Alpha Condé élu avec plus de 59% des suffrages, dès le premier tour, suivi de son désormais challenger, Cellou Dalein Diallo, 33,5%, qui se fait voler, pour la troisième élection successive la victoire, selon ces dires. Ce sont les résultats de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 en Guinée. Ces chiffres, publiés par la Commission électorale nationale dépendante, oups, indépendante, sont évidemment contestés par le chef de file de l’opposition et leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), qui, se basant sur les chiffres sortis du mécanisme de décompte qu’il a mis en place, s’était déclaré vainqueur du scrutin, avec 53% des voix. Les manifestations de protestation, qui se succèdent depuis octobre 2019, organisées par la société civile et l’opposition, sous la bannière du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), ont donc repris de plus belle, avec leur cortège de morts et de blessés.
Internet a été coupé ou fortement perturbé. La presse est muselée et la liberté d’expression confisquée. La peur des lendemains de chaos et la hantise des répressions disproportionnées, qui ont constamment endeuillé la Guinée, et dont les auteurs n’ont jamais été punis, se sont emparées des populations. Et voici la Guinée repartie pour une période postélectorale bien mouvementée, alors que l’espoir était grand que ce pays, habitué aux prises de pouvoir par les armes, retrouve la quiétude de l’alternance par les urnes.
Un grand bravo à Alpha Condé pour avoir réussi la prouesse de montrer aux Africains et à la face du monde, que la démocratie est une arme de destruction massive offerte aux politiciens pour massacrer leur peuple. Bravo à Alpha Condé de faire la preuve que l’opposant n’est démocrate que lorsqu’il est dans l’opposition. Bravo à Alpha Condé qui avait juré de ne jamais charcuter la Loi fondamentale pour s’ouvrir une présidence à vie, de prouver que le parjure est dans l’ADN des hommes politiques, notamment des dirigeants africains. Bravo à Alpha Condé, 82 ans, de confirmer l’amour des chefs d’Etat africains qui se sacrifient pour leur peuple au détriment de leur propre vie. Bravo à Alpha Condé de montrer, aux incrédules, s’il en existe encore, que marcher sur des cadavres pour accéder au fauteuil présidentiel, est désormais, partie intégrante du processus électoral en Afrique.
Bravo à Alpha Condé, d’avoir battu en brèche ce dicton universel selon lequel le cimetière est rempli d’hommes qui se croyaient indispensables. Bravo à Alpha Condé, d’avoir donné raison au président français, Jacques Chirac, qui a eu tort d’avoir eu raison trop tôt, en affirmant, de son vivant, que la démocratie était un «luxe» pour l’Afrique. Bravo à Alpha Condé pour sa maîtrise de l’art de gagner les élections, en coup KO, alors qu’on s’attend plutôt à ce que lui, soit mis KO par l’adversaire. Bravo à Alpha Condé, d’avoir fait menti, tous les inconditionnels de la démocratie et les ardents défenseurs des droits de l’homme, qui ont lutté pour qu’il recouvre la liberté, alors qu’il goûtait au fiel des geôles de Lansana Conté, en 1998. Condamné, en 2000 à cinq ans de prison pour «atteintes à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national», suite à un procès inique, Alpha Condé, est finalement libéré en 2001, par grâce présidentielle. Et, pour écourter le chapelet des exploits de Alpha Condé, bravo au président guinéen, mélange admirablement réussi de l’Ougandais Idi Amin Dada et du Centrafricain Jean Bedel Bokassa, d’avoir montré que le coup d’Etat constitutionnel que constitue le troisième mandat est bien possible en Afrique.
Toutefois le plus grand bravo revient à l’Union Africaine et à la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), pour leur silence exemplaire devant une forfaiture d’ampleur jamais égalée, alors que ces syndicats reconnus des chefs de l’Etat, sont prompts à s’égosiller sur des coups d’Etat militaires salvateurs, ou des insurrections populaires qui n’interviennent que lorsque le peuple, persécuté et réduit au silence, n’a plus aucun moyen de dire son ras-le-bol. Mais un petit conseil à Alpha Condé, de la part de quelqu’un qui a longtemps cru en lui comme un démocrate, le troisième mandat n’a jamais porté bonheur à ceux qui s’y sont aventurés. Et, les mêmes causes, tôt ou tard, produisent toujours, les mêmes effets.
Par Wakat Séra