Le président du groupe parlementaire de l’Union pour le progrès et le changement/Renouveau démocratique (UPC/RD), Daouda Simboro, a affirmé que le premier responsable de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), Zéphirin Diabré, leader de l’opposition burkinabè, « fait des efforts pour placer » ses militants dans le gouvernement après la mort de Salifou Diallo, ex-président de l’Assemblée nationale. Dans cet entretien exclusif accordé à Wakat Séra, le député dissident du groupe parlementaire UPC s’est également prononcé sur bien des questions d’actualité.
Wakat Séra: Comment se porte actuellement l’UPC/RD ?
Daouda Simboro: L’UPC/RD se porte vraiment bien à l’instar de tous les cinq autres groupes parlementaires de l’Assemblée nationale. Donc nous menons tranquillement nos activités au sein de l’Assemblée dans les différentes commissions, et comme nous sommes en session actuellement, nous participons aux travaux en commission et en plénière vraiment sans aucune difficulté.
Pouvez-vous revenir sur les motivations réelles de la création de l’UPC/RD ?
Nous l’avons dit quand on a créé le groupe parlementaire en début octobre 2017. C’était juste une sorte de repli parce que nous avions des difficultés au sein du groupe élargi à 33 députés de l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Nous avions été aussi victimes d’une machination interne que vous avez constatée puisque des journaux en n’ont fait leurs choux gras, étant donné que c’est une note interne du parti qui a fuité. Conformément à notre résolution, nous avons choisi de constituer notre groupe, de rester à l’UPC et de continuer à travailler. Malheureusement cela a été mal interprété, comme les gens voient des complots, des achats et la corruption partout, les dirigeants de l’UPC sont montés sur leurs grands chevaux, avec des conférences de presse à l’appui, et commencé à diffamer, insulter, menacer et violenter les députés qu’ils incriminent. Donc cela a donné la crise que nous connaissons. Alors je dis que l’UPC est un serpent qui se mord la queue. Il fallait avec un peu de retenu, regarder objectivement ce qui se passait et chercher à résoudre la crise. Malheureusement tout ce qu’on a évoqué comme difficulté interne au parti a été balayé du revers de la main et aujourd’hui toutes ces difficultés rattrapent le parti.
Qu’est-ce qui vous empêchait de faire valoir votre voix au sein du groupe UPC ?
Non, ce n’est pas une question de faire valoir sa voix puisque les dirigeants de l’UPC ont divisé les 33 députés. Vous faites valoir vos voix auprès de qui, auprès de quel bloc puisque si l’UPC/RD n’avait pas été constituée, on ne parlerait pas de bloc. Lorsque que le « Courrier confidentiel » a diffusé son fameux article sur les députés qui étaient en complot avec Salifou Diallo (ex-président de l’Assemblée nationale, NDLR), nous avons engagé une procédure judiciaire avec le parti, nous avons adressé des correspondances. Et une fois, lors d’une réunion du secrétariat exécutif, le président du parti (Zéphirin Diabré) a dit de mettre ce dossier dans le panier. Vous salissez les gens et vous dites de mettre ce dossier dans le panier, mais non, ça ne se passe pas comme ça.
Où en est-on justement avec ce dossier ?
Il est en justice, nous l’avons confié à notre avocat, je ne peux pas vous en dire plus mais il faudra que les gens comprennent que c’est l’UPC elle-même qui a créé la crise parce que c’est une note interne qui a circulé et qui indexait des députés comme ayant posé un acte grave. Le parti a des textes notamment le règlement intérieur, pourquoi on ne l’applique pas, pourquoi jusqu’aujourd’hui, aucun des députés n’a fait l’objet d’un conseil de discipline ? Pourquoi aujourd’hui aucun des 13 députés (incriminés) n’a fait l’objet d’un avertissement ou d’un blâme pour avoir rejoint le groupe parlementaire UPC/RD ? Pourquoi aucun député n’a été exclu des effectifs de l’UPC ? C’est justement parce que les responsables de l’UPC savent exactement qu’ils sont tombés dans leur propre piège. Si vous envoyez 13 députés au supplice, si ça s’est retourné contre vous et ça a diminué la qualité de votre parti, vous ne devez que vous en prendre à vous-même. Et mieux, quand des gens vous donnent de mauvais conseils que vous appliquez et ça n’a pas marché, vous devez avoir la possibilité de les sanctionner. Mais non, c’est toujours les mêmes qui continuent de donner de mauvaises idées et on enchaîne les difficultés.
Même si vous partez sur le terrain, aujourd’hui tout le monde est désabusé. Les interventions qu’on fait pour placer des amis, on a dit c’est de la mal gouvernance, laisser les populations s’exprimer, aujourd’hui dans le cadre du renouvellement des structures, beaucoup ont maintenant les yeux ouverts, ils sont désabusés. Et quand on va finir l’implantation du parti il sera divisé encore en plusieurs morceaux, et ça ce n’est pas à l’avantage du parti. Tant qu’on ne va pas regarder en face et puis reconnaître qu’il y a de véritables problèmes de gouvernance, on ne peut pas aller loin.
Quels sont les réels problèmes de gouvernance que vous dénoncez au sein de l’UPC ?
Ecoutez, l’UPC a été créée il y a moins de dix ans, huit ans pour être plus précis avec une dizaine de membres fondateurs. Mais aujourd’hui il en reste combien autour du président du parti ? Comment pouvez comprendre que deux vice-présidents du parti, quatre députés-maires, actuellement 13 députés sont en difficultés et on ne peut pas trouver une solution à tout cela. S’il y a des repères et des critères de bonne gouvernance, ça devrait trouver solution. Vous décidez de sacrifier treize députés et vous êtes surpris de leur réaction. On a beau diaboliser les 13 députés il faudra revenir coller les morceaux dans le parti sinon ça ne marchera pas.
Quand on vous écoute ou bien l’autre camp, chacun dit avoir un grand déballage à faire. A quand le vôtre ?
C’est simple de mon avis puisque c’est eux qui nous accusent d’avoir été achetés, c’est eux qui disent que nous avons reçu de l’argent, mais pourquoi jusqu’à présent, ils ne donnent pas les preuves de ce qu’ils avancent ? Et d’ailleurs nous sommes en train de préparer un dossier pour attaquer ceux qui portent ces allégations en justice pour leur demander de sortir leurs preuves. Ceux qui ont avancé des montants et des chiffres à l’appui, il va falloir qu’ils sortent ces preuves-là parce que c’est trop facile de dire un tel a reçu tant. Nous attendons tranquillement. Quant au déballage et autres nous avons aussi des éléments qui montrent que tout a été planifié à l’intérieur du parti. Mais comme on l’a dit, nous sommes en bagarre avec quelques dirigeants et non tout le parti.
Donc pour l’instant en tant que militant du parti, nous attendons de voir parce qu’on se dit que les choses sont encore possibles pour peu qu’on soit objectif et qu’on essaie de les examiner. Mais ça ne peut pas durer éternellement. A un certain moment, il va falloir qu’on en tire les conséquences. Le parti en toute responsabilité s’il est conséquent envers lui-même, ses instances devront en tirer aussi les conséquences. Donc nous attendons. Ils ont annoncé des déballages, demander leur quand est-ce qu’ils vont passer à l’acte. En tout cas nous ça nous plaira qu’ils le fassent parce qu’ils n’ont absolument rien. Personne n’a perçu de l’argent comme ils le prétendent. C’est la frustration de la gestion du parti qui a conduit à la création du groupe. Sinon quand j’entends les gens appuyer leu argumentaire sur ça, je trouve ça tellement superfétatoire. Vous pensez que quelqu’un peut être dans sa tombe et continuer de diriger un groupe de députés ? De quelle façon il va le faire ? A supposer que ces députés aient reçu de l’argent, qu’est-ce qui empêche les dirigeants de l’UPC de réagir ? Si les 13 députés continuent d’être dirigés, si c’est le cas cela veut dire qu’il y a un relais. Identifier ce relais-là et indexer le ! Ca fait combien de mois que la crise existe mais aucune sanction disciplinaire n’a été prise. Si aujourd’hui l’UPC est en difficulté, à tel point qu’elle nous exclut sans avoir le courage de le dire, quand on vous envoie une lettre vous disant de ne plus utiliser les symboles du parti, alors qu’on ne vous a pas retiré votre carte ou , on ne vous a pas exclu, les symboles du parti sont là pour être utilisés par les militants du parti et tant que nous sommes encore militants de l’UPC, librement nous les utiliserons.
Est-ce que vous êtes toujours légalement et légitimement membres de l’UPC ?
La légalité pose un problème de droit. Juridiquement il n’y aucune action qui a été entreprise pour nous sortir du parti. Nous basant sur cette disposition légale nous n’avons aucun souci. Mais c’est la mauvaise foi des responsables du parti et certains membres qu’on maquille à travers des décisions du BPN qui est perceptible. Si vous dites à des gens de ne plus utiliser les symboles de votre parti, si vous dites à des gens de ne plus parler au nom du parti dans vos localités, ça veut dire indirectement que vous ne les reconnaissez plus comme membres de votre parti. Mais si pour peu que vous soyez conséquents et courageux, passer à l’acte. Prenez une décision juridique pour dire qu’ils ne sont plus membres du parti. La même raison qui fait que le parti n’a pas le courage de nous exclure, nous aussi savons ce qu’ils veulent. Nous savons ce qui fonde leur crainte, donc nous ne leur donnerons pas l’occasion non plus.
Faut-il attendre de vous la création d’un autre parti politique ou bien le ralliement à un autre parti ?
Quand vous posez cette question, c’est peut-être quand on décide de continuer dans la politique et donc les perspectives pour éventuellement revenir comme député en 2020. A ce titre, la Constitution est claire. On se présente sous la bannière d’un parti ou sous la bannière d’un indépendant. Nous représentons actuellement une force donc ce n’est pas exclu surtout quand on ne sait pas quel traitement est réservé à la liste des treize députés lorsqu’on va confectionner la liste des candidats. Alors nous attendons de voir. Quand on se rendra compte que notre rupture est totalement consommée, on prendra les décisions qui s’imposent. Ceux d’entre nous qui sont pressés peut-être décideront de démissionner de l’Assemblée pour aller former un autre parti politique, ou adhérer à un parti qui existe déjà, ou tout simplement comme certains l’avaient déjà envisagé même avant la crise, retourner à leurs anciennes occupations. Mais, c’est comme je vous dis, quand vous regardez la composition des treize députés, la vision de l’avenir n’est pas autonome. C’est pourquoi on ne cesse de le répéter que notre scission n’est pas une action concertée pour aller dans un parti politique. Maintenant la force des choses peut amener les députés à choisir d’aller ensemble vers une direction ou d’aller individuellement vers d’autres solutions. Sinon présentement cela n’est pas à l’ordre du jour parce que nous sommes à la moitié du mandat dans lequel il reste encore deux ans.
Qui nous dit que parmi les treize députés, il y a la moitié qui a envie de revenir à l’Hémicycle et vivre cette situation. Il y a certains qui avaient une situation antérieure enviable au poste de député. Moi qui vous parle, je travaillais dans une institution bancaire et j’ai dû renoncer à beaucoup de privilèges pour avoir une expérience parlementaire. J’étais sur le point le 31 janvier passé de retourner à mon institution n’eut été la crise dans laquelle que j’ai décidé par solidarité de rester avec les douze autres députés. Donc observer tranquillement la situation. Si dans quelque temps chacun s’est indépendamment fixé, vous serez bien informé.
Quels sont vos rapports personnels actuellement avec le président de l’UPC, Zéphirin Diabré ?
Je n’ai plus aucun rapport personnel avec lui. D’ailleurs nous n’avions pas des rapports personnels. Nos rapports étaient fonctionnels. Donc vous voyez à ce titre que ça ne me gêne pas beaucoup.
Vous et même votre groupe n’avez pas fait mystère de votre volonté à vouloir adhérer au gouvernement, ce qui a été l’une des causes sinon la principale de la création de l’UPC/RD. Comprenez-vous la surprise de certains citoyens qui ont remarqué votre absence dans cette nouvelle équipe de l’exécutif ?
Au lendemain des élections de 2015, ma position était claire, il fallait aller au gouvernement et non aller s’asseoir avec une opposition hybride et s’écarteler entre une ancienne majorité et une nouvelle opposition. Et cette position est partagée par beaucoup qui ne se sont pas manifestés ouvertement comme les 13 députés l’ont fait. Ce que vous ne savez pas, c’est que la position de ceux qui étaient contre même a évolué. Vous savez, la plupart des hommes de presse ne connaissent pas le manifeste de l’UPC. C’est ce qu’on peut aussi vous reprochez. Vous vous engagez souvent dans l’émotionnel. On vous dit qu’on veut partir dans le gouvernement, ça c’est la version qu’on vous a servie. Ce n’est pas la version même de l’UPC/RD. Vous pensez qu’on peut donner 13 postes aux 13 députés de l’UPC/RD ? C’est inimaginable. C’est une idée saugrenue qui n’a rien à voir avec la création de l’UPC/RD. Vous savez aujourd’hui les efforts que les responsables de l’UPC font pour placer des gens dans le gouvernement ? Le président du parti (Zéphirin Diabré) l’a reconnu devant nous le 28 octobre 2017 que tous les efforts qu’il a fait depuis la mort de Salifou Diallo, c’est pour aller au gouvernement. Et si c’est pour aller au gouvernement tant mieux. Si on accueille l’UPC dans la majorité ça sera une victoire pour nous.
On ne demande pas personnellement à être dans le gouvernement car ce n’est pas dans le gouvernement qu’on s’illustre le mieux pour servir la République et les populations. Ca n’a jamais été une préoccupation pour nous. Et que les gens soient surpris de ne pas nous voir rentrer dans le gouvernement qui a été formé en fin janvier, mais nous, nous savons pertinemment qu’on n’a pas demandé de poste. Ce n’est pas parce qu’on a dit qu’il faut soutenir un régime qui est sorti d’une transition marquée par un coup d’Etat qu’il faut immédiatement aller au gouvernement. Il y a combien de partis politiques qui sont dans la majorité présidentielle, plus d’une trentaine, mais pour combien de portefeuille ministériel ? Est-ce qu’on a pu servir ceux-là qui ont engagé officiellement leur parti dans la majorité? Si on nous fait appel au gouvernement qui est-ce que nous allons représenter ? Nous allons partir dans l’exécutif à quel titre, l’UPC, député indépendant ou de soutien parlementaire ? Vous ne vous posez pas toutes ces questions et c’est pourquoi vos analyses sont erronées et vos attentes sont vaines.
Nous allons soutenir ce régime parce qu’il est dans une situation difficile qui n’est pas de son fait. Les exigences et les attentes des populations sont énormes et pressantes. Quand vous prenez aujourd’hui un pays comme le Burkina qui a connu plusieurs troubles socio-politiques, il est impensable qu’en un ou deux ans on puisse remettre tous les indicateurs au vert. Ce n’est pas possible. Même ceux-là qui s’agitent et passent tout leur temps à critiquer et à jeter l’anathème sur les gouvernants, même si on leur confiait le régime, ils n’auraient pas pu faire quelque chose et ils en sont conscients. Les Organisations de la société civile (OSC), les syndicats et les partis politiques ne peuvent pas apporter le changement qu’ils prônent. Quand de nos jours vous prenez la sécurité, qui a un plan sécuritaire et qui ne le fait pas valoir ? Si ce parti est de l’opposition, il n’est pas républicain. Qui aujourd’hui a une réponse à la crise économique également ? Il n’y a pas de solution miracle. Le front social qui est en ébullition et qui est marquée couramment par des grèves, qui en a la panacée ? Qu’il la fasse valoir. Comme on le dit, si les filles et fils de ce pays acceptent de regarder ensemble vers la même direction et décident de se donner la main, quelque chose est possible ne serait-ce que la tolérance et la patience pour prendre en charge petit à petit les aspirations du peuple burkinabè. Cela est possible et c’est dans cette optique que l’UPC/RD s’est inscrite.
Au passage du Premier ministre le 12 avril à l’Assemblée, un de vos camarades députés de l’UPC ne s’est pas gêné de le rappeler à Paul Kaba Thiéba, en voyant dans votre appréciation après son discours, une manière de lui renouveler votre envie de faire partie de son équipe. Qu’en dites-vous ?
Avec le développement ci-dessus que j’ai fait, vous comprenez alors ce que nous avons dit lorsque le Premier ministre est passé à l’Hémicycle sur la situation de la nation. Ce n’est pas un appel. D’ailleurs l’intervention lamentable du député qui estime qu’elle visait à avoir des postes? Vous voyez comment le premier parti de l’opposition peut se réduire à des mesquineries comme ça?C’est clair qu’on ne peut pas sentir sa posture d’opposition. C’est pourquoi aujourd’hui l’opposition est moribonde et se trouve écartelée entre l’opposition et les fréquentations nocturnes pour demander des subsides et des avantages pour des individus et maintenant sortir au grand jour faire les opposants. C’est très difficiles surtout quand on est à côté de l’ancienne majorité.
N’est-ce pas là des accusations trop faciles ? De quelles preuves disposez-vous ?
Pendant la crise, à chacune de leur intervention ils disaient que le Burkina est un pays de savane non? Mais dans cette savane, nous y sommes tous. Ce que vous dites peut-être vrai mais un seul petit constat. Après l’an 1 de la gestion de Roch Kaboré, le Chef de file de l’opposition politique (CFOP) a fait sortir un mémorandum pour critiquer la gestion du pouvoir pendant la première année. La deuxième année a été bouclée il y a maintenant quatre mois. Avez-vous entendu du tome 2 du mémorandum. Si nous sommes conséquents et nous ne sommes pas écartelés entre l’ancien régime et notre position actuelle, ça devait aller de soi, ça devrait être visible et perceptible.
Moi je n’ai pas besoin qu’on m’appelle au gouvernement mais si on appelle mon parti ça sera une satisfaction pour moi parce qu’au sortir des élections je disais allons de ce côté. Mais je n’avais jamais dit qu’il fallait que quelque chose me revienne. Je ne suis pas seul ni le cadre le plus brillant du parti non plus. Et ce que les gens ne se disent pas, quand un parti doit aller au gouvernement, il y a un nombre de postes ministériels qu’on donne. Je suis économiste banquier, à supposer qu’on donne à l’UPC les portefeuilles de la justice ou de la santé, vous me voyez prétendre à quoi dans ces deux postes-là. C’est toute la limite et la faiblesse de réflexion de ceux qui fondent toute leur action au simple fait d’aller au gouvernement. Donc c’est saugrenue de s’asseoir et penser que toutes les décisions sont mues par cet intérêt.
On vous a senti un peu proche de l’ex-président de l’Assemblée nationale Salifou Diallo
Je ne sais pas sur quoi vous vous fondez pour dire que j’étais proche de Salifou Diallo, mais nous avons travaillé ensemble et nous avons a appris à se connaître et à se respecter. Contrairement à ce que beaucoup de gens ne savent pas, Salifou Diallo avait cette intelligence politique d’aller vers qui il a avait besoin. Il n’attendait pas qu’on vienne à lui. Salifou Diallo si puissant comme on le disait, savait partir vers de petites gens, pour peu qu’il ait besoin d’eux. Nous avons beaucoup de dirigeants politiques qui se mettent déjà sur un piédestal et qui ne sont pas capables d’aller vers plus petits qu’eux, et ça c’est dommage. Mais j’ai eu l’occasion de le dire, quand on est un homme politique d’une certaine carrure en toute circonstance, on ne doit pas laisser indifférent. Le contact avec un tel homme a toujours une conséquence positive ou négative. Il n’y avait pas entre nous quelque chose de particulier mais on n’abordait certains sujets en toute liberté, transparence et en toute indépendance. Ma position au niveau de l’Assemblée nationale vis-à-vis de la majorité tant que j’avais décidé de travailler loyalement pour l’UPC, n’a jamais fait l’objet d’une négociation ou d’une concession quelconque mais on se respectait.
Il y avait des moments où nous discutions en plénière à l’Assemblée et continuons la discussion hors de la plénière. Il est arrivé plusieurs fois que Salifou Diallo reconnaisse que j’ai raison mais sa position ne lui permet pas de reconnaître ça publiquement. Donc quand quelqu’un a de la considération et de l’égard pour vous, plus même que beaucoup de responsables de votre parti politique, naturellement vous ne pouvez pas rester insensible à cette personne. Mais de là à s’aventurer dans une histoire soi-disant un complot, c’est un pas qu’on ne franchit pas. Donc ce montage grotesque qui est en train de détruire à petit feu l’UPC aura l’occasion encore de magnifier Salifou Diallo. Si depuis sa tombe il continue de faire des ravages dans des partis politiques, il faut reconnaître seulement qu’il était puissant. Chaque homme a sa qualité et imprime sa marque et en tant que président de l’Assemblée, forcement il y a une empreinte qu’il y a laissé. Quand Salifou Diallo est décédé, tout le pays s’accordait pour dire que nous n’avons pas beaucoup d’homme de sa qualité. Naturellement on ne peut pas dire qu’on remplace un Salifou Diallo. On peut lui succéder et chercher son chemin, imprimer sa propre marque, et je crois que c’est ce à quoi essaie de faire Alassane Bala Sakandé (président actuel de l’Assemblée nationale, NDLR). Aucun d’entre nous à l’Hémicycle n’a le vécu, l’aura, la volonté et la détermination de Salifou Diallo.
Voulez-vous dire par là que les premiers pas de Bala Sakandé vous satisfont ?
Aujourd’hui, le travail de l’Assemblée nationale ne souffre pas. Vu là où il a pris l’Assemblée et le cap qu’il maintient, on ne pouvait pas espérer mieux (de Sakandé). Il fait un excellent travail et tout le mal que je lui souhaite, c’est de réussir.
Quelles est votre position sur la question du Fonds commun qui divise les Burkinabè depuis que l’opinion nationale a appris que 55 milliards de francs CFA sont servis annuellement aux agents du seul ministère de l’Economie comme primes ?
Moi qui vous parle, j’étais administrateur des services financiers et j’ai bénéficié du fonds commun quand je travaillais à la direction générale du budget. Le fonds commun a été légalement institué. Maintenant son évolution peut-être pose problème au regard du nombre d’agents qui y émargent. Ca c’est indiscutable, c’est une réalité. Mais aujourd’hui que les gens veuillent supprimer le fonds commun, c’est illusoire, c’est même contreproductif. On ne peut pas et on ne doit pas tenter de supprimer le fonds commun. Les fonds communs ont évolué, c’est vrai mais il y a toujours quelqu’un qui signe les textes qui consacrent leur évolution et la part à repartir. Est-ce qu’on est allé une fois vers eux pour savoir comment on en est arrivé à cette situation ?
Ils (gouvernants) disent qu’ils ont été pris le couteau à la gorge ?
Il y a des dispositions qui vous évitent de tomber dans de telles situations. Pourquoi aujourd’hui la question vient à l’Assemblée ? Pour être enrôlée par les députés qui sont supposés représenter le peuple et montrer à l’opinion nationale qu’il y a une difficulté ? Mais il fallait commencer ça plutôt. Je pense que ceux qui perçoivent le fonds commun sont des Burkinabè et notamment ceux du ministère de l’Economie sont mieux placés pour connaître la situation réelle du Burkina. Il faut engager une négociation franche avec ces fonctionnaires. Je crois en mon humble avis qu’il faut fonder les décisions sur la réalité, sur les réelles capacités de l’Etat. Il faut que le commun des mortels puissent y entrevoir qu’il y a de la transparence, que la corruption est endiguée, des choses qui apparaissent superfétatoires qui doivent être réglées et les populations donneront aux autorités un blanc-seing. Sinon tant qu’on aura l’impression qu’il y a des gens qui sont traités de façon discriminatoire par rapport à d’autres, ça posera toujours problème.
Mais là aussi, l’ensemble des Burkinabè est appelé à faire quand même preuve de tolérance. C’est vrai qu’on est tous égaux en droit mais une fois que l’on commence à vivre on n’a pas les mêmes avantages puisse qu’on n’a pas fait les mêmes choix. Le cordonnier qui s’assoit sous le hangar du menuisier pour clouer ses chaussures ne peut pas demander les mêmes entrées, ressources et clientèles au même titre que le menuisier, soyons sérieux. Il y aura toujours une différence dans le traitement. Le problème est que la répartition des ressources de l’Etat doit se faire de façon équitable mais cette équité ne signifie nullement une égalité parce que les efforts qu’on demande aux uns et autres ne seront jamais pareils.
Concernant le dialogue sur la réforme du système de rémunération des agents de l’Etat, les syndicats demandent qu’on mette de côté les forces vives. Comprenez-vous leur attitude ?
Aujourd’hui, la problématique ne concerne plus seulement les deux acteurs (gouvernement et syndicat) qui sont en première ligne sur cette question parce que les implications qu’ont les décisions ou accords que l’Etat conclut avec les syndicats impactent la vie de l’ensemble des Burkinabè. Quand vous concédez une augmentation de salaires, si elle n’est pas trop contrôlée ça impacte les investissements de l’Etat. C’est ce qu’il faut prendre en compte et c’est en cela que tous les acteurs y compris les forces vives sont interpellés. Moi j’aurais compris que les syndicats ne se rebiffent pas ou ne refusent pas de participer au dialogue mais disent qu’il y a un préalable, quelque chose qui puisse être présenté et qui a obtenu un minimum d’arrangement ou de consensus qui va être présenté à l’ensemble de la nation pour une question de transparence dans la gestion. Les difficultés qu’a l’Etat sont dues à la multiplicité des statuts particuliers qui sont toujours assortis davantages, ça il ne faut se le nier. C’est-à-dire qu’on a posé la discrimination comme principe et cela a tendance à devenir le principe général au détriment du traitement équitable en fonction du statut général.
Alors pour ma part, je pense que le syndicat devra participer à cette rencontre quels que soient les acteurs qu’il aura en face. Sauf si le syndicat effectivement va manquer d’arguments face aux acteurs qu’il veut exclure. L’agriculteur, le commerçant, le menuisier, le maçon ou le soudeur qui n’aura rien eu en terme d’aide ou de subvention de l’Etat pour faire prospérer son activité parce qu’à un moment donné de l’année on a consenti un effort qui n’est pas budgétisé au préalable et qu’on prenne cet effort-là sur des ressources qui devraient être allouées à d’autres secteurs, il a le droit aussi de se sentir concerné. Quand les agents de l’Etat partent collecter les impôts, excluent-ils ces gens-là ? L’éleveur, le coutumier et le religieux paient la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée, NDLR) à ce que je sache. Mais ce sont ces mêmes ressources qui servent en partie à payer les salaires ou fonds communs non, comment dès lors vous pouvez demander qu’on les écarte. La crainte c’est quoi, quand on va à une négociation, on est obligé de faire des concessions. Alors si vous ne voulez pas faire des concessions vous fuyez les négociations ou vous les refusez. C’est ça qui anime en réalité les syndicats. Et moi je crois qu’avec l’histoire des syndicats actuels, je crois en la bonne fois de ses premiers responsables à lutter pour la satisfaction des préoccupations des travailleurs mais aussi en leur capacité de faire des concessions afin que leurs revendications soient soutenables par l’Etat. Et je pense que c’est ce qui doit prévaloir.
Adoption de la Constitution, quelle voie prendre ?
Aujourd’hui je pense que cette question fait même l’objet d’un débat entre les juristes. Certains disent que la composition du collège qui a proposé la nouvelle Constitution a été faite par désignation ou proposition de certaines structures ou franges de la société, et que, en rien, les membres désignés ou choisis ne traduisent la volonté universelle des Burkinabè qui s’expriment à travers un suffrage. Moi je peux comprendre ça. L’autre chose aussi est-ce qu’il y a une tournée qui a été effectuée dans les treize régions du pays pour présenter la nouvelle Constitution. Pour peu qu’on montre que la plupart des amendements qui ont été faits, ont été objectivement analysés et pris en compte dans le projet de Constitution. Dès que tout cela est fait, on pourra effectivement adopter la nouvelle Constitution par voie législative. Ca aura l’avantage de coûter moins chère, et les députés représentant la nation s’exprimeraient aisément là-dessus. Tous ont participé aux travaux et aujourd’hui je ne trouve pas de voix discordante pour dire de ne pas adopter cette Constitution.
Maintenant il y a certaine classe de la population qui estime qu’elle ne traduit pas forcément l’aspiration de l’ensemble des Burkinabè. Quand on voit la force qu’on veut donner à la justice qui est déjà forte, quand on voit les limitations des mandats des députés, le système de contrôle de certaines institutions telles que l’Assemblée nationale, effectivement des problèmes subsistent. Quand le texte va atterrir à l’Assemblée, quelles peuvent être les modalités de traitements et de possibilité d’influence, bien évidemment il y a tout cela qu’il faut regarder et régler? Maintenant par la voie référendaire on dira qu’on a permis à chaque Burkinabè inscrit sur la liste électorale de s’exprimer, mais il y a un coût qui peut être épargné du fait de l’unanimité, et s’assurer qu’on a eu le quitus de tous les acteurs qui ont été touchés et puis on l’adopte par voie législative au niveau parlementaire.
Par Bernard BOUGOUM