Accueil A la une Fespaco 2025: l’Afrique, son cinéma et ses guerres

Fespaco 2025: l’Afrique, son cinéma et ses guerres

0
Le 29e Fespaco bat son plein à Ouagadougou

Pour la 29e édition du Fespaco, le Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou, le Burkina Faso, comme à l’accoutumée, a mis les petits plats dans les grands pour célébrer le cinéma africain et ses acteurs. L’événement constitue, certainement, un vibrant et mérité hommage, à l’un des pères du cinéma africain, le réalisateur malien Souleymane Cissé, décédé le 19 février, alors qu’il devait présider le jury «fiction long métrage» de ce Fespaco.

235 films de belle facture

Depuis ce samedi 22 février, les salles obscures ont leurs écrans tout en lumière, pour offrir à un public africain, toujours friand de ses images, les 235 films de belle facture, selon les spécialistes, en compétition ou non. Pendant que les cinéphiles s’extasient devant le talent d’acteurs et de réalisateurs qui ont tourné le dos au «cinéma de case» pour produire des films et documentaires aboutis, à la thématique diversifiée d’amour, d’action, d’humour, de drames sociaux, etc., les acheteurs font leurs emplettes au Mica, le Marché international du cinéma africain et de la télévision. Et pour calmer l’ardeur de cette chaleur brûlante qui annonce une saison de canicule à laquelle s’habituer est une prouesse, tous, spécialistes des métiers du cinéma et le public, affluent à ce rendez-vous unique, toujours imité, mais jamais égalé de la rue marchande où seules les saveurs des brochettes et «poulets bicyclette» succulents, sont arrosés de la bonne bière et du Coca-Cola «bien glacés», dans une ambiance inégalée d’enceintes musicales vomissant les sons à la mode. Souvent à tue-tête !

Pas d’argent pour l’art et la culture

En tout cas, toute la place sera faite au cinéma, sur une bonne semaine! Et tant pis si ce cinéma africain, dont la plupart des salles, de Brazzaville à Cotonou, en passant par Accra, Nairobi, Abidjan, pour ne citer que ces grandes villes, sont devenues des lieux de culte ou simplement des salles de spectacles et de conférence, Le cinéma africain, il ne faut pas se voiler la face, vit une crise structurelle qui traverse les décennies. Les productions gagnent peut-être en qualité, malgré les moyens de bord dont elles se contentes, les sources de financement ayant taries dans une dynamique générale de rétrécissement de l’aide étrangère. Sans doute que l’argent fera encore davantage défaut, avec la suspension de l’USAID par le pouvoir tout feu, tout flamme de Donald Trump. Les arts et la culture étant toujours les parents pauvres des budgets nationaux, le nerf de la guerre, affecté à ces volets iront à d’autres secteurs comme la guerre contre le terrorisme au Sahel ou contre la rébellion du M23 en RD Congo, ou encore contre la famine en Somalie et ailleurs.

Nollywood et Hollywood

Certes, les films nigérians, à travers le succès phénoménal de NOLLYWOOD, qui tutoient, sans rougir, les productions de HOLLYWOOD, feront la joie des amoureux du petit écran. Mais, le cinéma africain dans son ensemble ne saurait reprendre du poil de la bête, sans une volonté politique marquée, pour l’accompagner et faire de lui, une machine industrielle qui, au même titre que l’or, le coton, le pétrole, le cobalt, fasse vivre les différents intervenants de la chaîne et apporte un souffle d’air important à l’économie africaine. Du reste, le Fespaco, n’est-il pas une vitrine de choix pour le Burkina Faso, et par ricochet pour l’Afrique entière qui a besoin de vendre son cinéma, au plus haut niveau et au plus fort prix? Le sujet, à défaut d’être le scénario d’un film, doit pouvoir faire l’objet de réflexion pertinente, non seulement au cours de la seule semaine du Fespaco, mais à toutes les tribunes des organisations politiques et économiques du continent.

Pendant ce temps les armes tonnent en RD Congo et le M23 avance

Et lorsque les écrans s’éteindront, le 1er mars, et que le successeur du Tunisien Youssef Chebi, détenteur de l’Etalon d’Or de Yennenga de la 28e édition du Fespaco, avec son film Ashkal, sera connu, le cinéma africain aura effectué un pas de géant sur la scène économico-culturelle mondiale. Mais l’Afrique retrouvera son quotidien de cherté de la vie, de crises humanitaires, de velléités de mandats présidentiels ad vitam aeternam, de guerres et de conflits. Car, malheureusement, les armes continuent de tonner au Soudan et en République Démocratique du Congo, durant cette huitaine de la biennale du cinéma africain. Et ça, ce n’est pas du cinéma!

Par Wakat Séra