Comme le 31e et avant lui le 30e que 29 autres ont précédé, le 32e sommet de l’Union Africaine vient de tirer ses rideaux à Addis-Abeba. L’expression des rideaux qui tombent sur la scène sur laquelle le Rwandais Kagame a passé le témoin à l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi, ne saurait mieux tomber, tant les acteurs, encore un mot qui rapproche du théâtre, étaient merveilleusement bien dans leur peau de touristes aux frais de la princesse. Contrairement aux pères de l’unité africaine qui manifestaient une vision réelle de développement du continent noir dans une démarche de panafricaniste convaincus. Mais de l’Unité africaine à l’Union africaine, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, renforçant le caractère presque folklorique de ces rencontres au sommet qui dans une hypocrisie généralisée se suivent et se ressemblent. Certes, la solennité a toujours été de mise et les ordres du jour scrupuleusement élaborés et discutés. Mieux, les décisions finales et autres recommandations sanctionnent toujours ces sommets qui sont devenus la chose des dirigeants qui ont des agendas très élastiques où sont en quête de reconnaissance. La plupart des «grands» n’y vont que lorsqu’ils ont une cause personnelle à défendre. Le Camerounais, Paul Biya, le Marocain Mohamed VI, l’Algérien Abdel Aziz Bouteflika, ou encore le désormais président de l’UA, l’Egyptien al-Sissi, pour ne citer que ceux-là, détenaient la palme d’or des absents réguliers.
Malgré ses insuffisances, il faut tout de même se réjouir de la tenue régulière de ces sommets, même si ce qui leur sert de gîte a été construit par les incontournables partenaires chinois. A court de cotisation de ses membres, l’UA, contrainte de survivre grâce à la perfusion de l’Union européenne et de l’Onu, devient de fait une simple assemblée de chefs d’Etat dont la route pour rallier la capitale éthiopienne fait un grand détour par Paris, Londres, Moscou ou Pékin. Ce sont plutôt les intérêts de ces puissances qui consolident leurs fauteuils menacés par des rebelles où des opposants qui portent la voix de peuples vivant dans une précarité au quotidien, que ceux qui nous dirigent défendent. De plus, constituant un syndicat qui n’a d’objectifs véritables que la promotion du pouvoir à vie, les dirigeants africains sont peu crédibles pour servir la noble cause de l’alternance démocratique et de la bonne gouvernance.
Les voix se divisent très vite et l’unanimité se fait rapidement sur la désunion au sein de…l’Union. Les derniers revirements et désolants rétropédalages sur les élections en République démocratique du Congo, les silences coupables et suicidaires sure les violations des droits de l’homme chez le voisin parce que la situation est la même chez soi, l’omerta sur les charcutages des constitutions pour se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam, et le musèlement de l’opposition, de la presse et de la société civile devenus le sport continental le mieux pratiqué, etc., ont fini de renforcer le statut de machin que s’est taillé l’UA dont les sommets sont devenus des non-événements, notamment pour les populations qui n’en tirent aucun bénéfice.
Ainsi donc, l’UA passe dans les mains de l’Egyptien al-Sissi alors qu’après deux mandats plusieurs mandats et croulant sous les séquelles de maladie, l’Algérien Bouteflika, 81 ans le 2 mars prochain, est candidat à sa propre succession, comme pourrait l’être l’Ivoirien Alassane Ouattara, 77 ans et visiblement marqué par le poids de l’âge fait encore des mystères autour d’un troisième quinquennat alors qu’il vient d’en épuiser deux.
Dans le même temps, malgré leurs richesses naturelles, bien des pays africains constituent de véritables catastrophes économiques, leurs peuples vivotant dans une misère endémique et scandaleuses, se contentant d’aides à doses homéopathiques que distillent lesdites puissances après avoir procédé au pillage en règle des ressources du continent. Ainsi va l’Afrique. Ainsi va l’Union africaine qui ne connaîtra jamais l’unité tant que les roitelets de petits Etats se contenteront d’être des têtes de rat que queues de lion.
Par Wakat Séra