Les Burkinabè ont constaté depuis le 21 octobre 2019 que les prix du carburant à la pompe connaissent une hausse. Le litre du super 91 a augmenté de 13 Fcfa et celui du gasoil de 9 francs. Avec cette hausse, le litre du super qui était à 657 est passé à 670 FCFA désormais. Le litre du gasoil qui se vendait à 571 francs a augmenté à 580 FCFA. Cette mesure qui a été constatée par la plupart des Burkinabè à la pompe, est diversement appréciée. Dans ce micro, Wakat Séra a donné la parole à certains qui ont donné leur impression ou fait des commentaires sur la décision gouvernementale. Lors de notre passage au niveau des stations-services, les agents, de façon unanime ont interpellé le gouvernement à communiquer au préalable pour leur éviter les problèmes. De leurs dires, quand les usagers arrivent et se font servir, ils s’étonnent que la quantité ait diminué en fonction de ce qu’il mettait pour le même prix. Si d’autres comprennent après de longues explications, ce n’est pas le cas par contre, pour certains qui ne veulent rien comprendre et se mettent à les accuser. Parfois, d’autres même veulent en découdre avec eux malgré leurs explications. Ces derniers taxent les pompiers de « voleurs », nous a-t-on affirmé. Pourtant, « si le gouvernement communique une semaine, à l’avance, cela nous évitera ces malentendus fâcheux », a confié un agent.
Michel Kaboré, étudiant en 4e année de Gestion en économie : « Souvent on veut abandonner les motos et prendre les vélos ou carrément marcher »
Nous étudiants ne sommes pas dans la vie active. Etant donné que nous ne travaillons pas d’abord, si on doit compter sur nos proches qui font face déjà à la cherté de la vie, ce n’est vraiment pas facile. On n’est tenté de dire souvent qu’on va abandonner les motos et prendre les vélos ou carrément marcher mais la réalité est qu’on ne peut pas parcourir la ville ainsi. S’il y a comme ça l’augmentation et il n’y a pas une amélioration des conditions de vie, c’est vraiment difficile. J’invite le gouvernement vraiment à revoir quelles peuvent être les stratégies qu’il peut mettre en place pour soulager les populations.
Enseignant ayant requis l’anonymat : « Cette augmentation va se répercuter sur le coût du transport et les denrées alimentaires »
Concernant l’augmentation, je ne comprends pas puisse que l’Etat avait dit qu’il allait avec ses partenaires sociaux suivre la fluctuation des prix du carburant en fonction de l’évolution du coût sur les marchés internationaux. Si c’est le cas, il n’y a pas de problème. Mais il faut que l’Etat sache qu’il a en fait une responsabilité sociale auprès des populations. Il doit s’engager à accompagner ces populations-là dans leurs difficultés. Aujourd’hui il n’y a pas de simple augmentation du coût sur le carburant. Même si c’est un franc CFA cela va se répercuter non seulement sur le coût du transport mais aussi sur celui des denrées alimentaires alors que la situation est déjà très difficile. Si le gouvernement est conséquent avec lui-même il doit savoir que les revendications sociales sont liées à de telles politiques. Il y a un véritable manque de soutien au niveau social au Burkina. Si les travailleurs sortent pour manifester ce n’est pas de gaieté de cœur mais c’est parce que quelque part au niveau de la cellule familiale il y a un problème.
Boureima Kafando, chauffeur: « Pour moi l’augmentation du prix du carburant n’est rien »
Ce que moi j’ai à dire au gouvernement, c’est qu’il ne se préoccupe pas des problèmes des populations malgré que les populations sont derrière lui. Si nos autorités politiques songeaient aux difficultés des populations, elles n’allaient rien faire concernant les élections à venir. Les populations sont tuées tous les jours, le pays enregistre plusieurs dizaines de milliers de déplacés (internes) mais ce qui préoccupe le gouvernement, ce sont les élections de 2020. Pour moi l’augmentation du prix du carburant n’est rien. Si tout était normal, les gens peuvent s’aménager et supporter ce coût. Mais le vrai problème ce sont les attaques terroristes qui sont en train de nous faire perdre certaines parties de notre territoire national. Sinon je le répète, la hausse en elle-même n’est pas trop un souci. Si on augmente le coût du carburant et que moi j’estime que c’est cher, je peux repartir à mon vélo. Mais notre souci dépasse tout ça. Il s’agit de comment on va préserver les vies de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) et des civils qui en paient le lourd tribut. La campagne politique que les politiciens ont commencée n’est qu’une perte de temps. S’ils étaient là pour les populations aucun d’eux n’allait parler d’élection pour le moment. Même tous les autres pays savent les difficultés que le Burkina traverse.
Mais, les autorités ont raison. Depuis les quatre ans que le pays est attaqué, aucun député, ministre, n’a perdu son proche. Dans aucun des quartiers de Ouagadougou, on a entendu parler d’une délégation qui est allée saluer des funérailles d’une autorité qui aurait perdu un proche à la suite d’attaque terroriste. C’est nous les pauvres seulement qui mourront. Le parti au pouvoir (MPP, Mouvement du peuple pour le progrès) a dit qu’il est né avec des dents et nous sommes au courant. Or, un enfant qui naît avec des dents, c’est un signe de malheur qui est annoncé pour frapper la famille. Donc moi ça ne m’étonne pas qu’on pousse le président (Roch Kaboré) comme les vautours l’ont fait pour induire Blaise Compaoré (ancien chef d’Etat) en erreur. Qu’on soit clair, je ne suis ni contre le pouvoir en place ni pour lui. Roch Kaboré ne me connait pas mais moi je le connais parce que c’est notre président à tous. Après leur campagne politique, si les autorités sont courageuses, qu’elles aillent déposer des bureaux de vote à Djibo, Tongomael, Baraboulé et autres et organiser les élections on va voir.
Madame Thiombiano, comptable dans un centre d’orphelinat: « Moi sincèrement je suis déçue du gouvernement avec cette nouvelle mesure »
Ces augmentations avec la vie chère, vraiment on ne sait comment faire pour s’en sortir. Il faut que les autorités sachent que ça ne va vraiment pas dans le pays. Il faut que le gouvernement voie ce qu’il va faire pour soutenir les populations. Déjà que les salaires ne sont pas ça. Il faut qu’ils fassent quelque chose pour réduire les prix du carburant sinon cela aura une grave répercussion sur d’autres pans de la vie sociale et économique. Moi sincèrement je suis déçue du gouvernement avec cette nouvelle mesure.
Souleymane, commerçant : « Moi je trouve que c’est normal si on veut augmenter pour soutenir le développement »
Moi je trouve que c’est normal si on veut augmenter pour soutenir le développement du pays qui fait face à d’énormes difficultés. Vous-mêmes vous voyez que le pays est attaqué au Nord et il faut que les populations fassent souvent l’effort pour aussi soutenir le gouvernement qui travaille pour eux. C’est vrai que la vie est chère mais moi je pense que si le gouvernement a pris cette mesure, cette en toute bonne foi pour travailler à soulager les populations.
Jacques Djiguemdé, élève stage, gestionnaire de projet de formation : « C’est vrai que la vie est chère mais l’Etat a des besoins »
Je n’ai pas trop de commentaire à faire car la situation est difficile et tout le monde le sait, chacun se cherche comme on aime à le dire. Si cette augmentation permettra à l’Etat de gagner quelque chose pour subvenir à ses besoins notamment la pression sécuritaire. Moi je ne suis pas contre la mesure. Pourvu que les retombées soient utilisées à bon escient. Je pense que dans une certaine mesure, on peut comprendre l’Etat car le coût du carburant varie en fonction de celui au niveau mondial. Ce qui frustre, c’est que quand le prix diminue l’Etat traîne les pieds ou ne fait rien, c’est en ce moment que ça intrigue tout de même.
C’est vrai que la vie est chère mais l’Etat a des besoins. Il faut que nous prenions conscience que ceux qui doivent aider l’Etat à subvenir à ses besoins, c’est nous les citoyens. Si nous ne sommes pas prêts à contribuer au développement de notre pays, à la sécurisation du territoire burkinabè, acceptez que ça pose problème. Si ce sont des raisons de sécurité qui sont invoquées pour justifier cette augmentation, je pense qu’il n’y aura pas de problème, les gens comprendront. Si c’est aussi dû à l’augmentation du prix du baril à l’extérieur, on ne peut rien dire. C’est pourquoi je souhaite que pour de telles mesures, il faut une communication au préalable pour situer les populations. Et puis, il faut que ça soit par les canaux officiels dont la presse qu’on informe les gens. Sinon si c’est de bouche à oreille ou carrément à la pompe que tu apprends ça, j’avoue que c’est difficile. Moi je l’ai appris par un camarade et l’ai constaté à la pompe.
Amidou Bonkoungou, employé à Bangr-Wéogo : « Cette augmentation dépasse les moyens des citoyens lambda »
C’est vrai que ce sont eux (autorités politiques) qui sont en charge de tout, mais ce que nous voulons leur dire, c’est de penser aux populations parce que cette augmentation dépasse les moyens des citoyens lambda. Cela revient plus difficile aux nécessiteux, aux malades entre autres. Je souhaite que le président (Roch Kaboré) soit quelqu’un qui prend pitié pour les démunis. Vous allez constater que cette augmentation ne dira rien à un nanti. De la même façon si c’était une diminution, vous alliez voir que ce sont les pauvres qui vont beaucoup saluer la mesure. Nous ne nions pas que le gouvernement fait face à pas mal de problèmes mais c’est à lui de pouvoir avoir des stratégies pour soulager les populations.
Jean-Baptiste Bouda, imprimeur : « Moi je suis favorable pour cette augmentation parce que le Burkina ne produit pas le pétrole »
Moi je suis favorable à cette augmentation parce que le Burkina ne produit pas le pétrole. Si au niveau mondial, ça a augmenté, vous voulez que le gouvernement fasse comment? Tout passe par le carburant. Sans lui rien ne peut fonctionner. Si le cours du baril du pétrole est décidé ailleurs, c’est normal que le Burkina suive le pas. C’est une obligation pour le gouvernement. A supposer que le gouvernement refuse d’aller dans la même dynamique mondiale d’augmentation et décide de subventionner le coût du carburant, tôt ou tard il en paiera les conséquences les mêmes populations avec. Et puis, il ne faut pas occulter que nous faisons face au terrorisme. Où voulez-vous que le gouvernement trouve les moyens ? Il faut que les populations comprennent et fassent des sacrifices parce que moi qui vous parle, je ne suis pas nanti. Normalement même l’Etat devait imposer l’effort de guerre. Cela devait être obligatoire pour tout le monde. Je ne sais même pas pourquoi l’Etat ne propose rien en ce sens.
Sidnoma Emeline Marie Vanessa Sampougoudou, étudiante à l’université Joseph Ki-Zerbo : « Même si on va ramener le coût à 600 FCFA le litre, au moins, ça serait mieux »
Comme ce sont les normes qu’il (gouvernement) suit, on peut essayer de comprendre, néanmoins, il faut que les autorités trouvent d’autres compensations parce que ce n’est pas vraiment du citoyen moyen. Les gens souffrent réellement. Il n’y a pas les moyens. Déjà que chacun se débat comme un beau diable, si du fait de l’augmentation, les gens n’arrivent plus à mettre le carburant pour leurs courses, cela aura vraiment un coup dur sur la vie des populations. Donc si on peut revoir diminuer le prix, même si on va ramener le coût à 600 FCFA le litre, au moins, ça sera mieux. A la source même, le prix du carburant n’est pas élevé. C’est avec les problèmes de taxes et autres que le coût nous revient cher. Donc il faut qu’ils (gouvernants) jouent sur ça pour essayer de réduire.
Propos recueillis par Bernard BOUGOUM