Cinq morts, de nombreux blessés et des prises d’otage. C’est le dernier fait de guerre connu des désormais tristement célèbres groupe d’autodéfense dits des koglweogo. Avant ces affrontements entre eux et les populations de la province du Sanguié, ces justiciers d’un autre temps se sont illustrés par des exactions dont l’extrême bestialité dépasse l’entendement. Dans la lutte acharnée qu’ils ont engagée contre les voleurs et autres coupeurs de route, ils ont ajouté à leur casquette de « défenseurs de l’environnement » que leur conférait la société pour enfiler celle polyvalente d’auxiliaires de justice et de gendarmes. Et désormais, en dehors de toute considération de la personne humaine et de respect des droits de l’homme, les nouveaux shérifs du Burkina marchent allègrement sur les rangers des Forces de défense et de sécurité et interpellent, torturent, jugent, collent des amendes selon des tarifs décrétés à la tête du client. Rien ne leur résiste, pas même les injonctions bien tardives et comme complaisantes des autorités. Les koglweogo ont leurs propres lois et répondent de personnalités n’ayant rien à voir avec les dirigeants en place. En fait ils se sont érigés en république dans la République. A qui la faute ?
Si les koglweogo terrorisent autant les populations et défient tant les normes républicaines, c’est bien la faute aux autorités et à des politiques qui, pour des raisons politiciennes, égoïstes et parfois très personnelles, ont apporté une caution à peine voilée ces hors-la-loi qui ne disent pas leur nom. Pire, au lieu d’engager les réformes qu’il faut pour rendre les Forces de défense et de sécurité plus performantes et les doter de moyens plus importants et adéquats, afin de leur permettre de relever le défi sécuritaire qui se présentait au Burkina, les « chefs » ont plutôt louvoyé. Et la nature ayant horreur du vide, les koglweogo se sont incrustés et comme le cancer, le mal s’est métatarsé, se propageant un peu partout. Sauf que dans les régions qui n’en n’ont pas la culture, les koglweogo ont rencontré une farouche résistance comme dans le Sanguié récemment. Dans l’ouest, il n’y a pas très longtemps, la situation a failli dégénérer en guerre civile lorsque les koglweogo ont voulu dicter leur loi dans une région où ce sont plutôt les « chasseurs dozos » qui sont le seul groupe du genre reconnu. Et chaque fois, le ministre burkinabè en charge de la Sécurité, qui lui-même était le premier avocat défenseur des koglweogo, repassait sur les lieux de leurs exactions pour présenter des condoléances aux familles victimes, saluer les blessés au nom du gouvernement et promettre que «justice sera faite». Les autorités burkinabè ont même envisagé un encadrement du phénomène pour ramener plus ou moins les koglweogo dans la République. Visiblement, l’échec est cuisant car ces groupes d’autodéfense entendent continuer à vivre de leurs prébendes que sont les amendes pécuniaires qu’ils infligent à leurs accusés qui n’ont pas le droit à la présumée innocence.
Certes, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, car des populations, dans l’Est burkinabè notamment, reconnaissent respirer un air de véritable sécurité depuis l’avènement des koglweogo. Mais le risque est trop grand de créer un Etat dans l’Etat.
Questions: alors que le Burkina est un et un seul pays, régi par une et une seule Constitution et doté de Forces de défense et de sécurité républicaines, à quoi joue le gouvernement en acceptant l’existence de ces groupes d’autodéfense dans leur forme actuelle? Pourquoi prendre l’option de résoudre le problème des koglweogo au cas par cas et interdire leurs activités dans telle ou telle localité, mesure qu’ils foulent d’ailleurs au pied? Les gouvernants prennent-ils la mesure réelle de la situation, en sachant que le chaos peut venir de ces groupes, véritables embryons de milices qui ont font la pluie et le beau temps dans certains pays? Il urge de trancher et surtout de prendre la bonne décision pour ne pas que demain soit trop tard. L’Etat a déjà fait preuve de trop de faiblesse et doit se ressaisir.
Par Wakat Séra