Le 25è Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a ressuscité Thomas Sankara ! Il n’y avait certainement pas meilleur moyen pour le Fespaco de rendre hommage au défunt président du Faso ! Omniprésent dans le discours d’ouverture officielle à forte odeur politique du ministre burkinabè en charge de la culture, le héros de la révolution burkinabè d’août 1983 a été longuement scandé dans les travées du stade municipal Issoufou Joseph Conombo, pour accompagner Alpha Blondy lancé dans un show dont lui seul a le secret. Et ça, ce n’était pas du cinéma, car Thom Sank, figure en pôle position de ceux qui ont porté le rayonnement du festival créé en 1969 à Ouagadougou à l’initiative d’un groupe de cinéphiles, au titre desquels François Bassolet, Claude Prieux (Directeur du Centre culturel Franco-Voltaïque) et Alimata Salembéré, première présidente du Fespaco en 1969 et 1970. Le fringant capitaine n’a jamais pu être effacé de la mémoire de la jeunesse africaine et surtout des cinéastes qui se sont, pendant longtemps, servi du 7è art comme instrument privilégié de lutte contre l’impérialisme. Et comme cette 25è édition est la première qui se déroule après l’insurrection populaire de 2014 qui a mis fin au règne de Blaise Compaoré, l’opportunité est toute trouvée pour célébrer raviver l’idéal sankariste. Les politiciens sont des spécialistes avérés de ces coups publicitaires et le Fespaco 2017 qui a drainé des milliers de visiteurs dans la capitale burkinabè est une tribune toute trouvée pour l’exercice.
Blaise Compaoré, est également l’un des politiques qui, depuis les bords de la lagune Ebrié sut sans doute, ce Fespaco avec un brin e nostalgie. S’il n’avait été emporté par ce mécontentement général suite à son projet légal mais illégitime de modification de l’article 37 de la constitution qui limite à deux le mandat présidentiel, c’est peut-être depuis son palais de Ziniaré, et pourquoi pas de la loge des officiels du stade municipal qu’il aurait savouré cette cérémonie d’ouverture du 25è Fespaco. Voué aujourd’hui aux gémonies par ses détracteurs, l’homme aura, comme son ancien compagnon Thomas Sankara, fortement contribué à faire du Fespaco, la vitrine du cinéma africain, malgré la convoitise de bien de pays qui ont essayé de récupérer l’évènement et à défaut en ont effectué une copie moins attrayante. La marée humaine qui a fait partir Blaise Compaoré et son régime n’est pas sans doute pas amnésique du fait, mais comme l’enseigne l’adage, les absents ont toujours tort. Et ça aussi, ce n’est pas du cinéma !
Un Fespaco sans eau ! Ça aussi, ce n’est pas du cinéma. Loin de la fiction dont se délecte actuellement le public cinéphile dans les salles obscures de Ouagadougou, la pénurie d’eau dans bien des zones de la capitale burkinabè constitue une réalité qui se pose avec acuité. Des travaux qui devraient, à terme, permettre aux populations de la capitale de disposer d’eau en abondance, les en prive drastiquement pour le moment. Depuis le vendredi 24 février 2017, soit la veille de la grand’messe du cinéma africain, les robinets de bien de foyers sont désespérément à sec. Même les longues veillées pour attendre le précieux liquide et en faire des réserves ont été infructueuses dans la plupart des cas. Ce dimanche 26 février a été consacré à d’incessants va-et-vient entre les domiciles privés d’eau et les bornes fontaines et autres points de forages où l’eau coule encore. Les vendeurs d’eau en ont profité pour s’en faire plein les poches. Fort heureusement, les festivaliers qui logent dans les hôtels ne se rendront même pas compte de cette précarité annuelle vécue par les populations locales, dès que la saison sèche s’annonce ou que la canicule s’installe. Les règles de la légendaire hospitalité africaine sont implacables, il faut savoir se priver pour l’hôte, quitte à lui offrir sa natte et dormir à même le sol. Pour l’heure c’est de l’eau que les Burkinabè doivent offrir en quantité aux milliers d’étrangers. Pour cela des camions citernes seront même mis à contribution pour desservir les hôteliers qui en manifestent le besoin. Foi d’un responsable de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (Onéa). Mais pourquoi en être arrivé à cette situation qui, on l’espère n’aura duré que l’espace d’un week-end ? La biennale du cinéma africain est pourtant inscrite sur les tablettes depuis belle lurette et devrait appeler des dispositions conséquentes.
Vivement l’eau pour les festivaliers et leurs hôtes et que vive le Fespaco !
Par Wakat Séra