Pour la 25è fois, la fièvre du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) s’est emparée du Burkina Faso. Elle a même traversé les frontières pour emballer la Côte d’Ivoire, le pays invité d’honneur de cette édition qui a pour thème : « Formation et métiers du cinéma et de l’audiovisuel ». Du 25 février au 4 mars 2017, Ouagadougou se muera en capitale du cinéma africain. Autour de la fête, des activités de réflexion intense sont menées pour permettre aux festivaliers, au soir du 4 mars, d’avoir fait accomplir un bond en avant au cinéma africain. Le marché international du cinéma et de la télévision africaine (Mica) revêtira une importance particulière, afin de mettre en exergue la dimension économique du cinéma et de l’audiovisuel qui doivent contribuer au développement des pays africains. Victime de son succès, le Fespaco a enregistré, rien que pour cette édition, plus de 1 000 films, dont seulement 160 seront présentés au public, non seulement compte tenu du temps imparti à la biennale du cinéma africain mais sans doute par manque d’infrastructures adéquates. Et c’est l’un des gros cailloux dans la chaussure des acteurs du cinéma africain.
Hormis le mal criard et endémique de distribution dont il souffre depuis ses premières images, le cinéma africain est en manque d’écran pour se montrer au public. Devenues des espèces en voie de disparition, les salles obscures servent désormais, pour la plupart des temples de prières ou de divertissement qui n’ont rien à voir avec le 7è art. A l’instar d’autres pays africains, le Burkina n’échappe pas à ce phénomène qui grippe le cinéma africain et l’empêche d’être à la portée d’un public du continent paradoxalement très friand de ses propres images. En effet, depuis que les réalisateurs sont sortis du cinéma de case pour mettre leurs productions au diapason des attentes des cinéphiles burkinabè, les rares salles qui ont survécu au naufrage connaissent une affluence des grands soirs lorsque la programmation met à l’affiche des films africains. Toutefois, il faut reconnaître que les sectes et autres prédicateurs ne sont pas les seuls prédateurs à l’origine de la disparition des salles de projection. Les autres facteurs sont les taxes trop élevées sur les tickets d’entrée, le manque de matériel de projection à la pointe, et même l’absence de films dont certains réalisateurs marquent, pour la diffusion une préférence pour certaines salles, etc.
Loin d’être exhaustive, la liste des boulets au pied du cinéma africain pourrait constituer la thématique de mille et un Fespaco. Le circuit de distribution plus enclin à faire circuler les films hindous et hollywoodiens, prend très peu en compte les films africains qui sont confinés dans des festivals occidentaux en mal d’exotisme. Fort heureusement, Nollywood, ce cinéma prolifique nigérian commence à tenir la dragée haute aux images venues d’ailleurs et qui ont longtemps monopolisé les petit et grand écrans africains. Le cinéma africain trouvera-t-il son salut dans ces séries nigérianes qui font chaque jour plus d’adeptes ? Pourquoi pas ? Sauf que ces télénovelas sont beaucoup plus sur le petit écran. De plus en plus minimisé compte tenu des nouvelles technologies, les coûts de production films, documentaires, courts ou longs métrages, restent encore élevés pour les réalisateurs africains qui joignent difficilement les deux bouts dans la vie. Surtout que les mécènes et autres sponsors ne courent pas la rue, pendant que l’Etat, happé par des priorités comme la santé, l’éducation, la sécurité, et maintenant la lutte contre le terrorisme a baissé les bras depuis bien longtemps. Sans oublier que les fonds venus des partenaires techniques et financiers ont taris, surtout en ce qui concerne le volet culturel.
En espérant que, comme l’indique son thème, le 25è Fespaco apporte des solutions concrètes en la matière, on ne peut que ranger pour l’instant, la formation comme un handicap pour les acteurs de ce secteur cinématographique qui doit devenir un véritable levier de développement grâce à son industrialisation. En tout cas, le ministre burkinabè en charge de la culture a promis la réhabilitation de 15 salles de projection, convaincu qu’« une salle de cinéma fermée, c’est une bibliothèque de notre patrimoine cinématographique qui meurt ». Et que vive le Fespaco, afin que des salles obscures, naisse la lumière qui fera resplendir le cinéma africain.
Par Wakat Séra