Dans son mot de fin d’audition, le seul général de la gendarmerie du Burkina Faso, Djibrill Bassolé, accusé dans le putsch manqué de septembre 2015 clame de nouveau son innocence dans ce coup de force. Morceau choisi: «A mon humble avis, ce débat assez vif par moment ne fait que confirmer le constat que nous faisions à savoir qu’aucune constatation, aucun fait matériel n’établit ma culpabilité, pas plus qu’aucune déclaration de témoin ou de co-accusé ne me met en cause».
«Monsieur le Président;
Monsieur le Conseiller;
Monsieur le Général et;
Messieurs les Officiers supérieurs, juges assesseurs militaires;
Vous m’avez, pendant près de deux semaines qu’a duré mon interrogatoire, permis de m’expliquer sur les chefs d’accusation de complicité à la sureté de l’Etat, de meurtre, de coups et blessures volontaires et de trahison.
A mon humble avis, ce débat assez vif par moment ne fait que confirmer le constat que nous faisions à savoir qu’aucune constatation, aucun fait matériel n’établit ma culpabilité, pas plus qu’aucune déclaration de témoin ou de co-accusé ne me met en cause.
L’accusation, dans l’impossibilité d’administrer la moindre preuve se cramponne à des éléments sonores dont nous vous avons largement démontré le caractère illégal et les origines douteuses. Il est ahurissant qu’une justice puisse utiliser de tels enregistrements manipulés comme seul élément de preuve dans un procès pénal.
Au total, monsieur le Président, je clame mon innocence comme je l’ai fait dès le premier jour de mon arrestation et au début de l’acharnement politico-judiciaire dont je suis victime.
Qu’il me soit permis de témoigner ma grande satisfaction et ma reconnaissance:
- au Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire;
- à la Cour de justice de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, NDLR) pour avoir décidé de me faire bénéficier de l’assistance de mes avocats étrangers que la justice militaire avait évincés;
- à tous ceux qui se sont mobilisés à l’intérieur comme à l’extérieur du Burkina Faso pour m’apporter leur soutien et me soulager d’une privation de liberté dont, le caractère arbitraire ne fait plus l’ombre du moindre doute.
Monsieur le Président, au cours du débat, je me suis refusé de répondre à certaines questions uniquement pour des questions de principe. En effet, discuter de mes soit disant propos contenus dans des enregistrements sonores aux origines douteuses n’est pas convenable. J’ai préféré, comme je l’ai fait tout au long de la procédure judiciaire, me démarquer d’une manœuvre irrégulière aussi flagrante.
Je me suis également abstenu de répondre aux questions des avocats des parties civiles pour éviter les propos passionnés à connotation fortement politique qui auraient inutilement surchauffé les esprits et dégradé la qualité de notre débat qui se veut strictement judiciaire.
Je voudrais néanmoins, réitérer toute ma compassion aux familles des personnes disparues ainsi qu’aux blessés. Je reste persuadé que la meilleure formule pour les soulager de leurs souffrances est que l’Etat qui est le premier responsable de l’ordre et de la paix publics, répare les préjudices qu’ils ont subis en attendant que la procédure judiciaire, s’il y a lieu, identifie et punisse les responsables de meurtre, des coups et blessures volontaires et autres dégradation des biens qui les ont éprouvés; indépendamment des poursuites relatives à l’attentat à la sureté de l’Etat.
Monsieur le Président, tout au long de ce débat, j’ai concentré mes efforts sur ma défense afin de vous démontrer que je n’ai en aucune manière commis les infractions qui me sont reprochées. J’ai aussi tenté avec votre indulgence de présenter mon analyse sur la situation politique et militaire qui a abouti au coup de force du 16 septembre et jours suivants.
Même en ces moments ultimes de procès pénal, je reste persuadé que la force du dialogue aurait permis de préserver la cohésion et le caractère opérationnel de notre armée au regard surtout de la situation de sécurité que connait le Burkina Faso. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Je formule le vœu que les différents protagonistes se retrouvent pour consolider le socle précieux de notre armée basé sur la discipline rigoureuse et la solidarité fraternelle.
En tout cas, pour tous mes co-accusés civils comme militaires qui sont essentiellement victimes des turbulences politico-militaires et de leur règlement de compte, j’ai envie de dire: quel gâchis!
Monsieur le Président et messieurs les membres du tribunal, je voudrais terminer en vous remerciant pour votre sens de l’écoute et votre patience. Je souhaite que vous demeuriez lucides et vigilants pour la suite. Puissent les vertus de la vraie justice anéantir les affres de l’intrigue et de la manipulation politicienne!»