Près de 5 millions et demi de Guinéens avaient rendez-vous, ce dimanche 18 octobre, avec les urnes pour désigner, entre 12 candidats, leur président pour les cinq prochaines années. Si l’élection, selon les dernières informations avant la fermeture des bureaux de vote, sans incident majeur, selon la formule consacrée, c’est bien évident que ce scrutin est, en réalité, un face à face entre Alpha Condé, le président sortant, candidat à sa propre succession, et Cellou Dalein Diallo, le chef de file de l’opposition guinéenne. Ce duel entre les deux hommes est devenu, depuis 10 ans maintenant, le marronnier de la présidentielle guinéenne. L’affiche de 2010 n’a pas changé en 2015 et est encore la même en 2020. Sauf que les candidats en lice ont pris quelques rides supplémentaires. Et en toute apparence, l’un et l’autre sont certains de la victoire.
Quoi de plus normal, vu que c’est une compétition, et comme dans toute confrontation, il y a, de façon immuable, un vainqueur et un perdant. Mais tout le monde se met toujours dans la peau du gagnant, avant de jubiler ou de déchanter, à la fin du match. Que le jeu soit ouvert ou pas, c’est la loi du sport, et même de la nature. La Guinée attend donc les premiers résultats dans une marge de 72 heures à une semaine, pour savoir si le coup KO annoncé par Alpha Condé et ses partisans sera la vérité, ou si l’alternance dont Cellou Dalein Diallo est sûr que l’heure a sonné, sera réalité.
Si, après avoir accompli leur devoir citoyen, chacun des hommes a appelé au vote dans le calme, la discipline et la retenue, c’est bien parce que cette élection, après une campagne émaillée de discours haineux, de violences et de morts, est bien loin d’être une partie de promenade à la campagne. Pire, la marmite, remplie à ras bord, d’ingrédients inflammables au plus haut point, pourrait exploser à l’approche de la plus petite des étincelles. Habituée aux périodes, pré et postélectorales houleuses, et rouges du sang de manifestants réclamant une victoire dont ils ont été grugée, la Guinée se voit, aujourd’hui, doublement exposée, par la faute d’un seul homme qui n’est, ni plus, ni moins que le chef de l’Etat sortant.
En effet, l’ancien opposant, Alpha Condé, 82 ans, après la fin de son second mandat, donc le dernier que lui permet la Constitution, a succombé aux charmes du troisième mandat. Son seul argument fallacieux est que la nouvelle Constitution qu’il a fait passer, par tous les moyens, et contre toute orthodoxie démocratique, remet le compteur à zéro, transformant son troisième mandat de la deuxième république en un premier mandat de la troisième république. Un tour de magie dont les présidents africains sont des spécialistes!
Un prétexte trop léger pour quelqu’un qui, dans sa traversée du désert d’opposant, était l’un des plus fervents défenseurs de l’alternance, l’une des «filles» de la démocratie. Malgré la farouche détermination du Front national de défense de la Constitution (FNDC) et les nombreux morts tombés, depuis octobre 2019, sur le champ des manifestations contre ce troisième mandat de tous les dangers, la forfaiture de Alpha Condé est sur le point d’être consommée. Car en Afrique, «le prince n’organise pas les élections pour les perdre»! Surtout quand toutes les institutions sont à sa solde.
Que va-t-il se passer après la proclamation des premiers vrais chiffres sortis des urnes ou ceux fabriqués dans les laboratoires sophistiqués de la fraude? La Guinée va-t-elle renouer avec les vieux démons de la violence qui, en réalité, ne sont jamais loin, mais rôdent autour de ce pays qui mérite mieux que les coups d’Etat, militaire ou constitutionnel, de politiciens aux intérêts personnels et très égoïstes? Et pourtant, ils sont bien nombreux, les enjeux de développement qui attendent la Guinée, où tout, de l’éducation, à la santé, en passant par la sécurité, pour ne citer que ces domaines, constituent une priorité. Sans oublier la dernière invitée non grata, le Covid-19 qui a mis toutes les économies, dont celle de la Guinée, au pas!
Par Wakat Séra