Les Guinéens n’ont certainement pas fini de digérer le «Toumba Show» déroulé pendant deux semaines par l’ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara, connu à l’état civil et dans les effectifs de l’Armée, sous le nom de Aboubacar Sidiki Diakité. Entre révélations et ce que certains ont qualifié d’affabulations, le tout déballé dans un tribunal qu’il a transformé en moitié salle de spectacle et moitié confessionnal, «Toumba» n’a cessé d’enfoncer, ou tout au moins de mettre en difficulté, ses co-accusés, dans le procès du drame du 28 septembre 2009, qui a fait au moins 157 personnes tuées et 109 femmes violées.
En tout cas, la cour et les victimes et parents des morts des événements lugubres du plus grand stade de Conakry, en savent, désormais, davantage, avec les «vérités» de «Toumba» qui sont loin ou proches de la vérité, mais qui doivent pouvoir aider les juges à dire le droit. Les hommes en robe noire auront alors permis, au soir du verdict final, aux autorités guinéennes de la transition d’étancher, un tant soit peu, la soif de justice qui étreint un peuple trop longtemps privé de liberté d’expression par les régimes de fer qui se sont succédé aux commandes de la Guinée.
Comme si elle veut rattraper le temps perdu, la justice au pays du putschiste Mamady Doumbouya met les bouchées doubles. C’est ainsi qu’en plein jugement du drame du 28 septembre qui devrait l’occuper assez, la justice guinéenne a ordonné des poursuites contre l’ex-président Alpha Condé et plusieurs de ses anciens ministres et cadres. Ce sont environ 200 personnalités qui sont ciblées pour faits présumés de corruption, à en croire cette lettre publique du ministre guinéen en charge de la Justice, adressée, ce jeudi 3 novembre, aux procureurs généraux. A n’en point douter, le combat, sous toutes ses formes, mené contre la corruption, véritable gangrène de l’économie des pays africains, est salutaire dans le cadre des perspectives de développement d’une Guinée qui demeure à la traine du développement, malgré son riche sous-sol et son potentiel humain important. Sauf que les poursuites engagées le sont contre un ancien régime politique, qui, d’ailleurs a été celui chassé par les armes par le colonel Doumbouya et ses hommes. Ce qui donne l’air d’une simple chasse aux sorcières qui vient compléter le harcèlement qui vise déjà les contradicteurs de la junte militaire, notamment des leaders de l’opposition de l’ancien pouvoir et ceux du Front national de défense de la constitution (FNDC).
S’ils ne sont pas embastillés sans autre forme de procès, suite à des marches pacifiques pour réclamer la mise en place d’un cadre de dialogue ouvert, les opposants au pouvoir intérimaire des putschistes sont contraints à l’exil pour leur opinion. Paradoxe des paradoxes, avec la majorité du peuple, ce sont ces mêmes politiciens pris en chasse par la junte militaire qui avaient applaudi, des deux mains et des deux pieds comme le dirait l’autre, l’avènement de Mamady Doumbouya et de ses hommes qui ont été perçus comme des sauveurs d’un pays embarqué dans l’aventure dangereuse du 3e mandat et de la présidence à vie par Alpha Condé, ci-devant président de la Guinée.
Au risque de nous tromper, le procès du stade du 28 septembre et cette lutte soudaine contre la corruption ressemblent à des opportunités saisies par les putschistes de la journée dominicale du 5 septembre 2021, pour faire diversion dans la conduite d’une transition contestée, et par de nombreux Guinéens et par la communauté internationale.
Par Wakat Séra