«Conformément à la charte de la Transition et en application du Décret D/2024/0043/PRG/CNRD/SGG du 19 février 2024 portant dissolution du gouvernement, les mesures conservatoires ci-après sont prises: restitution des véhicules de service et d’escorte des membres du gouvernement dissous au Garage du gouvernement sans délais; gel des comptes bancaires; restitution de tous les documents de voyage au Secrétariat Général de la Présidence; remise des cachets aux intermédiaires désignés; démobilisation de tous les gardes du corps et aides de camp (…)». Et tutti quanti!
Après le décret de dissolution, ce sont les mesures conservatoires qui ont été lues solennellement à la télévision nationale par le chef d’état-major, lui-même noyé dans un lot d’hommes en tenue, avec au dernier rang, des gardes armés! Le scénario parfait de l’annonce d’un coup d’état! Pourtant ça parle juste d’une «dissolution de gouvernement».
Que cache toute cette mise en scène rien que pour changer un gouvernement? Même le terme de «dissolution» semble avoir été choisi à dessein pour aller jusqu’au bout de la théâtralisation martiale de la chose. C’est plutôt à l’avènement d’un putsch militaire que toutes les institutions, en commençant par la Constitution, sont «dissoutes». Mais, il faut reconnaître avec le général Doumbouya que l’heure est grave, avec ces menaces de grèves des organisations syndicales qui pointent. Il faut encore reconnaître avec Mamadi Doumbouya que des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer les attaques graves contre la liberté d’expression et ces coupures d’électricité troprécurrentes.
Il faut toujours reconnaître avec le tombeur d’Alpha Condé, le boucher de la Constitution qui s’est offert un troisième mandat suicidaire, que la cherté de la vie et des mauvais coups du sort comme la dernière explosion d’un dépôt d’hydrocarbures à Kaloum avec son corollaire de pénurie et rationnement de carburant, ont commencé à faire grogner des Guinéens qui ne savent plus à quel prophète se vouer. Il faut enfin reconnaître avec le président par intérim, pour écourter l’égrenage sans fin du chapelet des maux dont souffrent au quotidien les Guinéens, que sa transition qui demeure floue, sans contour et sans contenu, fait naître, désormais, beaucoup de questionnements. Ce qui n’est pas forcément bon signe pour le nouveau général de l’armée guinéenne.
Cette atmosphère lourde, qui s’apparente, à s’y méprendre à une chape de plomb et qui a contraint les grandes voix discordantes à l’exil, pour échapper à la prison, mérite bien de rappeler au peuple que le seul maître à bord, qui peut «dissoudre» le gouvernement s’appelle Mamadi Doumbouya. Peut-être aussi que cette «dissolution» du gouvernement, accompagnée de «mesures conservatoires» dont «la démobilisation de tous les gardes de corps et aides de camp», ne constitue que le présage d’un grand ménage, en vue de resserrer un peu les boulons. Ce qui pourrait justifier cette lecture très «militarisée»
A moins que tout ne soit que gros montage digne d’une œuvre cinématographique, pour faire croire aux populations que le «bon général» s’est débarrassé des «méchants» ministres qui ne font pas grand-chose pour leur assurer le mieux-être social qu’elles désirent. C’est à croire que le procès du stade du 28 Septembre ne captive plus les Guinéens, au point de leur faire oublier leur quotidien difficile et surtout l’élasticité sans commune mesure de la transition du général Mamadi Doumbouya.
Parlant de diversion, que devient l’un des hommes les plus recherchés de Guinée, le colonel Claude Pivi, dont la tête est mise à prix, suite à sa rocambolesque évasion, le samedi 4 novembre 2023, de la Maison centrale de Conakry alors qu’il répondait, avec l’ancien président Dadis Camara et d’autres co-accusés, de crimes et viols à ciel ouvert commis le 28 septembre, au stade éponyme, en 2009? Cet événement aurait-il un lien avec la «dissolution»? Peut-être que oui, peut-être que non! Et la Guinée, en attendant qu’un coin de voile se lève sur la «dissolution» fracassante du gouvernement de ce 19 février, en est réduite aux conjectures. Et certains n’hésitent pas à penser à un coup d’état contre le général Mamadi Doumbouya.
Que se passe-t-il donc en Guinée? A quand un nouveau gouvernement selon le bon vouloir du prince? Questions à 1 franc guinéen!
Par Wakat Séra