Faut-il tendre la main pour avoir à manger et quémander encore pour déféquer ? Dans un sursaut citoyen les Burkinabè ont sonné le tocsin de la lutte contre la défécation à l’air libre. Cette fois-ci, et en comptant sur leur propre force, ils se sont engagés dans un projet noble et salvateur de construire d’ici à la fin de l’année 2017, 100 000 latrines, notamment dans les zones rurales du Burkina Faso. Le principe pour réussir cet essai simple, mais non moins audacieux, met le citoyen au début et à la fin du processus. En effet, les populations n’attendront plus que des ONGs ou autres partenaires techniques et financiers daignent, avec condescendance réaliser ces infrastructures hautement souveraines pour elles. Chaque personne, offrira, selon l’épaisseur de son portefeuille, des latrines à ses proches, au village ou dans les zones péri-urbaines. Le geste acquiert d’autant plus de valeur dans la mesure où il sauve la dignité d’un père, d’une belle-mère, d’une épouse, d’un frère, d’un établissement scolaire ou de toute autre communauté.
Il faut le dire, il y a péril en la demeure. A en croire les statistiques, chaque jour, c’est environ 10 millions de personnes qui défèquent dans la nature au Burkina, larguant ainsi à l’air libre, 1 400 tonnes d’excréments humains qui, comme le relève Juste Hermann Nansi, Directeur IRC au Burkina, « rejoignent nos assiettes ». Qui plus est, même en plein centre-ville, nombre de Burkinabè, pressés par ce besoin urgent face auquel on perd souvent tous ses moyens, ont été confrontés au problème de manque de toilettes. Ou quand elles existent, leur état insalubre et répugnant peut décourager le diarrhéique le plus téméraire. La situation est si préoccupante que Sika Kaboré, l’épouse du président du Faso, n’a pas hésité une seconde avant de prendre son bâton de marraine pour aller en croisade contre la défécation à l’air libre. « C’est pour des raisons économiques, d’hygiène, de salubrité et d’assainissement de notre milieu de vie que je me suis investie dans cette campagne « Fasotoilettes » 2017 qui vise à offrir des toilettes à nos parents du village, à nos voisins qui en sont démunis, à la communauté dans laquelle nous vivons; à offrir des toilettes à la ville, et comme le prône l’artiste musicien Sana Bobo, « quand on se promène et qu’on sent un besoin pressant qu’on puisse le faire ». Son engagement, Sika Kaboré l’a voulu total et met à profit toutes les tribunes qui se présentent à elle pour pousser son ras-le-bol contre la défécation à l’air libre, mais surtout sensibiliser au changement de comportement.
Une forte volonté politique est indispensable pour porter ce sursaut citoyen destiné à faire sortir le Burkina de la merde, au propre comme u figuré. Si la constitution reconnaît le droit au Burkinabè de vivre dans un cadre sain, il n’en demeure pas moins que l’assainissement a été et demeure le parent pauvre de tous les programmes ronflants des déclinés par les politiques. Même dans les gros budgets élaborés pour des évènements d’envergure comme les 11-Décembre tournants, la rubrique assainissement et eau est à peine inscrite. Des dépenses de prestige, comme la construction de grandes villas qui serviront après de dortoirs aux lézards et de nids aux moustiques, prennent le pas sur des secteurs vitaux tels que l’assainissement. Il urge de renverser la tendance en mettant l’accent sur des initiatives comme Fasotoilettes 2017 qui demandent l’adhésion personnelle de chaque Burkinabè et l’engagement collectif de toute la nation. Cela y va de la santé et de la dignité de toute une nation qui aspire au développement.
Par Wakat Séra