Alpha Condé, 83 ans, a été renversé par un coup d’Etat militaire ce dimanche! Le nouvel homme fort de Conakry est un lieutenant-colonel, ancien de la légion française et patron du Groupement des forces spéciales de la Guinée. Mamady Doumbouya, c’est son nom, dirigera le Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD) qui a suspendu la loi fondamentale et dissous les institutions en place en Guinée. Sans doute pour s’attirer la sympathie de la classe politique, notamment de l’opposition et l’indulgence de la communauté internationale, les militaires ont mis en avant le gage de «réconcilier et reconstruire» la Guinée. Le chef des putschistes a même promis d’instaurer un cadre de dialogue inclusif pour la rédaction d’une nouvelle constitution. Une constitution autre que celle qui a consacré le troisième mandat du chef de l’Etat guinéen déchu. Comme sur un disque enregistré au profit des putschistes de tous les pays, le colonel Doumbouya a récité la formule adaptée aux prises de pouvoir par les armes.
Et en réponse à ce troisième coup de force en 60 ans en Guinée, la communauté internationale, notamment l’Union africaine (UA), la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’ONU, a également dépoussiéré le disque rayé des condamnations, qu’elle a pourtant, oublié de jouer au Tchad, lorsque les généraux, avec à leur tête, Mahamat Idriss Deby, ont pris le pouvoir, à la mort, en avril dernier, du Maréchal Idriss Deby Itno. Mais à peine tue, suite au double putsch du colonel malien Assimi Goïta, la rengaine est de nouveau reprise en chœur, sans la moindre conviction. Comme par hasard, les deux colonels putschistes ont participé au Flintlock USA au Burkina Faso, en 2019, manœuvre considérée comme «le premier et le plus important exercice annuel des forces d’opérations spéciales du Commandement des États-Unis pour l’Afrique.» Coïncidence bien troublante, à moins que les deux hommes aient été piqués par le virus du coup d’Etat à Ouagadougou.
En tout cas, les deux officiers ont pris sur eux de changer le cours du destin de leurs pays respectifs, malheureusement de la pire des manières, n’en déplaisent à ceux qui maîtrisent l’art de qualifier les coups d’Etat et réussissent à en trouver de bons. Sauf que les mêmes causes, comme le dit l’adage, produisent les mêmes effets. La Guinée qui n’a pas échappé à la malédiction du Troisième mandat retombe donc dans le cycle des coups d’Etat. La parenthèse de l’alternance par les urnes a été vite refermée, surtout par la faute de Alpha Condé, un opposant historique qui, une fois aux affaires, s’est découvert une longévité de président à vie. Certes, le maudit troisième mandat ne saurait justifier à lui seul un coup d’Etat. Mais le peuple guinéen ne disposant plus d’aucune alternative pour dire son ras-le-bol d’un pouvoir de fer qui embastille les opposants, asphyxie la société civile, musèle toute contestation, réprime les manifestations qui se soldent par de nombreux morts, alors, l’armée qui a toujours été au centre de la vie politique, est sortie, une fois de plus, des casernes pour siffler la fin du jeu.
C’est alors que, sortie de son traditionnel coma, qu’elle ne quitte jamais pour condamner les dérives d’un chef de l’Etat comme Alpha Condé, la communauté internationale retrouve toute sa force pour imposer des sanctions qui, aussi ciblées qu’elles soient, ne feront finalement mal qu’aux populations déjà très éprouvées. La fameuse communauté internationale doit arrêter avec la politique de l’autruche. Elle le sait bien, comme l’a dit le Dr Mounirou Sy, «tant qu’il y aura des coups d’Etat constitutionnels, il y aura toujours des coups d’Etat militaires.» Question: quelle sera la réaction de la France face à ce nouveau coup de force sous les tropiques, Emmanuel Macron ayant avalisé la prise du pouvoir au Tchad par les généraux, avec à la clé, une dévolution du pouvoir de père en fils, dans une république?
Maintenant, la Guinée vivra-t-elle au rythme du «Doumbouya show», après le «Dadis show» de 2008-2009, lorsque le capitaine Moussa Dadis Camara, a dirigé le pays dont il s’est auto-proclamé président, à la mort de Lansana Conté, le 22 décembre 2008? Il faut espérer pour ce pays bien servi par la nature, qu’il retrouve vite la voie de la démocratie, et surtout celle du développement, pour le bonheur d’un peuple qui, à l’instar de ceux d’autres pays africains, a trop longtemps serré la ceinture pour que ses dirigeants puissent porter leurs bretelles.
Par Wakat Séra