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Haïti: la situation sécuritaire reste « très fragile et la situation humanitaire est désastreuse » (ONU)

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L’envoyée de l’ONU en Haïti a expliqué mardi aux membres du Conseil de sécurité que la situation dans ce pays s’est aggravée au cours des derniers mois, malgré le début du déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, dirigée par le Kenya.

« On compte plus de 700.000 personnes déplacées à l’intérieur du pays, ce qui représente une augmentation de 22% au cours des trois derniers mois. Le processus politique, malgré les avancées initiales dont j’ai fait état en juillet, est désormais confronté à des défis considérables, transformant l’espoir en profonde inquiétude », a dit María Isabel Salvador, Représentante spéciale du Secrétaire général pour Haïti et Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), lors d’une réunion du Conseil de sécurité.

Elle a noté que la situation sécuritaire reste « extrêmement fragile », alors que les activités des gangs criminels s’intensifient et s’étendent au-delà de la capitale Port-au-Prince. Elle a cité l’attaque sanglante le 3 octobre par des gangs contre la ville de Port Sondé, dans le département de l’Artibonite, qui a fait 115 morts et des dizaines de blessés parmi les civils.

Elle a indiqué que les gangs attaquent également en mer, de petites embarcations transportant des civils de la capitale vers d’autres régions d’Haïti ayant été attaquées.

Elle a également souligné l’impact dévastateur de cette violence sur la population haïtienne, des femmes, des hommes, et surtout des enfants, subissant de plein fouet les atrocités commises par les gangs, qui se traduisent par des meurtres, des enlèvements, et des violences sexuelles.

« Les gangs utilisent exclusivement la violence sexuelle comme arme de terreur et de soumission, infligeant des souffrances indicibles aux femmes et aux filles, ainsi qu’à d’autres groupes vulnérables », a-t-elle dénoncé.

Mission multinationale d’appui à la sécurité

Depuis le premier déploiement en juin d’un contingent kenyan de la Mission multinationale d’appui à la sécurité, d’autres policiers des Bahamas, du Belize et de la Jamaïque ont été déployés, la Mission comptant actuellement environ 430 personnes.

Mais Mme Salvador a estimé que c’était « loin d’être suffisant » et elle s’est félicitée de l’annonce faite par le Président Ruto du Kenya concernant le déploiement, dans les semaines à venir, d’un contingent supplémentaire pour compléter les forces déjà déployées.

En outre, la Mission multinationale reste sous-financée, ce qui pourrait avoir un impact sur le déploiement et l’empêcher de mener à bien ses tâches en soutien à la Police nationale haïtienne, a-t-elle ajouté.

Divergences croissantes au sein de l’exécutif

S’agissant du processus politique mené par Haïti, elle a déploré que les « progrès limités » réalisés par les autorités nationales dans la mise en œuvre des arrangements de gouvernance transitoire convenus ont été sérieusement éclipsés par des divergences croissantes au sein de l’exécutif bicéphale.

« En conséquence, la frustration de l’opinion publique face à la dynamique conflictuelle affectant le travail des autorités de transition s’est accrue et érode la confiance dans le système politique actuel », a-t-elle observé, soulignant que le bureau qu’elle dirige s’efforce de renforcer la collaboration au sein de l’exécutif haïtien les exhortant à mettre de côté les divergences et à se concentrer sur la lutte contre l’insécurité, les réformes de la gouvernance et les préparatifs électoraux.

Une situation humanitaire désastreuse

Ces tensions politiques interviennent alors que la situation humanitaire est désastreuse en Haïti.

L’insécurité alimentaire touche près de la moitié de la population et le contrôle des gangs sur les principales routes d’accès perturbe gravement la distribution des biens et services essentiels. Les prix ont augmenté et de nombreuses communautés sont au bord de l’effondrement en raison des pénuries alimentaires et de la violence continue qui a rendu improductives de vastes étendues de terres agricoles, a-t-elle noté.

« Cette combinaison d’insécurité et d’instabilité économique a conduit à des déplacements massifs », a-t-elle souligné.

Seuls 20% des établissements de santé sont opérationnels à Port-au-Prince, et 40% à l’échelle nationale. 45% de la population n’a pas accès à l’eau potable. L’accès à l’éducation est gravement entravé, avec 1.000 écoles fermées en raison de l’insécurité.

Le temps presse

L’envoyée de l’ONU a estimé que les nouvelles modalités de gouvernance de la transition, le déploiement attendu de la Mission multinationale et la perspective de la tenue d’élections avant la fin de 2025 ont offert une lueur d’espoir.

« Néanmoins, le temps presse. Pour garantir des élections inclusives, crédibles et participatives, y compris un référendum et des élections générales, un engagement indéfectible de toutes les parties prenantes à revitaliser le consensus national et à placer les intérêts nationaux au-dessus des leurs est essentiel », a-t-elle dit.

« Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour rétablir la confiance du public et garantir la légitimité du processus politique », a-t-elle ajouté, estimant également que le soutien à l’appareil de sécurité haïtien et le financement de la Mission multinationale sont fondamentaux.

« La résilience et la force du peuple haïtien sont extraordinaires et méritent notre soutien indéfectible sur tous les fronts. Nous devons rester déterminés à aider Haïti dans son chemin vers la sécurité, la stabilité et la prospérité », a-t-elle conclu.

L’UNICEF réclame des mesures pour aider Haïti

La cheffe de l’UNICEF, Catherine Russell, a observé de son côté que la crise touchait de nombreux Haïtiens et que des enfants n’étaient pas scolarisés, ce qui les exposait à un risque accru d’être recrutés par des groupes armés.

Les agences de l’ONU et leurs partenaires fournissent de la nourriture, des services de santé et d’autres aides essentielles à des centaines de milliers de personnes.

Mme Russell a exhorté les membres du Conseil de sécurité à s’engager à prendre une série de mesures pour aider Haïti, notamment : utiliser l’influence du Conseil auprès des acteurs étatiques et des groupes armés pour protéger les droits de l’homme ; augmenter le financement humanitaire ; augmenter l’aide pour soutenir le relèvement ; améliorer le soutien à la protection des travailleurs humanitaires sur le terrain.

Il s’agit d’une question de volonté, a-t-elle souligné. « Les Haïtiens et les enfants d’Haïti comptent sur nous », a-t-elle déclaré. « Nous ne devons pas et ne pouvons pas les laisser tomber ».

Renforcer le régime de sanctions

Pour sa part, Rosy Auguste Ducéna, responsable de programme pour le Réseau de défense des droits humains et présidente de l’organisation non gouvernementale (ONG) Ensemble contre la corruption, a déclaré que la communauté internationale doit renforcer son régime de sanctions contre les responsables de violations des droits humains, notamment les chefs de gangs et leurs partisans.

Elle a mis en garde contre la croyance selon laquelle l’organisation d’élections à elle seule pourrait résoudre les problèmes d’Haïti, car la crise sécuritaire exige une approche plus globale.

« Le corps des femmes et des filles est un champ de bataille », a-t-elle affirmé, soulignant le besoin urgent de les protéger de la violence car actuellement, les survivantes d’agressions sexuelles « ne reçoivent aucune aide de l’État ».

« Nous devons continuer à écouter le peuple haïtien, à sanctionner tous les responsables de la situation en Haïti, à appliquer les sanctions dans toute la mesure du possible », a-t-elle déclaré, soulignant la nécessité d’assainir le système judiciaire, l’administration publique et les finances pour lutter contre la corruption.