Dans cette tribune, Amadou Barry se demande si rien ne peut vraiment être tenté en matière de prévention d’un drame annoncé.
Le Président de la Guinée, Monsieur Alpha Condé, vient d’annoncer qu’il comptait briguer un 3ème mandat, au mépris de la Constitution, qui n’autorise que deux mandats successifs.1
Le bilan de cette présidence est pourtant désastreux.
La pauvreté touche une proportion très importante de Guinéens. Selon le site guinnéepolitique2, qui s’appuie sur les statistiques de la Banque mondiale, la pauvreté touche au moins 60 % de la population. Les objectifs du Plan national de Développement Economique et Social (2016-2020) ne semblent pas en mesure d’être atteints. Les inégalités sont criantes ; peu d’espoirs semblent permis à la jeunesse.
Les indices de corruption sont malheureusement très nombreux et on ne peut s’empêcher de faire un lien avec le constat précédent. La Guinée est en effet loin d’être dépourvue de richesses naturelles, notamment minières, mais leur exploitation ne profite qu’à une faible partie de la population. Les affaires de détournement qui ont défrayé la chronique sont multiples, que ce soit en matière d’aide humanitaire, d’activité industrielle ou de fraudes (comme celles dénoncées par « les Panama papers »)
Le Président sortant, s’adressant à ses partisans, avance qu’il n’y a pas d’alternative :
« En Guinée, c’est très simple. La plus part des opposants ont gouverné. Alors, expliquez aux jeunes quel était leur bilan. Quand les gens sauront leur bilan est-ce qu’ils vont prétendre diriger ce pays ? Ne vous laissez pas impressionner, ni effrayer. Allez au débat sans injures, sans violences, mais le débat politique libre, programme contre programme, bilan contre bilan. Voilà la bataille. »
Il n’hésite pas à en appeler à un affrontement qui ne paraît pas devoir se limiter à un affrontement idéologique :
« Je suis venu vous dire que je laisse mon manteau de président de côté. Je prends mon manteau de militant, car maintenant je suis prêt à la bataille. (…)
On va vous aider à savoir qui a fait quoi. Tout le monde est libre dans le débat politique, de critiquer le Gouvernement, son programme et tout. C’est normal, c’est la démocratie. Mais nous n’accepterons plus que des petits voyous drogués aillent se mettre à nous insulter.
J’ai donné l’ordre pour que tout petit drogué qui sera pris en train de m’insulter soit arrêté et subira la rigueur de la Loi. »3
Un bégaiement de l’histoire ?
Tout citoyen ne peut qu’être frappé de la similitude avec des événements tragiques qui ont déjà ravagé le pays auparavant, notamment lors de la fin de la présidence de Lansané Conté, qui s’est maintenu au pouvoir pendant vingt-quatre ans : violation de la Constitution, absence de développement, répression de la société civile, muselage de l’opposition au nom du peuple et de la démocratie, qu’on évoque bien légèrement…
Les événements de 2009, la répression de la grève générale, les assassinats et les viols perpétrés par les « Bérets rouges » sont dans toutes les mémoires.
Nous sommes fondés à nous demander si nous allons devoir assister, impuissants, à la répétition de ce type de drame. La population jeune de la Guinée est-elle condamnée à une alternative sans avenir : au désespoir et la misère ou à la fuite risquée vers des pays occidentaux qui ne veulent pas d’eux et assurent officiellement que la seule solution pour éviter l’émigration est le développement sur place ? Mais qui agit en ce sens aujourd’hui ?
Les instances internationales ont-elles décidé elles-mêmes de se résigner ou d’attendre qu’il soit trop tard avant d’envisager d’agir ? Nous nous demandons si rien ne peut vraiment être tenté en matière de prévention d’un drame annoncé ?