Il s’appelle Mamoudou Gassama. Il est Malien et sans doute bien connu dans l’un des quartiers populaires de Bamako. Mais en France il était un anonyme parmi les nombreux noirs qui déambulent dans les rues de Paris à la recherche d’un hypothétique emploi ou squattant les immeubles précaires de la capitale française où il faut s’entasser comme des sardines pour dormis. Pire, il était un de ces sans-papiers régulièrement pris en chasse par des policiers particulièrement bien entraînés dans ce sport, dans les rues de Barbès, ou autour de la Tours Eiffel où ils essaient de placer, à la sauvette, une statuette africaine passée pour authentique. Grâce à ces clins d’œil dont il a seul la maîtrise, le destin a fait basculer la vie de Gassama, en un quelques secondes, le samedi 26 mai dernier. Se transformant en Spiderman, un de ces héros légendaires de bandes dessinées et de dessins animés préférés des enfants nantis, le jeune malien, escalada un immeuble de quatre étages pour sauver un enfant suspendu dans le vide, et donc en passe de s’écraser d’un moment à l’autre au sol. Cet acte de bravoure vaudra à son auteur d’être reçu en audience, ce lundi 28 par Emmanuel Macron qui lui a promis la naturalisation comme Français tout en lui ouvrant les portes de la caserne des sapeurs-pompiers de Paris. Le premier des Français, pour saluer le «héros sans-papier», n’a pas manqué de lui décerner une médaille et une attestation d’acte de courage et de dévouement.
Mamoudou Gassama, en quittant son domicile ce samedi matin, ne pouvait pas rêver mieux. Ce sans-papier pensait sans doute à prendre ses jambes à son cou pour échapper aux menottes du premier policier qui se lancerait à ses trousses pour le contrôler. Mais son agilité de singe, animal auquel les brillants footballeurs noirs sont souvent assimilés en guise d’insulte raciste, le Malien le mettra plutôt à profit pour sauver un enfant de 4 ans guetté par une chute certaine dans le vide. Ce grand néant qu’affrontent au quotidien les semblables de Mamoudou Gassama qui, au péril de leur vie, vont à l’assaut de la citadelle française et sont engloutis par la Méditerranée devenue un cimetière à ciel ouvert pour migrants. Au mieux des cas, ces milliers de «Mamoudou Gassama» qui préfèrent la mort dans la mer aux larmes de leurs mères, sont livrés à des négriers des temps modernes qui les monnaient sans autre forme de procès, comme au temps honteux de l’esclavage. Et si par chance elles arrivent à débarquer sur la «terre promise», ces «sauterelles» qui empestent la France, sont traqués sans ménagement et renvoyés dans le premier pays africain, lorsqu’ils sont pris dans les mailles de la police. Et évidemment, tous ces «Mamoudou Gassama» qui errent encore dans les rues françaises, à la recherche d’hypothétiques papiers au nom de leurs ancêtres «tirailleurs sénégalais» qui ont sacrifié leurs vies pour la France n’auront certainement pas la veine du héros du XVIIIè arrondissement de Paris. Les militants de la Droite et du Front national ou encore des Français qui ne peuvent s’accommoder du noir et critiquent la belle action de reconnaissance de Macron, veillent au grain!
De toute façon, pour les Africains, les paradigmes ont changé, la France n’étant plus pour eux cet eldorado qu’il leur faut à tout prix rejoindre pour les études ou autres formations. Paris n’est même plus la destination incontournable pour les vacances ou le commerce. Du reste, c’est, consciente de ce désamour entre elle et ses anciennes colonies, que la France a entrepris de renverser la courbe pour attirer de nouveau les Africains. Emmanuel Macron s’y essaie, comme un diable dans le bénitier, multipliant les opérations de charme à l’endroit de la jeunesse africaine. Comme les Rwandais dont Paris soutient la candidature au poste de secrétaire général de la Francophonie au détriment d’un deuxième mandat du Canada, les étudiants burkinabè s’en souviennent bien, eux qui ont accueilli le chef gaulois dans leur amphithéâtre de Ouagadougou, un certain 28 novembre 2017.
Par Wakat Séra