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Guinée: Cellou Dalein Diallo appelle à «ne plus reconnaître aucune légitimité au CNRD»

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Cellou Dalein Diallo (Ph. JA)

En exil forcé sous le pouvoir du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, dans son discours de nouvel an, ce mardi 31 décembre 2024, livré sur sa page officielle facebook, a dénoncé la marche de la transition dirigée par le général Mamadi Doumbouya. Pour lui, la gestion des autorités militaires au pouvoir est marquée, entre autres, par la répression des manifestations, les enlèvements et la fermeture des médias. Il a indiqué en conséquence qu’«à partir d’aujourd’hui, (1er janvier 2025, NDLR) nous ne reconnaîtrons plus aucune légitimité au CNRD».

L’intégralité de sa déclaration 

Mes chers (es) compatriotes,

C’est dans une atmosphère lugubre que se termine l’année 2024. Le pouvoir du CNRD nous a ramenés à des temps que nous croyions révolus : kidnappings, disparitions forcées de citoyens, assassinats, confiscation des libertés fondamentales, bâillonnement de la presse, autrement dit une politique de la terreur, caractéristique des régimes totalitaires. Ce pouvoir devenu dictatorial est à l’origine de la disparition forcée de nos compatriotes Oumar Sylla alias « Foniké Mengué », Mamadou Billo Bah, Saadou Nimaga, Habib Marouane Camara, et de la mort suspecte, en détention, du Général Sadiba Coulibaly, du Colonel Pépé Célestin Bilivogui et du Dr. Mohamed Dioubaté.

Ayant étouffé les voix contraires, supprimant violemment toute possibilité de contestation pacifique, les militaires au pouvoir écrasent et broient ceux qui appellent au respect de la Charte de la transition, à un retour diligent à l’ordre constitutionnel, ou tout simplement à une fourniture régulière d’eau et d’électricité. Toute autre opinion qui n’est pas conforme à la leur, toute personne qui n’est pas dans les rangs, est condamnée au silence, à la prison, à l’exil ou à la mort. Ce brutalisme politique, que nous croyions révolu, le voilà désormais devant nous, doublé de haine.

Mes chers (es) compatriotes,

Comment vous présenter les vœux de nouvel an dans la joie alors que de nombreuses familles sont privées des leurs, que plusieurs enfants sont sans nouvelle de leur père, et des épouses, de leurs maris, victimes de kidnappings et de disparitions forcées ? Comment vous parler de réjouissances et de festivités alors que de jeunes Guinéennes et Guinéens, l’âme déchirée, doivent choisir entre l’exil et la soumission ? Comment avoir le cœur en fête dans ce contexte de véritable annus horribilis ?

Mes pensées vont tout particulièrement aux vaillants combattants de la démocratie et des libertés, Foniké Mengué, Billo Bah, le célèbre journaliste Marouane Camara. A ce jour, on ne sait toujours pas ce qu’ils sont devenus. Vivent-ils encore ou sont-ils déjà morts, victimes des sévices de leurs impitoyables ravisseurs ? C’est la question qui tue à petit feu leurs femmes et leurs enfants, leurs parents et leurs amis ; c’est la question qui angoisse aujourd’hui les honnêtes citoyens qui ne savent plus s’ils seront kidnappés à leur tour en revenant du boulot, de la mosquée ou du marché.

J’ai une pensée pieuse pour les victimes innocentes du drame inqualifiable survenu à Nzérékoré, où des centaines d’enfants, de femmes et de jeunes ont péri dans des conditions atroces parce que la junte guinéenne a décidé d’utiliser le sport comme vecteur de propagande.

Je tiens également à honorer la mémoire des 63 de nos compatriotes abattus par balles parce que simplement ils ont voulu exercer un droit inscrit en bonne place dans la Charte de la Transition pour exiger la fourniture régulière de l’électricité et le respect par la junte de ses engagements.

Je pense aussi aux nombreux journalistes et à la centaine d’employés qui sont contraints au chômage suite à la fermeture arbitraire des radios et télévisions ESPACE FM, DJOMA et FIM FM.

J’exprime mon soutien et ma totale solidarité à Aliou Bah, Président du Model, dernière victime de la folie liberticide de la junte et exige sa libération immédiate et sans conditions.

Mes chers (es) compatriotes,

Je suis profondément indigné par le spectacle continu de la misère, du chômage de la jeunesse, de la précarité de nos systèmes de santé et d’éducation, de la dégradation des infrastructures routières et la propagande mensongère développée par le pouvoir pour masquer ces tristes réalités. Je pense aussi à cette Guinée qui s’effondre parce que le CNRD et ses soutiens ont privilégié la haine, le tribalisme, la violence, la corruption et l’arbitraire au lieu de promouvoir la démocratie et l’État de droit.

Je tiens à dénoncer avec fermeté l’expulsion injustifiée de citoyens sierra léonais, sous prétexte de lutter contre la criminalité. Les citoyens de la République sœur de Sierra Leone sont chez eux en Guinée, tout comme nos compatriotes doivent se sentir chez eux en Sierra Leone. Ce type de mesure discriminatoire et propagandiste ne vise qu’à exacerber les tensions inutiles à l’effet de détourner l’attention des Guinéens des vrais problèmes auquel le pays est confronté.

Accuser les étrangers d’être responsables de cette insécurité est une manœuvre lâche et dangereuse.

Je le dis clairement : la situation d’insécurité qui prévaut en Guinée aujourd’hui est le résultat direct de la mauvaise gouvernance et de l’irresponsabilité des dirigeants et non comme on voudrait nous le faire croire, le fait des filous de quartier ou des bandits de grand chemin.

Mes chers (es) compatriotes,

Mamadi Doumbouya ne se cache plus. Mamadi Doumbouya ne se retient plus. C’est le viol constant de la morale, c’est le mépris de de la vie humaine, c’est la terreur au grand-jour.

Cet officier que nous avions applaudi pour nous avoir promis une transition brève et respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales ainsi qu’un retour rapide à l’ordre constitutionnel, est devenu l’homme du parjure et du renoncement.

Cet homme nous avait promis que la justice serait sa boussole. Il nous avait juré que personne, ni lui, ni ses collaborateurs, ne se porterait candidat aux élections organisées pour le retour à l’ordre constitutionnel.

Aujourd’hui, il foule au pied la Charte de la Transition. Il trahit sa parole donnée, il renie son serment d’officier. Il ne respecte ni le chronogramme qu’il a imposé, ni l’Accord dit dynamique avec la CEDEAO. Il est clair aujourd’hui pour l’ensemble des Guinéens qu’il n’a qu’une seule idée en tête : conserver et consolider, par la force et la ruse, le pouvoir qu’il a pris par les armes. C’est ce qui explique les violations récurrentes de la Charte de la Transition notamment l’interdiction des manifestations dans les rues et sur les places publiques, le musèlement de la presse, l’assassinat impuni de plus de 60 manifestants, les disparitions forcées de citoyens et la mort suspecte en détention de plusieurs personnalités.

Mes chers (es) compatriotes,

Sur le plan économique, la situation de notre pays est tout aussi alarmante. Alors que les Guinéens peinent à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, nous assistons à des acquisitions ou constructions d’immeubles de luxe à Conakry et dans certaines villes de l’intérieur et de l’extérieur du pays. Ces investissements ostentatoires sont le reflet d’un enrichissement personnel scandaleux de quelques individus. La junte, au lieu de se concentrer sur ses prérogatives de transition, s’emploie à engager l’avenir de tout un pays dans des contrats opaques dont le seul but est l’accumulation de richesses par l’élite dirigeante. Ce comportement irresponsable hypothèque le futur de notre nation, aggrave la pauvreté et accroit les frustrations.

En effet, la junte militaire a érigé la corruption et le détournement impunis de deniers publics en mode de gouvernance. Aucun scandale économique sous le CNRD n’a été élucidé ni puni. Et pourtant, les scandales financiers se succèdent à un rythme infernal. Les derniers en date font état de 700 milliards de francs guinéens évaporés à la Direction Générale des douanes et 1000 milliards de francs guinéens à la Direction Générale des impôts. On parle aussi de 4 à 6 tonnes d’or disparus entre les caveaux de la banque centrale et Dubaï, dans l’opacité totale. Des cargaisons de drogue dure, notamment de cocaïne, sont régulièrement saisies de part et d’autre des frontières nationales, en provenance ou à destination de la Guinée.

Tout le monde sait que ces dernières années, les exportations minières ont explosé mais personne ne s’attend à ce que ces millions de dollars engrangés dans ce cadre servent à améliorer le bien-être du peuple. On sait que cet argent, au lieu d’être investi dans les infrastructures, l’éducation et la santé, est englouti dans les poches des dirigeants et des trafiquants d’armes et sert à financer les campagnes de promotion de la candidature de Doumbouya et à acheter les consciences des leaders d’opinion.

Mes chers (es) compatriotes,

De plus en plus, la Guinée s’enfonce dans la fosse, avec pour seule alternative de quitter le pays ou de se plier à la dictature militaire.

Cette situation critique exige de nous responsabilité et courage. Il n’a jamais été facile de combattre une dictature. La réponse à l’imposition systématique de la violence et de la domination exige de notre part une solidarité renforcée autour d’un idéal, celui de reconquérir nos droits et libertés. Les dictatures durent aussi longtemps que nous renonçons à ce que nous sommes, à ce que nous voulons être : des hommes libres dans une Guinée unie, prospère et démocratique. Oui, le prix à payer peut-être lourd car nous faisons face à ceux qui n’entendent et ne comprennent que le langage de la force.

Permettez-moi de dire que notre pays, nos concitoyens, ne méritent pas ce cynisme nourri par la cupidité et la tyrannie du pouvoir. Je dis que la banalité de la violence n’est pas notre destin. Nous, peuple de Guinée, sommes capables de mieux, de faire mieux que nous livrer les uns contre les autres et d’exposer notre pays au déchainement des passions haineuses et à l’insatiable désir du pouvoir. Ce choix pour la lutte pacifique, je le répète, aura un prix, l’âpreté de la lutte. Je sais que nous avons assez combattu. Et dans ce combat, nous avons perdu nos frères, nos sœurs, nos pères, nos mères, nos enfants, nos biens, nos carrières. J’entends donc les épuisements et la fatigue. Je comprends l’envie de tout arrêter et d’attendre la prochaine transition. Je comprends nos partisans et sympathisants qui appellent à un changement d’attitude et d’adapter notre lutte.

À toutes et à tous, je voudrais dire avec une forte conviction que nos morts ne seront pas morts pour rien, que notre lutte a encore tout son sens. C’est dans l’adversité que nous puisons notre force et que se renforce nos convictions pour la liberté, la justice et l’égalité. N’acceptons pas que le CNRD nous fasse reculer. Opposons à l’intimidation et à la violence du CNRD notre détermination à affranchir la Guinée de la malédiction de la violence.

En ce qui me concerne, je sais que certains tentent d’utiliser mon exil pour semer le doute parmi vous, mais je tiens à vous rassurer, mon engagement pour la Guinée reste intact. De l’extérieur, je continue de mener le combat avec la conviction que la seule issue possible est la victoire. Je comprends le doute légitime de certains militants face à ma situation, mais je vous demande de rester confiants. Je rentrerai en Guinée le moment venu, et ce n’est pas à ceux qui cherchent à affaiblir notre parti de décider de mon agenda. C’est donc l’occasion pour moi de rendre un hommage appuyé aux militants et responsables de l’UFDG qui sont restés fidèles au Parti malgré les campagnes d’intimidation et d’achat des consciences qui les visent particulièrement. Leur fidélité au Parti et leur travail acharné pour son rayonnement dans un contexte extrêmement difficile méritent notre reconnaissance. L’UFDG est aujourd’hui plus forte que jamais parce que le Parti est resté fidèle à ses valeurs et uni face à l’adversité ; et cette force du Parti a été de nouveau mise en évidence lors du renouvellement récent de ses Fédérations sur l’ensemble du territoire national.

Mes chers (es) compatriotes,

Le contrat liant le CNRD au peuple de Guinée expire aujourd’hui, le 31 décembre 2024. Sa légitimité, déjà érodée, est désormais caduque. Je déclare ici, devant vous, avec la plus grande fermeté : nous ne reconnaîtrons plus aucune légitimité au CNRD après aujourd’hui, date qui marque la fin annoncée de la transition.

La junte militaire n’ayant respecté aucun de ses engagements pris devant le peuple de Guinée, il est plus que jamais vital que nous prenions collectivement nos responsabilités pour mettre un terme définitif à cette transition militaire qui n’apporte que malheur et désolation.

Il est donc urgent de procéder, avec l’appui des partenaires techniques et financiers membres du G5, à :

La dissolution de toutes les institutions de la Transition, à savoir le CNRD, le Gouvernement et le CNT ;

La mise en place d’un gouvernement de consensus dirigé par un civil intègre et consensuel pour organiser des élections inclusives et transparentes ;

L’organisation de ces élections par une CENI composée d’experts électoraux internationaux fournis par les NU, l’UE, l’OIF, l’UA et la CEDEAO ;

La libération de tous les acteurs politiques et sociaux injustement poursuivis et détenus.

Mes chers (es) compatriotes,

La junte ne partira du pouvoir que contrainte et forcée. Cela, tous les démocrates doivent se le convaincre. Ce régime a passé trois ans à ruser et il croit pouvoir gagner en terrorisant le peuple et en corrompant les élites. Restons mobilisés pour le grand combat qui nous attend. Et nous demandons à tous les démocrates de ce pays, au-delà des Forces Vives de Guinée, de faire front pour l’intérêt supérieur de la Nation. La junte doit partir. Au-delà du 31 décembre 2024, son pouvoir serait une provocation, un défi au bon sens, un pied-de-nez adressé à notre peuple et à la CEDEAO.

Mes chers (es) compatriotes de l’intérieur et de l’étranger, civils et militaires,

Mobilisons-nous et battons-nous à partir du 6 janvier jusqu’à la victoire finale car il s’agit de l’avenir de notre pays.

Ceci étant dit, je voudrais vous adresser, à toutes et à tous, mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année.

Je souhaite ardemment que cette nouvelle année soit porteuse d’espoir et de renouveau aussi bien pour vous personnellement que pour l’ensemble de la nation.

Que 2025 vous offre à tous les possibilités d’une vie meilleure : le bien-être matériel et la santé pour chacun d’entre vous, la paix dans vos cœurs, la paix dans vos demeures et pour notre pays tout entier, la concorde et le bon sens politique qu’exigent les terribles défis auxquels il est confronté.

Mes chers (es) compatriotes,

L’histoire est de notre côté. Continuons à lutter avec courage et détermination pour que nos enfants puissent hériter d’une Guinée fière et libre.

Ensemble, nous construirons une Guinée digne de nos sacrifices et de nos rêves.

Vive la Guinée ! Vive la démocratie !

Je vous remercie.