« Monsieur le Président Macron, nous demandons vérité et justice pour le double crime de Kidal
Ce dimanche 14 mai 2017, lorsque vous prendrez vos fonctions à l’Elysée, vous échangerez avec votre prédécesseur, François Hollande. Comme celui-ci s’y est engagé récemment, il vous transmettra les informations concernant le douloureux dossier du double assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, envoyés spéciaux de Radio France Internationale, le 2 novembre 2013 à Kidal au Nord-Mali. En effet, le 26 avril dernier, Monsieur Hollande a reçu Apolline Verlon, la fille de Claude Verlon, et Danièle Gonod, porte-parole de Madame Poinsot, mère de Ghislaine, et présidente de notre association. Lors de cet entretien, d’une durée de quarante-cinq minutes, le président Hollande a reconnu que les auteurs du crime de Kidal étaient bien liés aux groupes armés impliqués dans les différentes prises d’otages au Nord-Mali.
Lors de cette discussion, le chef de l’Etat sortant a estimé que les révélations apportées, le 25 janvier dernier, par l’émission « Envoyé spécial » de France 2, ne prouvent pas l’existence d’un lien entre ce crime et les négociations pour la libération des quatre otages d’Arlit. Toutefois, il a affirmé partager aussi le souci des parties civiles qui n’écartent aucune hypothèse et demandent que tous les témoins concernés puissent être interrogés par la Justice.
Comme signe de bonne foi, Monsieur Hollande a tenu à remettre à l’attention de Madame Poinsot, la mère de Ghislaine Dupont, une lettre manuscrite où il affirme notamment : « Chère Madame, j’ai pris des engagements. Je les tiendrai et transmettrai à mon successeur toutes les informations qu’il saura confirmer de façon à ce que la vérité soit établie par la Justice. »
Monsieur le Président, chef des Armées, nous voulons donc croire que vous aurez à cœur de prendre le relais de François Hollande, que vous ferez tout pour que les coupables du crime de Kidal soient capturés vivants, jugés et condamnés et aussi que leurs mobiles soient connus. Après cette élection pour laquelle nous vous félicitons et après votre entrée en fonction, nous vous serons reconnaissants de bien vouloir nous accorder un rendez-vous afin que soit maintenu notre lien avec les plus hautes autorités de l’Etat.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments très respectueux. »
Les Amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, Association loi 1901
Rappel des faits
Le 2 novembre 2013, Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, reporters de Radio France Internationale (RFI), sont kidnappés au cours d’un reportage puis abattus près de Kidal au Mali.
Leur exécution est revendiquée, dès le lendemain, par Abdelkrim le Touareg, un des principaux dirigeants d’Al-Quaida au Maghreb islamique (Aqmi).
Une enquête intitulée « Otages d’Etat » et diffusée le 26 janvier dernier dans le magazine « Envoyé spécial » sur France 2 accrédite pour la première fois l’hypothèse d’un lien entre les tractations menées en 2013 pour la libération de sept otages (cinq Français, un Malgache et un Togolais), enlevés en septembre 2010 à Arlit (Niger), et l’assassinat des deux journalistes au Mali.
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« L’assassinat des journalistes est le minimum de la facture que le président François Hollande et son peuple doivent payer », soulignait le texte de revendication. Le terme « facture » intrigue alors les journalistes d' »Envoyé spécial », d’autant qu’une rançon « d’au moins 30 millions d’euros » vient d’être versée, selon leur enquête, pour la libération des quatre otages d’Arlit. « Cette transaction aurait-elle fait quelques mécontents ? », s’interrogent-ils.
Ils décortiquent deux canaux de négociation en concurrence, animés par deux anciens de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), Jean-Marc Gadoullet, mandaté par Areva, et Pierre-Antoine Lorenzi, favorisé par Cédric Lewandowski, directeur de cabinet du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
L’équipe d' »Envoyé spécial » découvre que Ghislaine Dupont et Claude Verlon de RFI, enquêtaient eux aussi sur les négociations d’Arlit et les rançons versées. Durant ses recherches, elle accède à un certain nombre de documents émanant de la Direction du renseignement militaire (DRM) et de la DGSE qui font un lien entre les deux affaires.
Selon « Envoyé spécial », une partie de la rançon ne serait pas arrivée à ses destinataires. Trois millions d’euros n’ont pas été « décaissés », affirme alors devant la caméra Pierre-Antoine Lorenzi.
« Certaines rumeurs ont couru au Nord-Mali selon lesquelles la somme qui avait été donnée […] était incomplète, il manquait de l’argent dedans. Cela a mis en fureur un des lieutenants d’Abou Zeid [un des chefs d’Aqmi]« , autrement dit Abdelkrim, renchérit Alain Juillet, ancien directeur du renseignement à la DGSE.
Lors d’une rencontre avec des proches de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, François Hollande affirmera qu’il n’y a avait pas de liens entre l’assassinat des deux journalistes et la prise d’otage d’Arlit. Dans une lettre ouverte, l’association demande aujourd’hui à Emmanuel Macron de poursuivre l’enquête et de ne pas enterrer l’affaire.