Opposant devant l’Eternel. Populaire sans être populiste. Vie trépidante d’homme politique, malgré les stratagèmes les plus sordides de la part des différents dirigeants qui se sont succédé. De Mobutu à Joseph Kabila en passant par son fils Joseph, ils n’ont fait aucun cadeau au farouche opposant qu’a été Etienne Tshisekedi qui n’a pas pu remporter ce dernier combat de sa vie. En effet, celui qui a porté à juste titre, avec dignité, humilité et fierté, le titre de « sphinx de Limété », s’est incliné ce 1er février 2017, à 84 ans, à Bruxelles, devant une embolie pulmonaire qui a eu raison de lui. En rendant l’âme, et les armes, le combattant de la liberté endeuille un peuple de la République démocratique du Congo à un moment où celui-ci a plus que jamais besoin de ses avis sages et sa résistance pacifique mais déterminante. La figure de proue de l’opposition venue du Kasaï, malgré sa santé défaillante depuis plusieurs mois, n’a jamais fléchi face aux manœuvres les plus diaboliques du pouvoir de le faire taire. En tout cas, plus qu’une simple disparition, c’est une page de l’histoire du Congo qui se tourne et c’est un pan de l’Afrique politique qui s’est écroulé.
La voix certes très affaiblie, n’en n’est pas restée moins ferme pour appeler le peuple congolais à résister aux coups violents portés à la démocratie par Joseph Kabila, dont la dernière forfaiture en date est celle de confisquer le pouvoir alors que son deuxième et ultime mandat a expiré en décembre 2016. Mais malgré son engagement sans réserve pour l’alternance, le guerrier de la démocratie ne cessera de prôner la sage voie du dialogue dans les négociations menées sous la bannière de l’Eglise catholique. Tant à la tête de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qu’au gouvernail de cette opposition qu’il n’a jamais réussi à fédérer dans la durée, Etienne Tshisekedi est resté ce politique incorruptible pour qui le matériel personnel était peu de chose, sinon rien, devant les intérêts du peuple. Un peuple martyrisé par de nombreuses années de dictature et qui ne sait plus d’où viendra le salut. Son dernier espoir s’est-il évaporé avec le dernier souffle poussé par Tshisekedi dans la capitale belge ?
S’il est dit que le sphinx a plusieurs vies, tel le phénix qui renaît toujours de ses cendres, ce n’est pas celui de Limété qui fera exception à la règle. Peut-être que Félix son fils qui est tombé petit dans la marmite politique saura incarner le nouveau visage de ce combat mené par son père jusqu’au bout de sa vie. Si ce n’est lui, ce sera un autre Etienne Tshisekedi, sorti des rangs de ces millions de Congolais qui n’ont jamais hésité à répondre, souvent au péril de leur vie, au tocsin sonné par l’illustre défunt. Certes, un héritage comme celui de l’emblématique opposant congolais est loin d’être facile à porter, mais les idéaux de démocratie qui ont forgé la réputation de l’opposant historique trouveront terrain fertile pour éclore et inonder une Afrique qui de plus en plus dit non aux hommes forts, au prix de la vie de ses fils épris de paix et de démocratie. En Afrique, « les morts ne sont pas morts », a dit le célèbre écrivain Birago Diop. Alors, Etienne Tshisekedi n’est pas mort.
Par Wakat Séra