Le ministre de l’Energie, des Mines et des Carrières, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, a déclaré que chaque année, le Burkina Faso perd «des milliards à cause du fait que le coût du kWh n’est pas compétitif», à l’ouverture de la 16e Assemblée générale du Système d’Echanges d’Energie Electrique Ouest Africain (EEEOA/WAPP), à Ouagadougou, le vendredi 5 novembre 2021. Pour le ministre Bachir Ouédraogo, cette rencontre de haut niveau de l’EEEOA, institution chargée de promouvoir l’énergie dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), doit beaucoup aider les pays de l’espace «à travailler à ce que l’énergie puisse être accessible à tous et à tous les niveaux pour soutenir le développement». Ce sont trois milliards de dollars US qui ont été soumis aux Partenaires Techniques et Financiers (PTF) du WAPP.
Depuis lundi, experts et es Partenaires Techniques et Financiers de l’EEEOA sont dans la capitale burkinabè où ils ont tenu une réunion en prélude à la 16e AG de l’institution. Le ministre burkinabè en charge de l’Energie, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, représentant du parrain de l’AG, le président du Faso, Roch Kaboré, a ouvert l’activité.
«La survie des pays de CEDEAO viendra de l’intégration énergétique»
Dans son allocution, M. Ouédraogo a fait observer que les chiffres montrent que la consommation globale de l’électricité par personne et par an dans le monde est de «3 081 kWh» contre «500 kWh par personne et par an en Afrique». Mais, l’Afrique de l’Ouest est «encore plus à la traine». «Près d’un milliard de personnes dans le monde vivent sans électricité avec autour de 770 millions pour l’Afrique. L’Afrique de l’Ouest à encore le pourcentage le plus élevé », a-t-il poursuivi, relevant le paradoxe à savoir que «nous avons en Afrique une population très jeune avec le taux de croissance le plus élevé au monde mais nous avons le continent qui a le moins accès à l’électricité».
Le représentant du parrain de la 16e AG de l’EEEOA a cité en exemple les pays comme la Chine, la Russie ou l’Allemagne qui grâce à leurs réseaux interconnectés, arrivent ainsi à soutenir leur développement et notamment leur économie puisqu’ils ont une électricité moins chère, accessible à tous. «Tous les continents ont développé des mécanismes d’interconnexion permettant à leurs populations d’avoir accès à un coût du kilowattheure moins cher, développant leur industrie, permettant aux jeunes d’avoir des emplois décents. Et nous devons nous aussi sur le continent africain prendre leur exemple », a-t-il demandé.
Il a salué de ce fait l’EEEOA pour «l’excellent» travail qu’il est en train de faire sur le terrain car l’insuffisance de l’électricité est un frein au développement de notre industrie. «Chaque année, ce sont des milliards que nous perdons parce que nous n’avons pas un coût de kWh compétitif», a regretté Bachir Ouédraogo, pour qui, «la survie des pays de l’espace viendra de la coopération notamment de l’intégration énergétique des différents pays qui ont chacun ses potentialités qui doivent être exploitées. Que ce soit en hydro, solaire ou gaz que chaque pays travaille à avoir accès à un marché régional plus grand pour que nos investissements puissent résulter sur les économies», a souhaité M. Ouédraogo.
Le ministre burkinabè en charge de l’Energie a demandé que «chaque pays, que ce soit les vendeurs ou les acheteurs, respecte ses engagements. Que les pays qui achètent paient pour permettre à ce que les investissements puissent se rembourser mais aussi que les pays qui doivent vendre puissent respecter leur engagement. C’est seulement en respectant nos engagements que nous allons avoir une fiabilité et une crédibilité qui permettront le développement du marché sous régional de l’électricité», a-t-il affirmé, insistant que «nous avons le continent qui a le kilowattheure le plus élevé mais paradoxalement nous sommes le continent qui a le plus de ressources».
Selon M. Ouédraogo, «nous sommes dans un monde de plus en plus interconnecté et le 21e siècle est celui où tout le monde devait avoir de l’énergie», voulant que les pays de la CEDEAO quittent les paradigmes qui voudraient que les nations puissent «produire en fonction de la demande mais que l’offre puisse dépasser la demande». «C’est en cela que les excédents pourront être revendus mais aussi c’est en cela qu’avec la compétitivité, que nous allons tirer le coût du kilowattheure vers le bas», a-t-il soutenu, faisant remarquer que «l’électricité est le bien le plus consommé dans nos ménages. Et donc un ménage connecté est un ménage qui devra consommer l’électricité jusqu’à la fin de ses jours».
Pour le ministre burkinabè, le monde aujourd’hui a les capacités financières et la technologie de haute pointe pour travailler à une offre énergétique plus intéressante. «Donc nous devons travailler à ce que tous nous ayons accès à l’énergie et cela devrait être une obligation pour tous les pays. Si nous voulons aujourd’hui lutter contre la faim, si nous voulons avoir une agriculture qui est prospère, nous devons travailler à ce que l’énergie puisse être accessible à tous et à tous les niveaux», a conclu Dr Bachir Ismaël Ouédraogo.
L’interconnexion électrique des Etats continentaux de la CEDEAO prévue pour 2023
« Comme vous le savez, le développement des infrastructures de production et de transport d’énergie électrique en vue d’accroître l’accès des populations aux services électriques demeure l’une des priorités de la CEDEAO, qui a très tôt perçu le rôle crucial de l’énergie comme moteur de croissance durable et d’amélioration des conditions de vie des populations», a signifié le commissaire de la CEDEAO chargé de l’Energie et des Mines, Sédiko Douka.
Selon lui, les différents plans directeurs de la production et du transport d’énergie électrique de l’institution sous régionale, élaborés par la suite, ont permis de poser les jalons «d’un vaste programme d’investissement basé sur l’exploitation commune des ressources énergétiques en vue de réaliser des économies d’échelle et d’assurer un approvisionnement fiable, disponible et bon marché dans l’ensemble de la région».
La CEDEAO envisage «l’interconnexion électrique de tous (ses) Etats continentaux en 2023», a dit son commissaire en charge de l’Energie et des Mines de la CEDEAO, ajoutant qu’à partir de cette échéance, le marché régional de l’électricité deviendrait une réalité, c’est-à-dire, «l’on peut vendre et acheter l’énergie à n’importe quel point de la région».
«Nonobstant ces réalisations, deux défis majeurs nous sont encore encastrés : il s’agit d’abord de fournir une électricité de bonne qualité, sans interruption et à un prix abordable aux abonnés actuels. Il s’agit ensuite d’accroître le taux d’accès de l’électricité pour atteindre l’accès universel dans un futur proche», a souligné Sédiko Douka, encourageant les gestionnaires des sociétés de services publics de l’électricité et les PTF à qui il a exprimé son soutien pour leurs actions qui contribueront à l’atteinte de l’objectif de la CEDEAO.
M. Douka dit souhaiter qu’au sortir des assises qui se sont déroulées cinq jours à Ouagadougou «puissent permettre de prendre des décisions en vue d’améliorer la fourniture de l’électricité à moindre coût et de meilleure qualité».
Trois milliards de dollars US ont été soumis aux bailleurs de fonds
Le secrétaire général de l’EEEOA, Apollinaire Siengui Ki, a précisé que «trois milliards de dollars US ont été soumis aux bailleurs de fonds» pour accompagner les projets de la structure. «Bien qu’impactée négativement par la pandémie de la Covid-19, l’exécution des travaux des projets dont la fin devrait permettre le démarrage de la phase compétitive du Marché régional de l’électricité de la CEDEAO a plutôt bien progressé cette année, ce qui permet d’envisager avec un grand optimiste, la fin des travaux en 2022», a rassuré M. Ki.
Le West African Power Pool (WAPP) «a enregistré des réalisations significatives durant les 12 derniers mois dans l’exécution des projets prioritaires du Plan directeur de la CEDEAO pour le développement des Moyens régionaux de production et de transport d’énergie électrique et aussi dans le traitement de sujets d’intérêt régional relevant de son ressort», a affirmé son SG, Apollinaire Ki. «A titre d’exemple, nous citerons tout d’abord le début de l’exécution des travaux de la Dorsale Nord du WAPP avec les premières signatures de contrats de travaux et le démarrage des activités du Plan d’action de réinstallation (PAR)», a cité M. Ki.
«Il faut dépolitiser les choses et traiter tous les acteurs de la même façon»
Le représentant des Partenaires Techniques et Financiers, Jan Friedrich Kappen, a invité l’assemblée à «ne pas perdre de vue la dimension profondément humaine du marché régional de l’électricité». Il a également demandé que les uns et les autres de par leur pays travaillent à maintenir et renforcer la confiance dans les affaires commerciales. «Il faut dépolitiser les choses et traiter tous les acteurs de la même façon, et surtout pour la production et transport, il faut penser à long terme et à moindre coût en ce qui concerne la planification, la production et le transport», a-t-il ajouté avant de souligner que «le leadership de l’EEEOA reste l’élément crucial pour y arriver» à un marché régional de l’énergie «fiable et crédible».
Le directeur général de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL), Baba Ahmed Coulibaly, a salué la «perspicacité de (leur) dynamique ministre de l’Energie, des Mines et des Carrières, le Dr Ismaël Ouédraogo qui a usé de toute son influence auprès des plus hautes autorités de notre pays pour non seulement répondre favorablement à la sollicitation de l’EEEOA mais surtout que nous puissions bénéficier de tout l’appui nécessaire pour relever le défi de l’organisation de cette importante rencontre au Burkina Faso».
Pour M. Coulibaly, on a plus besoin de démontrer l’importance de l’Assemblée générale de l’EEEOA qui est l’instance suprême de décision de l’EEEOA, souhaitant bon travaux aux participants de cette rencontre qui se tient autour du thème : «Opérationnaliser le marché de l’électricité dans un environnement de défis ».
Par Bernard BOUGOUM