Un président qui amnistie tous ses prisonniers politiques. Ce n’est pas une fiction, même si cela y ressemble compte tenu du pays, qui ressemble à s’y méprendre au Gondwana de Mamane sur RFI. Le chef de l’Etat de ce pays épouse presque trait pour trait l’image de «président fondateur». Sauf que le président de la Guinée Equatoriale où la nouvelle est tombée comme une surprise le mercredi 4 juillet est bien un homme en chair et en os. Il a même un nom: Teodoro Obiang Nguema. Vous auriez donc compris pourquoi la décision, en étonne plus d’un, aurait pu prendre l’allure d’un gros poisson d’avril si on ne se trouvait au mois de juillet. Mais l’information est bien vraie. Elle fera sans doute le bonheur de tous ceux qui sont concernés par cette mesure loin d’être inédite, s’il n’existait pas, comme le dénonce l’opposition équato-guinéenne, un large fossé entre le dire et le faire du président Teodoro Obiang Nguema. Pourtant, l’amnistie décrétée par le chef de l’Etat n’est pas partielle. Elle est «totale» et ne s’applique pas qu’aux prisonniers politiques, mais s’étend même à «tous les opposants condamnés ou interdits d’activités», à en croire le décret diffusé par la télévision nationale. Chat échaudé craignant l’eau froide, l’opposition, notamment celle en exil doute encore de cette mesure qui pourtant était une des conditions prioritaires par elle posées, pour participer au dialogue convoqué par le pouvoir pour mi-juillet.
C’est clair, sans être irréversible, le déficit de confiance entre le président équato-guinéen et son peuple est très important. Il a atteint un seuil tel que l’amnistie que l’opposition elle-même a portée comme lutte est devenue réalité mais ne l’enthousiasme pas. Elle semble même s’en méfier, craignant un piège, comme le pense Gabriel Nse Obiang, le chef de Citoyens pour l’Innovation (CI), le principal parti d’opposition en Guinée Equatoriale. A l’instar de Saint Thomas, ce disciple de Jésus qui n’a voulu croire en la résurrection du Christ qu’après avoir mis ses doigts dans ses plaies, les opposants attendent aussi de voir les amnistiés respirer l’air de la liberté avant de croire en la mesure présidentielle. Pire, les opposants vivant loin de la patrie mère, n’y croient même pas. Severo Moto, le leader du Parti du Progrès ne compte pas remettre les pieds en Guinée Equatoriale sur la base de ce décret pris par le chef de l’Etat. M. Moto, président du gouvernement en exil, attend de voir ce que dira le ministère de la justice de son pays et surtout de savoir si lui figure sur la liste des «heureux» bénéficiaires de la «clémence» de celui qui a en horreur les opposants à son régime. C’est donc certain, le dialogue national enregistre déjà un absent de taille.
A force donc d’avoir serré l’étau, Teodoro Obiang a visiblement perdu toute crédibilité aux yeux de son opposition. Même le peuple équato-guinéen qui a très peu ou prou d’espace de liberté, attend toujours de goûter à l’air bienfaisant de l’alternance démocratique. En attendant, il vit d’espoir et des mesures spectaculaires de son président qui visiblement se place dans une monarchie de fait. Amnistie total ou piège infaillible? Equation pour opposants équato-guinéens qui ne se font pas d’illusion sur la parole du président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo qui cherche juste à se donner un peu d’air et des chances pour la tenue de son dialogue politique.
Par Wakat Séra