Ceci est un article et une analyse des défis dans un pays en lutte contre les violences depuis plusieurs années, et qui doit composer avec toutes les religions du Faso pour la paix, produit par Neree Zabsonré, membre de l’Union de la presse francophone.
L’an 2024 met le Burkina Faso à l’honneur. Jamais dans les Églises, toutes confessions confondues, on ne parlera de ce pays sur cette planète, autant qu’en ce mois de janvier principalement. C’est en raison de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, célébrée tous les ans du 18 au 25 janvier. Retour sur le plus grand « Rendez-vous des chrétiens » confié à un pays éprouvé ces dernières années, dont les potentialités sont immenses du point de vue de la culture, de la spiritualité et de la promotion de la paix.
- Le Burkina Faso : des dates, des chiffres et des Hommes intègres croyants
Le Burkina mérite un bref rappel de ses chiffres principaux en 2024. Ils totalisent quelque 23 millions d’habitants, majoritairement jeunes et répartis sur 274 200 km2. Il a acquis son indépendance officielle en 1960. Une soixantaine d’ethnies professent l’islam, le christianisme et les religions traditionnelles africaines. Il est juste de reconnaître que la plupart des Burkinabè, ou les Subsahariens en général, demeurent profondément attachés à leurs racines culturelles et aux cultes de leurs « Ancêtres ». Ce qui fait penser que les traditions locales sont plus pratiquées, par-delà les confessions publiques aux religions dites révélées. C’est pour cette raison que les grandes célébrations de réconciliation ne peuvent occulter le rôle et la place des autorités coutumières au Faso. En effet, aucun Burkinabè n’hésite à désigner son pays comme une « Terre d’hommes et de femmes croyants » et la Constitution du Faso ne se contredira pas, en le notifiant fièrement dans ses premières lignes.
Ce pays a toujours promu la cohésion sociale et des relations fraternelles entre les différentes composantes de ses populations (cultures, religions, rangs sociaux…). Toutefois, depuis peu des événements fortuits ont perturbé cette harmonie. Aucune communauté croyante n’a échappé à ces troubles déstabilisants et prédisposant à toutes formes de désordres sociaux (déprédations, réfugiés…). Face à tout cela, les chrétiens du Burkina s’engagent à suivre le chemin de l’amour de Dieu et du prochain. Ils ont bon espoir que ce sentiment fraternel sera plus fort que les violences qui affligent actuellement leur pays.
- Un pays éprouvé et qui prie face aux adversités : temps de crises… et de solutions.
La décennie écoulée a malheureusement vu un pays déchiré par des conflits, qui ont été à tort, taxés d’ethnico-religieux. Force est de constater l’obscurantisme et l’inconscience des acteurs de ces préjudices inqualifiables. Après une période perturbée par des voies et moyens de résoudre ces crises, les autorités actuelles impliquent les populations urbaines et rurales dans les luttes contre le terrorisme. Il s’agit de libérer tout le territoire des bandes armées qui sèment la terreur et la désolation à travers des antagonismes généralisés dans la sous-région ouest-africaine.
La lutte contre l’insécurité et ses corollaires constituent désormais le maître-mot des revendications des populations affectées. Le gouvernement en place use de tous les outils politico-militaires et sociaux en sa possession pour subjuguer les maux de ce pays en voie de développement.
Les différents groupes confessionnels ont pris conscience des enjeux en cours et apportent leurs soutiens multiformes à l’effort des Burkinabè pour éradiquer les fléaux du mal qui désagrègent leur société. Des prières, des jeûnes et de multiples formes d’invocation sont organisés pour assujettir les forces occultes dissimulées dans tous les recoins du Sahel profondément menacé. Ainsi, à la crise sécuritaire, se joignent des initiatives interconfessionnelles en faveur de la pacification des liens sociaux et communautaires. Les notions, telles que celle de la fraternité, sont promues et encouragées afin de garder l’esprit d’unité dans le pays.
- Le « Prochain » ou « les frères et sœurs » : qui sont-ils ?
Le texte biblique qui a été choisi (Luc 10, 57) est une parabole bien connue des chrétiens. Elle évoque un homme seul attaqué par des brigands et laissé pour mort sur le chemin. Deux hommes de hauts rangs (un religieux et un homme de loi) passèrent sans l’aider. Le troisième, Samaritain (sans autre précision), s’arrêta et lui porta secours. À la fin de cette histoire, Jésus demande : « Lequel des trois s’est montré le prochain de la victime ? ». Cette question interpelle, dérange et invite à la méditation.
Le groupe de préparation de cette version internationale est composé de diverses confessions et d’Institutions chrétiennes du Burkina (Catholiques, Protestantes, Évangéliques, Instances œcuméniques, Communauté du Chemin Neuf). Cette équipe, circonstanciée, est à elle seule un message du Mouvement œcuménique : mettre sur la même table diverses confessions chrétiennes. C’est un pari qui a réussi au Faso. La thématique de la compassion et de la solidarité transparaît bien dans l’histoire du Samaritain, dont la morale interpelle les chrétiens et tous les croyants en Dieu. Un peuple qui croit en la communion de ses filles et de ses fils, en harmonie avec leur foi, est un peuple victorieux. Dans tous les cas, il réunit dans cette vertu les arrhes de sa future réussite. Les Burkinabè ont été estimés loyaux et courageux, et cela leur a été bien rendu ; puisque la préparation de cette « Grande prière mondiale » leur a été entièrement confiée.
- La Semaine de prière pour l’unité des chrétiens : un temps consacré à l’esprit de paix
« Tu aimeras ton Seigneur Dieu… et ton prochain comme toi-même » (Luc 10,27). C’est ce thème-là que le Burkina Faso a eu l’honneur de choisir et de décortiquer pour tous ceux qui vont, durant la Semaine et également pendant toute l’année 2024, réfléchir, méditer et prier pour l’unité des chrétiens dans le monde. Il est important de comprendre ce que signifie cet événement. Il ne s’agit nullement de croisades ni d’appel au communautarisme chrétien !
Il est plutôt question de faire prendre conscience aux différentes confessions chrétiennes qu’elles doivent œuvrer pour rejoindre leur racine. Cette racine, c’est Jésus-Christ, celui que tous les chrétiens reconnaissent comme le Fils de Dieu mort-ressuscité pour le Salut. L’instrument qui est donné aux chrétiens, le plus important, c’est l’Amour du prochain. Les Burkinabè chrétiens réitèrent, avec force, ce message entre eux, et y convient les autres croyants. Cet appel d’adresse bien entendu à tous ceux (Personnalités, Organismes, Autorités diverses…) qui promeuvent la paix entre les peuples. Il est vrai que le terme « œcuménisme » est souvent utilisé de manière élargie et qui implique les autres religions. Dans ce dernier cas, on emploie plutôt le « Dialogue interreligieux ». En tout état de cause, l’œcuménisme, qu’il soit restreint ou étendu, est un appel à favoriser tout ce qui concourt à la paix dans le monde. Les enjeux sont davantage pertinents pour le Mouvement œcuménique chrétien, et surtout ce que les Églises au Burkina veulent en faire.
- Des défis interconfessionnels et des projets œcuméniques au Burkina Faso ?
« Que tous soient un (Jean 17,21). C’est le passage biblique le plus approprié qui est cité dès lors que les chrétiens sont confrontés à des dissensions ou à toutes formes de divisions. C’est l’autre message que renferme le travail interconfessionnel confié aux chrétiens du Faso. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Comment gèrent-ils ce chemin vers l’unité ? Quelles structures vivantes et opérationnelles fonctionnent-elles en dehors de ce temps de prière pour l’unité ? Si des vocations manquent, n’est-ce pas l’occasion de les susciter ? De réveiller celles qui sommeillent ? De promouvoir celles qui existent ?
Autant de questions et d’interrogations pertinentes pour les Églises du Burkina. La tâche est certes ardue, mais chez les chrétiens, la Croix du Christ suppose toujours les sacrifices qui lui donnent sens et vérité. L’avenir œcuménique des Églises du Faso est donc dans la main des chrétiennes et chrétiens d’aujourd’hui. Dans ce sens, ils contribueront à leur manière à l’avenir radieux de leur nation en symbiose avec les autres religions.
Toutefois, la confiance accordée aux Burkinabè, cette année 2024, peut s’interpréter doublement. Soit, le fait du hasard a joué pour eux et ce sera un épiphénomène, sans plus. Soit, cette désignation apparaît comme un « signe » pour le futur de leur dévotion à l’œcuménisme. Gageons que cette résolution retentit comme un jalon pour des dialogues interconfessionnels fructueux dans le « Pays des Hommes intègres ». Dans cette optique-là, l’engagement du Faso comptera sans doute comme « un authentique parcours de conversion œcuménique » en faveur de la paix et de la prospérité.
Neree Zabsonre
(Membre de l’Union de la presse francophone)