Que sont devenus Mamadou Billo Bah et Omar Sylla alias Foniké Menguè, deux militant du Front national pour la défense de la constitution (FNDC)? A moins d’être dans le secret des dieux, ou tout au moins, de celui des maîtres de Conakry depuis le coup d’Etat du 5 septembre 2021, difficile de répondre à cette interrogation qui est, pourtant, sur toutes les lèvres en Guinée, alors que cela fait, maintenant, plus de mois, que les cadres du FNDC ont été enlevés.
Sans doute dépassés par la tournure que prennent les événements, les avocats du Front, se sont tournés vers la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) à qui ils ont adressé un courrier d’interpellation, non seulement sur «l’enlèvement et la séquestration des deux leaders du FNDC», mais aussi sur «les violations des droits humains» en Guinée. Si la lettre des hommes en robe noire date de ce 13 septembre, les Guinéens, et sans doute les auteurs de la missive, ne savent toujours pas, si elle a été classée, sans suite, dans un des nombreux tiroirs de dossiers «lus et ignorés» de l’organisation sous-régionale. Le courrier a-t-elle connu le même sort que les désormais célèbres disparus de Conakry?
La CEDEAO est très attendue sur ce fait brûlant de l’actualité guinéenne, car en plus des populations, les familles des deux militants du FNDC, par la voix de leurs épouses, rongées par le désespoir, ont demandé, pour l’instant en vain, des preuves de vie des leurs. Que reproche, en réalité, le général Mamadi Doumbouya à ceux qui n’ont commis pour tout crime, que celui de défendre la démocratie en dénonçant, entre autres, une transition aux contours flous, mais dont l’élasticité ne semble inquiéter, outre mesure, les institutions régionales, encore moins l’ancienne puissance colonisatrice, la France?
Pourtant, en tant que président de la république, et donc garant de la vie et du bien-être de ses concitoyens, le général qui a arraché le pouvoir par les armes, est bien responsable de cette disparition des deux activistes, forfaiture dont les avocats accusent «les unités des forces spéciales du GIGN» de la Guinée. Sauf que Mamadi Doumbouya n’en n’est pas, malheureusement, à sa première dérive, ces coups de poignard aux droits humains, qui éloignent, chaque jour, un peu plus, la Guinée du retour à la constitution qui garantit les libertés fondamentales des citoyens.
Définir, aujourd’hui, la situation des droits de l’homme comme grave en Guinée, ne sera nullement osée, encore moins exagérée. Car la répression meurtrière des manifestations de rue, tout comme les morts étranges et inexpliquées comme celle de l’officier et diplomate Sadiba Koulibaly, et la contrainte à l’exil des véritables leaders de l’opposition, sont devenues le programme par excellence de gouvernants guinéens qui, visiblement, ne comptent pas quitter les affaires. En tout cas, pas de sitôt. T
out concourt à en rajouter aux souffrances du peuple qui subit, en plus de la chape de plomb, les coups durs de de la vie chère. Et tout cela, au nez et à la barbe de la CEDEAO, qui, visiblement, refuse de se muer pour de bon, en «CEDEAO des peuples», préférant ce statut de «syndicat de chefs de l’Etat» qui lui colle à la peau. Ce faisant, elle vendange tous ses acquis au titre desquels la libre circulation des personnes et de leurs biens, sans oublier des avancées économiques bien réelles.
Mais, comme l’adage énonce qu’«il n’est jamais tard pour bien faire», l’institution d’Abuja doit restaurer l’espoir assassiné en Guinée, en commençant par contraindre le chef de la transition à donner des nouvelles de Mamadou Billo Bah et de Foniké Menguè. Et en facilitant le retour à la maison, de tous ces Guinéens qui se sont vus imposer l’exil forcé, alors qu’ils peuvent contribuer à la construction d’une Guinée dont les populations ne demandent que justice et répartition équitable des produits d’un riche sous-sol.
Par Wakat Séra