « on fait le pari avec les militaires ». Et c’est le travail de suivi que fait l’Union africaine aujourd’hui. Par contre, au Mali, il y a une charte. Il y a le Protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie que le Mali a souscrit en même temps que nous dans le cadre de la Cédéao, qui prévoit que lorsqu’il y a un coup d’Etat, on prenne un certain nombre de mesures qui consistent notamment dans l’exclusion de ce pays des instances de la Cédéao.

C’est ce que nous avons demandé au sommet que nous avons tenu à Accra, et nous n’avons pas été d’accord avec ceux des chefs d’État qui pensaient que ce n’est pas bien, on ferme les yeux. Nous avons dit “Nous, nous sommes partisans de l’Etat de droit.” L’État de droit prévoit quelque chose de très précis. Ici, il s’agit de l’appliquer. Les mesures de fermeture de frontières et tout le reste, Monsieur le président, ça n’existe pas dans le traité de la Cédéao. Voilà pourquoi nous, Niger, nous n’avons pas préconisé cela, mais nous avons été intraitables quant à mettre en œuvre les dispositions prévues par la Cédéao. Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que des colonels deviennent des ministres, deviennent des chefs d’État. Qui va faire la guerre à leur place ? Ce serait facile qu’à chaque fois qu’une armée dans nos pays a des échecs sur le terrain, elle vienne prendre le pouvoir. C’est ça qui s’est passé par deux fois au Mali. En 2012, les militaires avaient échoué, ils sont venus faire un coup d’Etat. Cette année encore, en 2020, ils ont fait la même chose. Ce n’est pas des choses acceptables et nous avons pris les mesures de sanctions prévues par la Cédéao, par le traité de la Cédéao. Nous ne sommes pas allés au-delà. En tout cas, nous, nous n’avons pas été d’accord qu’on aille au-delà. Mais nous avons exigé que cela soit respecté parce que c’est ça l’exigence de l’Etat de droit.

Anne-Sophie BRADELLE

Merci. Nous arrivons à la fin de cette conférence de presse, nous vous remercions tous.