Les Guinéens qui pensaient avoir atteint le bout du tunnel de la restriction des libertés, avec le coup d’Etat du colonel Mamadi Doumbouya qui a chassé du pouvoir, le 5 septembre 2021, Alpha Condé sont dans une désillusion sans commune mesure. A peine ont-ils quitté un régime qui réprimait les manifestations sans ménagement, souvent dans le sang, qu’ils renouent avec un système tout autant liberticide, instauré par la junte militaire au pouvoir. Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) qui a décrété unilatéralement et contre les principes même de la charte de la transition, une transition sans fin de 39 mois, interdit désormais, sur toute la durée de la transition, toute manifestation sur la voie publique.
Les nouveaux maîtres militaires de Conakry voudraient ramener la Guinée aux tristes et chaudes années de plomb qu’ils n’auraient agi autrement. Mais ne fallait-il pas s’attendre qu’au pire avec cette junte militaire qui, après son irruption, kalach en l’air, sur la scène politique n’a donné le moindre gage d’un retour du pouvoir aux civils que sous la menace de sanction de la Communauté internationale, notamment la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO)? Pourtant, à l’instar des putschistes du Mali et du Burkina Faso, cette même CEDEAO avait manifesté sa volonté d’accompagner la Guinée dans une logique de transition qui devrait aboutir, dans un délai raisonnable, à la transmission du pouvoir aux civils par des élections ouvertes.
Le colonel Mamadi Doumbouya a visiblement la mémoire courte, à moins qu’il se dise que les problèmes, cela n’arrive qu’aux autres! Il doit se rappeler que tous les prédateurs de la démocratie, qui l’ont précédé, particulièrement ceux qui ont essayé d’empêcher le peuple de pleurer son sort d’opprimé, ont fini par être chassés sans autre forme de procès. Les Guinéens, tout comme leurs frères d’ailleurs, suivez mon regard, ne transigent pas avec la liberté d’expression. Quelle que soit la durée de l’oppression qu’ils subissent, les peuples finissent toujours par reprendre du poils de la bête. Et tout commandant du Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne qu’il était de 2018 à son avènement accidentel au palais de Sékhoutouréya, ne doit pas fait oublier à Mamadi Doumbouya que c’est cette chape de plomb dont ils voulaient se débarrasser qui ont amené les Guinéens, du reste certains seulement, à applaudir son putsch contre Alpha Condé.
Surtout que l’ancien président s’était ouvert un compte de président à vie, en souscrivant, envers et contre tous, et dans le sang des Guinéens, au troisième mandat qui a fini par l’emporter. Même s’il échappe pour l’instant à la nasse de la justice qu’il a mise aux trousses des anciens dignitaires dont les militaires faisaient respecter, à la lettre et au canon, les ordres de mater les manifestants, Mamadi Doumbouya, paradoxalement, l’un des piliers de cette armée doit faire, amende honorable. Ne serait-ce que ça, pour faire acte de contrition auprès de ses concitoyens qui porteront à vie, pour ceux qui ont eu la chance de n’avoir pas été tués par les balles et autres tortures inimaginables, les stigmates des régimes de fer précédents.
Le colonel pense-t-il être en mesure de faire tomber la fièvre de l’opposition de la classe politique et de la société civile à sa si longue transition, en brisant le thermomètre des manifestations? Impossible! Il ne fera que raidir, en interdisant aux acteurs de la politique et au peuple guinéen de manifester, la position de ceux qui sont vent debout contre cette mesure d’un autre siècle qui faisait surtout recette chez les soviets! Les peuples ne sont plus prêts à vivre indéfiniment dans des goulags à ciel ouvert.
Par Wakat Séra