Le gouvernement éthiopien a décrété lundi un « cessez-le-feu unilatéral et inconditionnel » au Tigré, selon plusieurs médias d’État. Cette décision intervient après que les forces loyales aux anciennes autorités de la région ont repris la capitale, Mekele. Les rebelles, de leur côté, ont annoncé leur intention d' »intensifier » les combats.
Les autorités éthiopiennes ont décrété lundi 28 juin un « cessez-le-feu unilatéral » après près de huit mois de combat, tandis que les forces loyales aux anciennes autorités dissidentes du Tigré sont entrées le même jour dans Mekele, la capitale de cette région du nord du pays.
« Afin que les agriculteurs puissent cultiver paisiblement, que l’aide humanitaire puisse être distribuée en dehors de toute activité militaire, que les forces résiduelles du TPLF puissent reprendre le chemin de la paix (…), un cessez-le-feu unilatéral et inconditionnel a été décrété à compter d’aujourd’hui, 28 juin, jusqu’à la fin de la saison des cultures », a annoncé le gouvernement dans son communiqué.
Mais il semble que les autorités dissidentes de la région du Tigré ne soient pas décidées à déposer les armes. Les rebelles ont assuré que leur lutte allait « s’intensifier » jusqu’à ce que tous les « ennemis » quittent la région, laissant entendre que les combats se poursuivraient malgré le cessez-le-feu.
Réunion d’urgence à l’ONU
Dans la soirée, les États-Unis, l’Irlande et le Royaume-Uni ont demandé une réunion d’urgence publique du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Tigré, a-t-on appris lundi de sources diplomatiques. Cette réunion pourrait se tenir vendredi. Depuis le déclenchement du conflit en novembre, les Occidentaux n’ont jamais réussi à tenir une session publique sur le Tigré, les Africains, la Chine, la Russie ainsi que d’autres membres du Conseil jugeant que la crise est une affaire interne à l’Éthiopie.
Mekele avait été prise par l’armée fédérale le 28 novembre 2020, trois semaines après le lancement par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed d’une offensive destinée à renverser les autorités locales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).
Cette opération de « maintien de l’ordre » avait été décidée après que les forces pro-TPLF ont attaqué des bases militaires, avait justifié Premier ministre, prix Nobel de la paix 2019.
Malgré la victoire proclamée après la chute de Mekele, les combats n’ont jamais cessé entre les forces pro-TPLF – qui se font appeler Forces de défense du Tigré (TDF) – et l’armée fédérale éthiopienne, épaulée par des troupes des autorités régionales voisines de l’Amhara et par l’armée de l’Érythrée, pays frontalier du Tigré.
Les TDF ont lancé une offensive la semaine dernière, au moment où se tenait dans une grande partie du pays des élections nationales très attendues. Les résultats de ce scrutin n’ont pas encore été annoncés.
Musique et feux d’artifice
Lundi, ces forces « ont pris le contrôle de la ville, je les ai vus moi-même, ils sont entrés », a déclaré à l’AFP un membre de l’administration régionale intérimaire, mise en place par Addis Abeba après la destitution des autorités du TPLF. Sur place, un journaliste de l’AFP a confirmé que ces troupes étaient arrivées à bord de camions et de voitures.
Leur entrée a déclenché des scènes de liesse. Des soldats tiraient en l’air en signe de célébration et des habitants sortaient dans la rue en brandissant le drapeau tigréen, de couleur rouge frappé d’une étoile. « La ville est en fête, tout le monde est dehors à danser », a confirmé le membre de l’administration intérimaire.
Face à l’avancée rebelle, les fonctionnaires de l’administration intérimaire régionale ont quitté la ville durant la journée de lundi, selon le membre de l’administration.
Des témoins ont rapporté que des soldats et des policiers fédéraux fuyaient également Mekele, certains pillant des banques et réquisitionnant des véhicules appartenant à des particuliers.
Exactions et famine
Un responsable de l’ONU a déclaré à l’AFP que les soldats avaient démantelé les équipements satellite de plusieurs agences de l’ONU à Mekele, tentant visiblement réduire au maximum les communications.
« Cet acte viole les privilèges et l’immunité de l’ONU ainsi que les règles du droit international humanitaire sur le respect des biens de l’aide humanitaire. Je condamne cette action dans les termes les plus forts », a déclaré la directrice exécutive de l’Unicef, Henrietta Fore, sur Twitter.
Le Tigré, région la plus septentrionale de l’Éthiopie et frontalière de l’Érythrée, est en proie depuis près de huit mois à un conflit destructeur.
Annoncée comme brève, l’opération militaire lancée par Abiy Ahmed s’est transformée en conflit de longue durée, marqué par de nombreux récits d’exactions sur les civils (massacres, viols, déplacements de population…) qui ont suscité l’indignation de la communauté internationale.
Mardi, une frappe aérienne de l’armée éthiopienne a touché un marché fréquenté dans la localité de Togoga, à une trentaine de kilomètres de Mekele. Le bilan établi fait état d’au moins 64 morts et de 180 blessés.
L’armée éthiopienne a affirmé avoir visé des forces pro-TPLF habillés en civil, jugeant « inacceptable » d’affirmer que des civils étaient ciblés.
Selon l’ONU, les près de huit mois de combats ont placé au moins 350 000 personnes en situation de famine dans la région. Le gouvernement éthiopien conteste cette information.
Source : France 24
Avec AFP