A la suite de Jean Paul II, le pape François a tendu la main aux Rwandais à qui il a demandé pardon pour le rôle peu…catholique joué par son église dans les temps sombres et sanglants du génocide qui a décimé les Tutsis, en 1994. Le souverain pontife a fait cet exercice d’humilité, à l’endroit de Paul Kagamé, ce lundi 20 mars, lors de la visite que celui-ci a effectuée au Vatican. Avant ses chefs, en 2000 et en 2016, l’église catholique rwandaise avait fait ce mea culpa, au nom de tous les chrétiens impliqués dans ce génocide qui, selon l’Onu a fait environ 800 000 morts dans les rangs des Tutsis. Aux termes de l’histoire, la rage aveugle et meurtrière des Hutus s’est abattue sur les Tutsis lors d’une guerre civile qui a opposé le gouvernement rwandais au Front patriotique rwandais. Mais les discriminations à l’origine de la guerre entre Hutus et Tutsis remonte déjà à l’époque coloniale, que ce soit du temps des colons allemands ou belges, favorisant les seconds au détriment des premiers. Les missionnaires catholiques et protestants, se basant de l’égalité entre les enfants de Dieu accentuèrent, volontairement ou non, ce fossé entre les deux groupes sociaux. Et avant ce génocide, l’un des plus éclairs au monde, plusieurs massacres ont visé les Tutsis acculés de toutes parts. La Radio Mille collines ayant fait le reste du boulot, les Tutsis pris pour cible n’eurent d’autre échappatoire que de se réfugier dans certaines églises. Malheureusement, ils auraient été livrés à leurs bourreaux déchainés, par des prêtres catholiques.
L’amour et le pardon étant les piliers fondamentaux de la religion, cela va de soi que les successeurs de Pierre à la tête du troupeau de Dieu fassent amende honorable, chaque fois qu’ils en ont l’occasion, après ce génocide dans lequel l’église catholique est malheureusement dénoncée comme actrice de choix. Mais combien de temps faudra-t-il à Vatican pour se faire pardonner définitivement ce péché capital ? En tout cas, c’est du pain béni pour Paul Kagamé qui engrange des dividendes politiques certains de cette première visite effectuée dans la cité papale depuis son accession à la présidence en 2000. Parfois couvert du manteau de trublion dans cette région de Afrique de l’Est, le chef de l’Etat rwandais connaît souvent des bisbilles avec des pays européens, notamment la France à qui il a d’ailleurs définitivement tourné le dos pour balancer dans le giron anglophone. S’il faut dire que le Rwanda, qualifié de miracle économique, est cité au titre des pays émergents et que nombre de pays africains vont à l’école de son système de développement, il n’en demeure pas moins que la longévité au pouvoir de l’homme longiligne de Kigali n’est pas moins décriée. Dirigeant son pays d’une main de fer dans une formule de démocratie éclairée où l’alternance ne semble pas figurer dans le répertoire de gouvernance, Kagamé a sa méthode, reconnue forte, pour mettre les Rwandais au pas. Il tolère très peu les opposants sauf ceux qui sont à l’extérieur et les contestations sont vite étouffées dans l’œuf dans son pays. N’en déplaise aux défenseurs des droits de l’homme, le Rwanda fait partie des pays où la qualité de vie est reconnue d’un bon niveau, preuve que les Rwandais sont loin d’être mécontents de leur président. Du reste, compte tenu de son passé de pays ayant connu les affres de massacres humains à grande échelle, le Rwanda est considéré avec l’attention due à du lait sur le feu. Personne ne veut encore porter cette responsabilité indélébile d’y avoir fait éclore ou ne serait-ce qu’ensemencer des graines d’un autre génocide, et être embarqué dans un cycle sans fin de demande de pardon.
Par Wakat Séra