Adama Barrow qui a dû prêter serment au Sénégal pour des raisons de sécurité, n’est toujours pas retourné dans son pays, toujours pour des raisons de sécurité ! Pourtant, Yahya Jammey, l’obstacle principal à son retour a été mis hors-jeu et les populations semblent attendre avec impatience le retour au bercail de son nouveau président. Mais les Gambiens doivent prendre leur mal en patience, car les troupes de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), à défaut d’avoir mené le combat pour restaurer la démocratie en Gambie, mettent un point d’honneur à sécuriser Banjul, afin de permettre à son nouvel homme fort d’y remettre les pieds. Les mauvaises langues parlent même d’une exorcisation de « State House », le palais présidentiel, après le séjour de 22 ans du marabout Jammey.
Mais, en dehors des considérations surnaturelles, il est tout de même à relever qu’à leur arrivée à Banjul, les contingents de la CEDEAO, emmenés par l’armée sénégalaise, ont essuyé le refus ferme des anciens « Jammey Boys » de les laisser accéder au palais. Des négociations ont été engagées. Mais que pouvaient bien cacher les militaires gambiens alors que Yahya Jammey s’était envolé la veille pour la Guinée Equatoriale ? On apprendra en tout cas que l’ex président Jammey ne serait pas parti de la Gambie les mains vides. Voitures de luxe et beaucoup d’argent auraient, entre autres, été emportés par le nouvel hôte forcé de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo.
Ce hold-up opéré par Yahya Jammey, s’il est avéré, rendra encore plus complexe, la tâche de Adama Barrow, dans sa volonté de construction d’une Gambie nouvelle. Les secteurs de l’éducation, de la santé, des transports, sont autant de chantiers dont la remise à flots ne sera pas des plus aisées. Adama Barrow qui doit, au passage se préparer un retour triomphal chez lui, se triture aussi bien les méninges et les dernières nouvelles du pillage des caisses de l’Etat, il a dû les sentir comme un coup de massue. Comme quoi, les débuts de son règne, après la double euphorie suscitée par sa victoire à l’élection présidentielle de décembre 2016 et ensuite le départ de Jammey, ne seront pas une sinécure pour Adama Barrow. Combien de temps d’état de grâce les Gambiens marqués au fer par le régime de rigueur de Yahya Jammey, concèderont-ils à leurs nouveaux dirigeants ? A n’en point douter, la durée sera très courte, les attentes et la soif de justice étant très aiguisées.
Si la CEDEAO pourra toujours assurer le service après-vente sur le plan sécuritaire, d’où viendra la main secourable qui accompagnera la résurrection économique de la nouvelle Gambie que promet Adama Barrow dont le séjour au Sénégal sans s’éterniser commence tout de même à tirer en longueur ? Jammey parti, Barrow absent, c’est la nouvelle vice-présidente gambienne, Fatoumata C.M. Jallow –Tambajang, farouche opposante à Yahya Jammey, qui gardera la maison.
Par Wakat Séra