L’affluence des usagers continue au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou (TGI Ouaga I) malgré l’absence, dans les salles d’audience, des avocats qui observent un arrêt de travail jusqu’au samedi 8 juin 2024, selon notre constat, ce mercredi 5 juin 2024. Mais, la plupart des dossiers en jugement étaient renvoyés ou mis en délibéré.
Le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou (TGI Ouaga I) grouille du monde à l’extérieur comme à l’intérieur, a constaté une équipe de Wakat Séra, dans la matinée de ce mercredi 5 juin 2024, malgré la grève des avocats entamé le mardi 4 juin. Les services traditionnels de ce tribunal fonctionnent normalement hormis ceux ou les dossiers nécessitant une assistance obligatoire d’un avocat.
Dans la salle d’audience n°1 ou le tribunal tenait une audience, l’arrêt de travail des « hommes en robe noire » est perceptible. Les décisions du président du tribunal se limitaient en général à des renvois des dossiers ou à des mises en délibéré pour ce qui concerne les dossiers sur lesquels sa juridiction statuait.
La grève des avocats « n’a pas une réelle incidence »
Selon un acteur judiciaire qui a requis l’anonymat, cette grève des avocats « n’a pas une réelle incidence parce qu’il y a des avocats qui prennent des dispositions pour que leurs juristes fassent diligence au sein des différentes juridictions pour suivre l’évolution de leurs dossiers ». Selon l’explication de ce dernier, les juristes qui travaillent en étroite collaboration avec des cabinets d’avocats, « suivent des dossiers en jugement en l’absence des avocats et reçoivent leurs directives des avocats pour qui ils travaillent ». Si fait que l’évolution normale de certains dossiers ne sera pas entravée.
Il a noté que les juristes qui assistent des avocats « sont là nombreux, mais dans la discrétion » parce que pour les dossiers renvoyés, l’avocat étant absent, il va falloir qu’après, son cabinet « fasse diligence pour savoir à quelle date le dossier a été renvoyé pour pouvoir prendre des dispositions ».
Les avocats se battent pour « une bonne cause »
Etudiante en année de licence, Raki Nignan, dit ne pas connaître Me Guy Hervé Kam dont l’arrestation a entrainé la grève des avocats du Barreau burkinabè. Mais, elle a entendu parler du coordonnateur du Mouvement SENS. Elle a estimé que les confrères de Me Kam se battent pour « une bonne cause ». « Déjà, moi, je pense qu’ils doivent le soutenir en tant que confrère avocat et je vois que leur manifestation est reconnue par la loi et c’est pacifique. Donc, c’est une bonne manière pour défendre sa cause », a soutenu Raki Nignan qui a suivi une audience au TGI Ouaga I.
« J’étais à l’audience, j’ai vu qu’il n’y avait aucun avocat. La Cour a juste appelé les dossiers, de fois les rabattre et de fois les renvoyer au rôle général. Après la grève, les avocats auront l’opportunité d’aller les reprogrammer pour reprendre le cours de la procédure », a-t-elle témoigné, estimant qu’« à ce niveau, il n’y a pas de problème ».
Un usager appelle à l’apaisement dans l’affaire Me Guy Hervé Kam
Refusant catégoriquement qu’on le prenne en photo, Lamoussa Kiemdé, un autre usager du tribunal, s’est prononcé sur l’affaire Me Guy Hervé Kam, elle-même. Il s’est voulu plus nuancer sur la question qui divise les Burkinabè. S’il dit comprendre la posture des avocats qui sont les garants des bonnes procédures de la loi, il leur a demandé à son tour de comprendre les autorités qui sont, elles, dans « une situation très complexe pour en finir avec le terrorisme, une situation caractérisée par une multitude de défis à relever ». Pour M. Kiemdé, les Burkinabè doivent savoir qu’il y a une « très grande différence » dans la manière de fonctionner entre un pouvoir militaire et un pouvoir civil.
Selon lui, les avocats doivent mettre un peu d’eau dans leur vin pour « ne pas envenimer la situation, car les populations en paient déjà le prix fort » dans ce contexte difficile. Il a demandé aux avocats de la veuve et de l’orphelin d’éviter « surtout de transformer » ce dossier en une « lutte de corporation ». A l’endroit des dirigeants de la transition, notamment le capitaine Ibrahim Traoré, il a souhaité qu’elles « veillent » à ce qu’après ce dossier, les Officiers de policiers judiciaires (OPJ) ou toute autre structure spécialisée dans le traitement des questions judiciaires, « mettent la forme pour tranquilliser tout le monde ».
« Les avocats sont aussi des Burkinabè et certainement, ils veulent aussi le bien du pays comme les autorités, alors pourquoi ne pas s’entendre », a-t-il lancé en guise de conclusion.
Lundi, les avocats du Barreau du Burkina Faso annonçaient un arrêt de travail du 4 au 8 juin 2024, en vue d’interpeller les autorités sur « le respect des règles régissant la procédure pénale » dans le pays « à l’égard de toute personne mise en cause, le respect et l’exécution des décisions de justice par l’Etat à l’égard de toute personne », entre autres. Cette décision a été prise à l’issue d’une Assemblée générale de l’Ordre des avocats, tenue ce même jour.
Par Bernard BOUGOUM