Accueil A la une Éthique et mandats électifs: question de gouvernance

Éthique et mandats électifs: question de gouvernance

0

La question du bien demeure la finalité de la vie collective. C’est pourquoi la politique n’est pas seulement l’art de gouverner la société mais aussi l’art de bien gouverner la société. La recherche du bien est donc au cœur même de l’action politique.  Si la recherche du bien est imbriquée dans l’exercice du pouvoir, cela appelle une approche éthique dans la gestion du mandat électif que l’on peut détenir.

En effet, du point de vue de l’éthique appliquée, il ne s’agit plus seulement de gouverner à partir d’une légitimité acquise à travers les processus électoraux mais de confronter sa légitimité à l’épreuve de la réalité. L’on peut bien être légitime et se trouver dans l’incapacité de gouverner. Faut-il en pareille situation s’enfermer dans le déni au motif que l’on jouit d’un mandat électif démocratiquement conquis ?

Contrairement aux idées reçues, la culture de la démission n’est ni la marque de l’échec ni de la honte. Elle est l’apanage du sujet éthique soucieux du bien commun, se pliant aux exigences que commande les situations. Dans le champ de l’éthique et en particulier de l’éthique appliquée, le jeu politique n’acquiert tout son sens que par l’arbitrage de la réalité c’est-à-dire des situations effectivement vécues par les citoyens. La démission en tant qu’initiative du sujet éthique demande non seulement la vertu du courage mais aussi de l’honnêteté au sens où elle se présente comme la reconnaissance clairement avouée d’un rendez-vous manqué.

La légitimité s’enracine dans la capacité à fédérer les citoyens autour d’un projet politique commun qui défie les crises et contradictions du moment. Les sociétés démocratiques sont de plus en plus exigeantes en termes de reddition de comptes, et c’est là que l’épreuve de la réalité acquiert tout son sens. Gagner une élection ne suffit donc plus, pour gouverner.  

L’exigence d’efficacité est aujourd’hui considérée comme le critère essentiel de légitimité, et les élus ont désormais la lourde tâche d’aller permanemment à la conquête de leurs électorats par la pratique de la gouvernance vertueuse.  Les mandats électifs ont finalement une valeur relative aux performances des élus qui les détiennent. Les citoyens de plus en plus attachés à des résultats en termes de changement qu’à la légitimité du mandat dont on est détenteur, rejettent assez souvent des mandats durement gagnés au prix de rudes compétitions électorales.  Ainsi, la persistante des crises dans les sociétés démocratiques interpelle les élus à un jugement éthique qui puisse parfois aboutir à une démission libre et volontaire malgré la légitimité des mandats dont ils sont détenteurs.

Le jugement éthique est cet effort du sujet à questionner la réalité, à évaluer la situation dans laquelle il se trouve confronté en vue d’une décision éclairée qui peut consister à renoncer à exercer jusqu’à terme une charge élective. L’enlisement dans les crises politiques viennent souvent du fait que la plupart des élus mobilisent leurs énergies davantage pour la conservation du pouvoir qu’à la recherche de solutions pragmatiques. Une culture accrue éthique chez les élus, conjuguée à un sens renouvelé de la république garantirait une gestion efficace des crises au sein des sociétés démocratiques devenues trop complexes.

Bibliographie

ARISTOTE, 1995, La politique, Paris, Librairie philosophique Vrin

BASTID Paul, 1985, L’idée de constitution, Paris, Economica

CASTORIADIS Cornelius, 1990, Le monde morcelé, Paris, Seuil

COQ Guy, 2002, Petits pas vers la barbarie, Paris, Presses de la Renaissance

REVAULT d’ALLONNES Myriam, 2010, Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie, Paris, Seuil

ROSANVALLON Pierre, 1992, Le sacre du citoyen : histoire du suffrage universel en France, Paris, Folio

ROSANVALLON Pierre, 2000, La démocratie inachevée : histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard

ROSANVALLON Pierre, 2015, Le bon gouvernement, Paris, Seuil

ROUSSEAU Dominique, 2017, Radicaliser la démocratie. Propositions pour une refondation, Paris, Points

ROUSSEAU Jean-Jacques, 2011, Du contrat social, Paris, Flammarion

 

Par SAMANDOULGOU W. Serge Dénis