Dans cette lettre ouverte adressée au président du Faso Roch Kaboré, les policiers radiés se disent contre la proposition du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) de leur reverser dans la fonction publique.
Lettre ouverte
Excellence Monsieur le président du Faso, nous, policiers révoqués en 2012, avons le plaisir, après de multiples demandes d’audiences infructueuses, de vous rendre compte de ce qui suit :
Accusés à tort, sans preuves formelles d’indiscipline et révoqués suite au mouvement d’humeur généralisée à la Police nationale en avril-mai 2011 dû aux malversations au sommet de la hiérarchie qu’une enquête recommandée par l’ex-ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, en 2017, est venue confirmer sans qu’aucune sanction ou mesures dissuasives ne soient prises.
Excellence Monsieur le président,
Le HCRUN, dans sa noble mission de réconciliation, se doit surtout de rechercher l’apaisement des cœurs des victimes et non de faire plaisir à des politiciens qui, de leurs bureaux, manipulent les hommes et les institutions.
Excellence, la proposition du HCRUN de reverser les policiers révoqués à la Fonction publique sans aucune explication, malgré notre insistance, a rencontré notre désapprobation. En rappel, nous avons été invités par le HCRUN à son siège le 11 avril 2018 où nous avons été reçus par ses membres dont le président, Monsieur Léandre Bassolé et le colonel Sy Traoré. Ce dernier nous a lu la décision de reversement à la Fonction publique et d’ajouter : « mutinerie, c’est mutinerie, c’est à prendre ou à laisser. » Si nos camarades militaires ont approuvé cette décision, nous, nous la jugeons unilatérale, contraignante et arbitraire. Cependant, le 16 avril 2018, nous avons adressé une correspondance au HCRUN dans laquelle nous lui avons signifié que nous ne sommes pas favorables à cette décision et nous lui avons donné les raisons suivantes.
Nous n’avons pas été associés aux discussions. Aucun plan de carrière ne nous a été défini, malgré nos multiples questions restées sans réponses. Accepter cette décision tel qu’élaborée, c’est laver la conscience des auteurs de ce crime. Dans ces conditions, ni notre honneur ni notre dignité (à quoi nous tenons fortement) n’auront été blanchis. Nous pensons que plusieurs propositions de sortie de crise devraient être faites aux victimes, libres à elles de choisir ou pas. Ce serait cautionner l’injustice et l’impunité et aussi favoriser qu’un autre jour, ailleurs, des chefs à qui il sera confié une portion de pouvoir, en fassent un abus. Nous blanchir aux yeux de nos concitoyens et de nos camarades de sang. Aucun officier de police n’a été associé aux traitements du dossier des policiers révoqués. Le colonel Traoré, avec tout le respect et l’admiration que nous avons pour lui et qui, par ailleurs, a été radié de l’effectif des rangs de l’armée au temps de la Révolution et a réintégré avec l’avènement du pouvoir de Blaise Compaoré, ne connaît ni le statut particulier ni la déontologie de la Police nationale. Jusqu’à ce jour, aucune preuve n’a pu étayer notre culpabilité dans les évènements de 2011.
Excellence Monsieur le Président,
La réintégration apaisera nos cœurs certes, mais elle ne pourra guérir nos blessures si larges et si profondes, les dommages moraux, psychologiques, physiques et professionnels. Sept ans de retard alors que ceux de nos promotions sont pour la plupart des officiers ou des commissaires de police pendant que nous, nous continuons de traîner nos bosses dans la rue. C’est vrai que nous avons besoin de travailler pour subvenir aux difficultés de nos familles, mais nous refusons d’accepter un cadeau empoisonné. Nous disons, la société est maître de nos actes et l’injustice la mère de tous les vices. Faites que le fils du pauvre ait les mêmes chances que celui du riche et l’on retiendra de vous, un homme vertueux. Que Dieu vous guide, vous protège et bénisse le Burkina Faso que nous aimons tous.
25 avril 2018
La patrie ou la mort, nous vaincrons !
Délégation des 136 policiers révoqués en 2012
Délégué chargé à la communication