Le colonel Assimi Goïta et son gouvernement de transition donnent le tournis à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Et ce n’est pas Goodluck Jonathan, l’arbitre de ce match sans fin entre l’organisation sous-régionale et le Mali, qui dira le contraire. L’ancien chef de l’Etat, qui ne sait plus combien d’aller-retour il a effectués entre son Nigeria natal et Bamako, pour porter le message de ses anciens pairs au colonel putschiste de Kati, ne se fait plus guère d’illusion sur l’entêtement des militaires à garder un pouvoir qu’ils ont arraché, le 18 août 2020, à son ancien titulaire, Ibrahim Boubacar Kéïta. Les hommes en kaki ont même réitéré le coup de force, en mai 2021, pour prouver qu’ils étaient les seuls maîtres à bord, avant de tomber définitivement les masques, en prolongeant, par le biais d’Assises nationales pour la refondation de l’Etat (ANR), la durée de vie de la transition politique, la faisant passer de 6 mois à 5 ans.
Le médiateur de la CEDEAO, et les têtes couronnées de la sous-région, n’en croient toujours pas leurs oreilles, eux qui tenaient à ce que le pouvoir revienne aux civils dans le plus court délai, par des élections dont le deadline était fixé au 27 février 2022. Du reste, le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, qui est constitué de ce que le Mali compte de partis politiques et mouvements les plus crédibles, et qui s’étaient tenus loin de la grande foire des ANR, n’a pas mis du temps à rugir. Vent debout contre ce nouveau chronogramme, ils le rejettent vigoureusement, car, en plus de «violer», selon eux, la charte de la transition, il est «unilatéral et déraisonnable». Avis partagé par le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, auprès de qui, comme d’autres dirigeants de la sous-région, les émissaires du colonel putschiste, se sont rendus pour défendre la proposition de donner cette longévité inouïe à la transition. Un régime d’exception qui aura vécu plus qu’un pouvoir élu par le peuple pour le quinquennat constitutionnel classique.
Assimi Goïta, sans doute, se permet de défier la communauté internationale, fort de sa côte de popularité qui a grimpé, non pas parce que son peuple l’aime plus qu’un IBK dont il a accéléré la chute, mais simplement à cause du sentiment anti-français qui continue de croître sur les bords du Djoliba, nourri par le penchant des nouveaux maîtres de Bamako pour la Russie. Une idylle qui est loin d’être du goût de la France, affublée du péché originel d’ancienne nation colonisatrice, mais non plus du Canada, des Etats-Unis, et de pays européens, dont au moins quatorze viennent de déclarer la guerre contre l’installation au Mali, de Wagner. En effet, la société russe est taxée d’exactions qui entachent profondément le respect de la vie humaine et la liberté des droits humains. Toutefois, conscientes des conséquences de cette union contre-nature pour la démocratie, les autorités maliennes nient l’implantation des «mercenaires» russes sur leur sol.
Le pouvoir de la transition relève qu’il a recours à des instructeurs russes, dans le cadre de la coopération classique entre leur pays et la Russie. Wagner n’est pas au Mali, a donc dit Bamako, malgré les affirmations de sources locales et sécuritaires internationales qui soulignent la présence des éléments de Wagner, entre 300 et 350, sur le territoire malien. Soldats dont certains auraient été vus dans l’accrochage qui a opposé, ce lundi, dans la région de Bandiagara, l’armée malienne aux combattants de la katiba Macina, proche du Jnim, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans.
Comme un bégaiement de l’histoire, se pose, une fois de plus, pour l’Afrique dans sa marche balbutiante sur les chemins de la démocratie, le souci des militaires «balayeurs», qui, après avoir accompli leur action de salubrité, s’installent pour de bon dans «la maison propre». Eternel recommencement pour le continent, et pour les pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’ouest (UEMOA) et de la CEDEAO, dont les dirigeants se réuniront, en principe, en sommet extraordinaire sur le Mali, ce dimanche 9 janvier. Que pourra cette CEDEAO à double vitesse qui ne réagit pas avec la même détermination contre ses chefs d’Etat membres qui oppriment leurs peuples et s’adonnent à des 3e mandats en charcutant la constitution de leurs pays? En tout cas, la veille de cette rencontre, les Maliens, eux, ou du moins les anti nouveau chronogramme, eux projettent un rassemblement dans la capitale, pour dire, une fois de plus, leur refus de cette prolongation.
Par Wakat Séra