La politique de la gratuité des soins au profit des enfants de moins cinq ans et des femmes enceintes est née de la volonté des autorités burkinabè en 2016 de réduire considérablement les taux de mortalité chez cette frange vulnérable de la population. Même si cette politique enregistre des résultats satisfaisants dans toutes les régions du pays, certaines difficultés constituent cependant des entraves à une mise en œuvre plus efficace de cette mesure salvatrice.
La gratuité des soins de santé pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes constitue un grand bond en avant vers la couverture sanitaire universelle, étant donné qu’elle permet déjà d’assurer la prise en charge totale de 25 % des 20 millions de Burkinabè. Selon les spécialistes de la santé, cette mesure ambitieuse permet, en effet, de prendre en charge 80 % des pathologies infantiles et maternelles, parmi lesquelles le paludisme, les diarrhées ou encore les infections respiratoires, et elle inclut les interventions chirurgicales, comme la césarienne. Entre 2016 et 2019, ce sont plus de 59 000 000 actes médicaux gratuits qui ont été réalisés pour un coût estimé à plus de 100 000 000 000 de F CFA. Et une étude menée d’avril 2017 à avril 2018 par le cabinet AGIR sur 243 CSPS issus de dix districts sanitaires du Centre-Nord et du Sahel que sont Barsalgho, Boulsa, Boussouma, Djibo, Dori, Gorom-Gorom, Kaya, Kongoussi, Sebba et Tougouri a montré que les populations apprécient positivement la mesure de gratuité.
Cependant, cette mesure rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre.
C’est dans l’optique de lever ces différents goulots d’étranglement que le Secrétariat Permanent des ONG (SPONG), grâce à l’appui de l’UNICEF a effectué une enquête sur l’effectivité de l’application de la mesure dans les régions sanitaires du Sahel, du Centre Nord, de l’Est, du Centre Est, du Centre Ouest et du Centre Sud. Cette investigation a concerné précisément les districts sanitaires de Dori, de kaya, de Fada, de Tenkodogo, de Koudougou et Manga sur la période 2017-2020.
Ces actions de contrôle citoyen ont permis au SPONG de mettre à nu, les obstacles majeurs à la mise en œuvre plus réussie de cette mesure de gratuité des soins. Au titre des difficultés, les investigations du SPONG ont décelé entre autres la méconnaissance des cibles et du panier de soins de la mesure de la gratuité chez les bénéficiaires que certains prestataires de soins ; la persistance des ruptures de médicaments dans des formations sanitaires, ce qui oblige certains patients à débourser des montants complémentaires pour l’achat des prestations gratuites, l’existence d’irrégularités (ventes illégales de produits, racketages, surfacturation…). «J’avais des douleurs pelviennes avec ma grossesse depuis hier mais à cause du manque de phloroglucinol dans le dépôt pharmaceutique de la formation sanitaire , mon mari a dû faire 20 Km pour aller en ville chercher ce médicament et c’est le lendemain que j’ai pu avoir mes soins » témoigne une bénéficiaire. Ces ruptures ou manques de médicaments amènent souvent les patients à fréquenter d’autres formations sanitaires que celles de leur aire sanitaire occasionnant de ce fait, la charge de travail pour les agents de santé.
La mise en œuvre de la politique de gratuité des soins a occasionné également une charge de travail élevée dans certaines formations sanitaires avec pour conséquence directe souvent des délais de prise en charge élevés. Des retards de décaissement, de remboursement ou des remboursements partiels des ressources allouées à la gratuité des soins ont été aussi constatés par le SPONG. En outre, on note des insuffisances dans le paiement des factures de gratuité des soins. En 2018, le niveau central a accusé 6 mois de retards dans le règlement des factures établies par les formations sanitaires.
La gratuité des soins de santé reste à coup sûr une politique qui améliore l’accès aux soins par les couches vulnérables. Cependant la veille citoyenne entreprise par le SPONG et ses partenaires a dévoilé des insuffisances. Par ce travail, la société civile entend contribuer à l’optimisation de la mise en œuvre de cette mesure.
Pour ce faire, le SPONG recommande entre autres, l’intensification de la communication sur la mesure de gratuité des soins à l’endroit des bénéficiaires, l’approvisionnement permanent des centres de santé en médicaments et autres intrants nécessaires aux soins des usagers, la promotion des bonnes pratiques en matière de gestion des intrants subventionnés, l’accélération des procédures de remboursement des COGES, la motivation des agents exemplaires et la sanction pour les agents indélicats conformément aux dispositions légales en la matière.
La prise en compte de l’ensemble des recommandations et suggestions des ONG par les autorités sanitaires devra sans doute permettre de corriger les insuffisances constatées pour une mise en œuvre efficace de la gratuité des soins au profit de la femme et de l’enfant.