Alors que la Coupe d’Afrique des coups d’Etat a été relancée depuis le 18 août 2020 au Mali, avec des matches godasses au pied et armes au poing qui se sont déroulés en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, les militaires gabonais viennent de s’illustrer par un CSC magistral réalisé par le général Brice Clothaire Oligui Nguema. L’auteur de ce but contre son camp, n’a pas laissé la moindre chance à Ali Bongo Ondimba, un gardien de but qui était physiquement diminué par un AVC et surtout à bout de forces, suite à une autre partie difficile livrée, le samedi 26 aout, jour d’élections générales, contre un challenger téméraire, l’opposant Albert Ondo Ossa.
Dans l’euphorie de sa victoire de 64, 27% selon l’arbitre Michel Stéphane Bonda, président du centre gabonais des élections (CGE), l’inusable capitaine de l’équipe du Parti démocratique gabonais (PDG), qui était loin de penser à cette frappe puissante d’un partenaire dans ses propres buts, avait baissé la garde, au propre comme au figuré. Il ne pouvait, un seul instant, croire que sa propre défense allait le faire tomber! Il a même eu du mal à constater les dégâts, contraint de supplier, peut-être trop tardivement, en anglais, dans un pays de tradition francophone, ses soutiens de l’extérieur à venir à son secours. Mais le but était déjà marqué, et confirmé par la VAR, la vidéo assistance qui a démontré que l’action, bien qu’entachée de cette faute flagrante d’illégalité, était prévisible!
Celui qui est présenté comme un cousin de la famille Bongo, connaissait donc bien les failles de sa propre équipe. Mieux, il a servi le pouvoir, au nom du père et du fils, en tant qu’aide de camp du premier et chef de la Garde républicaine, le corps d’élite de l’armée du Gabon, sous les deux premiers mandats du second. Si les choses demeurent en l’état, c’est la fin du long règne sans partage de 55 années des Bongo qui vient d’être sifflée, certes de la plus mauvaise des manières. Pendant que les condamnations fusent de toutes parts comme à l’accoutumée, le général putschiste vient d’être désigné par ses frères d’arme comme le président d’un comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), président de la transition. Comme si de rien n’était!
Ce coup d’Etat, s’il peut faire le bonheur de ceux qui ont résolument choisi cette «nouvelle-ancienne» méthode de prise de pouvoir par les armes au détriment de celle par les urnes, ne répondait pas moins à un besoin de changement qui s’imposait. Les cimetières, comme le dit le proverbe, sont remplis de personnes qui se croyaient indispensables. Ali Bongo, 64 ans, au pouvoir depuis octobre 2009, succédant comme dans une dynastie à feu son père Omar Bongo Ondimba, qui, lui, a régné de 1967, jusqu’à sa mort en 2009, a ignoré cette vérité implacable.
Ce qui l’a conduit à son troisième mandat, un mandat qui mérite certainement de figurer dans les records en la matière, n’ayant duré qu’une trentaine de minutes. Soit entre le temps de la proclamation des résultats et l’irruption des putschistes sur la scène, dans la présentation classique, de militaires en tenue pour justifier leur action, décréter un couvre-feu, suspendre la constitution et les institutions, promettre de respecter les accords internationaux signés par le pays, etc. Le scénario a été respecté, point par point, par le général et ses hommes!
Question: pourquoi les putschistes ne se sont-ils pas contentés de rétablir l’ordre de résultats des élections qu’ils disent avoir été tronqué? Finalement, ce coup d’Etat est plutôt contre l’opposant Albert Ondo Ossa qui avait déjà revendiqué sa victoire à la présidentielle et donnait 24 heures à Ali Bongo pour venir négocier sa sortie. Ce septième putsch en Afrique ces trois dernières années, a-t-il été perpétré pour protéger les intérêts menacés de quelqu’un ou d’un pays sur les bords de l’Ogooué, si le pouvoir tombait dans l’escarcelle de l’opposition? Le Gabon qui était l’un des enfants chéris de la Francophonie paie-t-il pour son infidélité en allant, sous le magistère d’Ali Bongo, voir ailleurs, notamment vers le Commonwealth?
Ce coup d’Etat gabonais n’a, certainement pas, livré tous ses secrets, en dehors de celui de la contagion de la zone Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). En tout cas pour ces trois dernières années, et en attendant une possible «remontada» que tous les démocrates et les peuples épris de paix et de stabilité socio-politico-économique craignent à juste titre avec le printemps des putschs militaires ou constitutionnels, la CEDEAO mène devant la CEMAC par le score sans appel de 4-1!
Par Wakat Séra